1944. Le jeune Ivan, 13 ans, rêve. Il se souvient des moments heureux qu'il passait avec sa mère à la campagne. Celle-ci a été tuée par les Allemands en allant au puits. Ivan se réveille dans un un moulin et grimpe une colline jonchée de morts. Il marche dans une forêt en bordure du Dniepr et s'abrite derrière une souche pour traverser le fleuve. (Générique).
Dans la crypte d'une église, Q.G. d'un poste militaire avancé, le lieutenant Galtsev est informé que l'on vient d'arrêter un gamin. C'est Ivan qui refuse de parler et exige que l'on prévienne le commandement de la 51e division de son retour. Galtsev hésite puis, devant l'intransigeance du gamin, obtempère. Au téléphone, le lieutenant-colonel Gryaznov lui confirme que le jeune Ivan Bondarev a bien été employé pour une mission derrière les lignes allemandes. Gryaznov confirme aussi à Galtsev qu'Ivan n'a pas un caractère facile. Il envoie pour le chercher le capitaine Léonide Kholin.
Rassuré, Ivan finit par s'endormir. Son sommeil est agité par un cauchemar ; lui-même au fond du puits, il voit sa mère avant qu'elle ne soit tuée. Lorsque le capitaine Kholin vient le chercher, il se jette dans ses bras. Ivan explique qu'il aurait dû être à Dikovka, plus en amont du fleuve, où Katasonov l'attendait mais les Allemands étaient déjà là d'où sa présence à Kikovka (Kakhovka): dès lors pour leur offensive les Russes devront passer par Fedorovka.
Au PC de la 51e division, le lieutenant-colonel Gryaznov partage avec le soldat Katasonov son admiration pour Ivan. Il a traversé le fleuve la nuit pour échapper aux allemands ce que n'ont sans doute pas pu faire Liakhov et Moroz qui l'accompagnaient. Lorsqu'Ivan arrive, il est fou furieux d'apprendre que Gryaznov veut qu'il retourne vers l'arrière et apprenne son métier de soldat dans une académie militaire. Il refuse catégoriquement et affirme qu'il s'enfuira de nouveau pour rejoindre les partisans.
C'est ce qu'il fait à la première occasion. Dans un paysage désolé, il rencontre un vieil homme avec un coq. Le vieillard est à moitié fou car sa mère vient d'être fusillée et sa maison détruite. Rattrapé par Kholin, Gryaznov et Katasonov, Ivan plaide de nouveau sa cause pour partir sur une nouvelle mission.
Dans la cabane de bouleaux au milieu de la forêt, le lieutenant-chef Galtsev reproche à Macha, l'infirmière, lieutenant du service de santé, de ne pas être assez directive avec ses subordonnées : des poux infectent encore les vêtements des soldats. Le capitaine Kholin voit bien que Galtsev est amoureux de la belle Macha sans vouloir profiter de sa position de supérieur. Kholin n'a pas les mêmes scrupules. Dans la forêt, il vole un baiser à Macha. Galtsev, informé de la présence de Kholin auprès de Macha, se précipite à leur rencontre. Mais, avant que la rivalité ne s'exacerbe entre les deux hommes, la guerre reprend ses droits.
Katasonov découvre à la jumelle que les corps de Liakhov et Moroz, pendus, sont exposés avec une pancarte de "bienvenue" sur la rive allemande. Katasonov a ramané Ivan à Kikovka qui a ainsi obtenu gain de cause pour une nouvelle mission. Galtsev propose à Ivan des romans d'espionnage pour passer le temps puis un livre d'art. Mais, dans les gravures de Dürer, Ivan ne peut voir autre chose que la présence horrifique allemande d'aujourd'hui.
Galtsev, Kholin et Katasonov s'en vont à la recherche d'une barque pour traverser le fleuve. Ivan, resté seul dans la crypte,repère sur les murs des inscriptions laissées par des prisonniers russes ("Nous sommes huit ici dont le plus vieux a 19 ans nous allons être exécutés. "Vengez-nous"") et pleure d'angoisse et de chagrin. Les bombardements reprennent. Kholin décide de profiter de la désorganisation du camp pour traverser secrètement la ligne de combat et laisser Ivan accomplir sa derrière les lignes ennemies. Ivan se plaint que Katasonov soit parti sans prévenir et doit être remplacé par Galtsev. Comme celui-ci réaffirme que ce n'est pas la place d'un enfant, Ivan lui rappelle qu'il a connu Trostiantze, le camp de la mort allemand. Ivan s'allonge et voit encore les inscriptions "vengez-nous" avant de s'endormir. Il rêve de son amour d'enfance, une fillette à laquelle il offrait une pomme à l'arrière d'un camion parcourant une route sous la pluie pour aller nourrir des chevaux sur la plage.
C'est la nuit, il est temps de partir. Galtsev découvre qu'il ne doit d'avoir été choisi pour accompagner Ivan que parce que Katasonov a été victime d'une balle perdue. Kholin le leur avait caché. Kholin et Galtsev conduisent Ivan en barque à travers les marais, la forêt inondée. Ils se donnent rendez-vous à Fedorovka. Au retour, les deux hommes échappent de peu à une patrouille allemande. Ils ramènent les corps de Liakhov et Moroz. Dans la crypte, ils écoutent une chanson sur le phono "Macha ne devrait pas aller se promener au bord de la rivière. Elle est encore trop jeune pour aimer". Macha survient et reste indifférente aux paroles de Kholin. Galtsev l'informe qu'il a demander le retour de Macha à l'arrière, jugeant que ce n'était pas la place d'une jeune femme.
Mai 1945. C'est la victoire. Les troupes russes pénètrent dans Berlin. Les corps de Goebbels carbonisé, de sa femme et ses filles sont exposés. Dans les ruines de la Chancellerie, Galtsev découvre un dossier portant la photographie d'Ivan. Il a été exécuté par les nazis. Galtsev imagine qu'Ivan dans ses derniers instants, avant que sa tête ne tombe, guillotinée, à du rêver de sa mère, de la fillette avec laquelle il faisait la course sur la plage, de ses jeux avec d'autres enfants. Il courait vers l'arbre sur la plage, carbonisé.
L'enfance d'Ivan est le premier long métrage de Tarkovski. Le dernier plan de son dernier film, Le Sacrifice, reprendra le premier plan de celui-ci. C'est un panoramique ascendant sur un arbre qui révèle une nature magnifique. Une chèvre, des papillons, et le visage de l'enfant blond amorcent le premier rêve, un idéal perdu.
L'enfance d'Ivan est en effet celle d'un gamin sacrifié par l'horreur de la guerre. Ce pourrait être un héros. Et c'est d'ailleurs ainsi que l'a reçu la censure russe. Mais c'est un monstre qui ne fait plus partie de la race des humains. Il ne cherche que la vengeance. L'art lui est étranger. Dans les gravures de Dürer, Les quatre cavaliers de l'Apocalypse, Ivan ne peut voir autre chose que la présence horrifique allemande d'aujourd'hui. Il a perdu son âme. Celle-ci ne se trouve plus que, magnifiée dans les quatre rêves d'Ivan : Le rêve initial des jours heureux, le cauchemar à l'extérieur puis au fonds du puits, le rêve de la jeune fille, le rêve final imaginé par Galtsev d'Ivan se remémorant ses jeux d'enfants sur la plage.
Seul ici Galtsev jeune lieutenant promu très jeune chef de bataillon a une attitude responsable voulant non seulement retirer Ivan du combat mais aussi Macha. Amoureux d'elle, Galtsev ne cherche jamais à profiter de sa position de supérieur hiérarchique. Le vieux soldat Katasonov a aussi une attitude protectrice; il est tragiquement tué d'une balle perdu. Gryaznov, qui voudrait envoyer Ivan dans une école militaire, et Kholin, joyeux et opportuniste, cherchent aussi à protéger l'enfant; sans succès.
Toutefois, pour cet enfant sacrifié qui a perdu sa famille et dont la vengeance est l'unique but pour oublier la mort de sa mère, la mort sonne comme une délivrance. C'est du moins comme cela que l'interprétait Jean-Paul Sartre l'un des rares intellectuels à aimer le film à sa sortie. Il voit que c'est presque un happy-end, cette mort d'un enfant étranger à toute victoire. Dans Allemagne année zéro, le jeune Edmund se suicidait pour échapper aux conséquences morales de son acte. Et même dans le plus mineur Jeux interdits, les enfants étaient séparés.
Après un premier essai raté d'un réalisateur, la production demande à Tarkovski, qui a à peine fini ses études au VGIK, s'il est volontaire pour réaliser le film avec la moitié du budget. Tarkovski accepte et semble très marqué par Citizen Kane (un Ivan qui aurait survécu ?) avec son utilisation de la profondeur de champ avec gros plan en amorce. Le territoire de la guerre est peu montré alors que les éléments sont valorisés : les eaux (la pluie, le fleuve, l'eau qui tombe goutte à goutte dans la bassine) et la forêt de bouleaux, symbole de l'éternité de l'âme russe. Le film, qui accentue le décalage entre les rêves plein d'innocence et l'angoisse insupportable d'Ivan, est bien loin de glorifier la débrouillardise d'un enfant héros de guerre.
Lion d'or à Venise, le film est pris en France comme un film officiel et esthétique. En Russie, le thème de l'enfance sacrifiée ne plait pas au pouvoir qui ne montera quasiment pas le film. Ce n'est que quatre ans plus tard qu'Andrei Roublev, présenté à Cannes deux ans et demi après son achévement, obtiendra le prix de la critique internationale et fera connaître son auteur dans le monde entier.
Jean-Luc Lacuve, le 15 mars 2018.
Une autre littérature existe cependant qui tire sa force maitresse de sa solide composition, ou encore de son sujet original mais ou le développement esthétique est négligé. Je crois que l’Ivan de Bogomolov est de celle-là. D’un point de vue purement artistique, la sécheresse, la lenteur, la minutie de l'œuvre, avec ses digressions lyriques pour faire apparaitre le caractère du personnage principal, le lieutenant Galtsev ne me disait pas grand chose. Bogomolov accorde en effet une grande importance à l’authenticité du quotidien militaire qu'il décrit
… par son adaptation cinématographique, le récit allait même pouvoir gagner une intense émotion esthétique qui transformerait son idée en une vérité confirmée par la vie.
Je fus également frappé par le fait que cette austère nouvelle de guerre ne parlait pas de confrontation militaire ni de la situation sur le front. Aucun exploit n’était conté.
La troisième chose qui m’avait touché jusqu'au fond de l’âme était le caractère du jeune garçon. Celui-ci m'était apparu d’emblée comme brisé par la guerre, comme détourné de son axe naturel. Tout ce qui aurait pu être le propre de son jeune âge semblait avoir définitivement abandonné sa vie.
Les liaisons poétiques apportent davantage d’émotion et rendent le spectateur plus actif. Il peut alors participer à une authentique découverte de la vie car il ne s’en remet plus à des conclusions toutes faites imposés par l’auteur. Il ne lui est proposé que ce qui peut lui permettre de découvrir l'essence de ce qu'il voit. Il est inutile de limiter la complexité de la pensée et la vision poétique du monde au cadre d'une réalité trop évidente. La logique du développement linéaire ne ressemble-t-elle pas de manière trop suspecte à celle d'un théorème de géométrie ? Cette méthode est beaucoup plus appauvrissante dans le domaine artistique que l'enchaînement par associations qui rassemble le rationnel et l'émotionnel (Andrei Tarkovski, Le temps scellé, 1986, 1989 et 2014, p.23 à 44)