1828. Après avoir fui le régime répressif de Ferdinand VII, Francisco Goya est installé à Bordeaux depuis quatre années. Il ne lui reste que quelques jours à vivre. Dans la maison quil partage avec sa dernière femme Léocadia et sa jeune fille Rosario, le peintre sourd et solitaire remontera le fil de ses souvenirs. De son statut de premier peintre de la Cour dEspagne, à la maladie qui faillit lemporter, en passant par ses amours tumultueuses, les intrigues de Cour, le rejet de la guerre et son changement artistique total... tous les moments importants de la vie du célèbre peintre pré-romantique sont passés en revue.
Goya quitta l'Espagne en 1824 pour s'installer à Bordeaux, terre d'exil des afrancesados libéraux. Le film débute ici, à Bordeaux, sur un Goya au crépuscule de sa vie qui s'achèvera le 16 avril 1828, fatigué, malade, perdu entre deux temps "entouré" par les femmes de sa vie.
Atteint de surdité, il n'a plus que ses yeux pour appréhender le monde, le comprendre, le juger. La parole étant un vecteur de manipulation de la pensée, étant privé de la faculté d'écoute, il s'en remet à sa vue, Les Caprices, lesquels sont largement mentionnés et mis à l'image, étant le résultat de ses observations, critique acerbe de la société d'hier, semblable à celle d'aujourd'hui, visionnaire et intemporelle, commune à toutes les époques.
Différents temps se confrontent, s'enchaînent et se répondent.
Carlos Saura nous montre ici un Goya physiquement présent, psychiquement
ailleurs, dont toutes les pensées sont tournées vers le passé,
vers la comtesse d'Albe, Cayetana. Un échange constant s'opère
entre différentes étapes de son existence, on débute
par la fin pour revenir aux prémisses de sa vie à la cour, de
sa vie de peintre, succession croissante et décroissante. Il met en
scène un monologue de son personnage situé entre deux temps,
passé et présent, mais en un instant précis concomitants,
soulignant de ce fait la constance et l'intemporalité auxquelles répond
Goya pour finir sur un plan de ce dernier allongé sur son lit, épris
d'une frénésie onirique, l'âme de la Comtesse venue le
chercher, la fin est proche.
Carlos Saura ne cherche pas à dresser une simple biographie de son peintre. Il s'agit avant tout d'un film sur la peinture, d'une uvre d'art prenant vie dans laquelle nous sommes d'emblée plongée, dès les premiers plans teintés de rouge, ambiance pétrie d'inquiétude. En effet, il n'a pas seulement cherché à nous faire vivre des moments phares de la vie de Goya afin que nous soyons en mesure de comprendre l'origine de ses plus beaux tableaux tels que Le tres de mayo, La maja desnuda, La reine Marie Louise ou encore La duchesse d'Albe mais il fait son film comme on peint un tableau, un tableau vivant, un tableau mouvant. Il teint la pellicule, nous plonge dans un univers onirique frôlant le fantastique, un monde vu par Goya ce qui nous amène à nous interroger, par moment, sur la véracité de ce qui nous est montré, est-ce la réalité ou l'imaginaire du peintre ?
Justine Lévêque le 13/06/2008.