Un riche avocat britannique, Alexander Joyce, et sa femme Katherine arrivent à Naples dans leur automobile. Ils ont quitté l'Angleterre afin de vendre une maison, héritage d'un oncle de Katherine.
Arrivés à Naples, ils descendent dans un grand hôtel luxueux. Et, alors qu'ils sont mariés depuis huit ans et n'ont jamais été vraiment tous les deux en tête-à-tête, ils continuent de s'éviter et vont aussitôt au bar. Alexander y rencontre Judy, une amie de longue date avec d'autres amies. Ils dînent ensemble et Alexander flirte avec Judy. Lorsqu'ils se retrouvent seuls, Katherine constate qu'il y avait longtemps qu'il n'avait pas déployé tant de charme.
Le lendemain matin, Tony Burton qui vit avec sa femme Natalia dans la maison dont les époux ont hérité, vient les chercher. Tony est archéologue, et l'oncle de Katherine a été pour lui un ami et une sorte de père qui a financé ses études. Tony tient beaucoup à la maison, et il espère qu'elle plaira tant à Katherine et à Alexander qu'ils reviendront sur leur décision de la vendre. C'est une merveilleuse villa au pied du Vésuve.
Tony et Natalia ont préparé un repas. Après le déjeuner, Katherine et Alexander s'assoient sur la terrasse -Au fond le Vésuve- et font la sieste. Alexander, qui a déjà bu une bouteille de vin, essaie de s'en procurer une autre. C'est difficile car il ne peut se faire comprendre des deux domestiques.
Katherine se plonge dans ses souvenirs du jeune poète Charles Lewington, qu'elle a connu avant son mariage et qui a été soldat à Naples. Alexander, jaloux tente de dissimuler sa jalousie sous des remarques cyniques.
Le lendemain matin, Katherine demande la voiture à son mari. Elle veut aller à Naples et visiter le musée qu'a fréquenté Charles Lewington. Alexander reste car deux acheteurs éventuels doivent venir voir la maison. Au musée archéologique, un guide se colle à Katherine, un vieil homme gras qui passe son temps à faire des remarques spirituelles et allusives.
Katherine se sent troublée au milieu de ces statues qui représentent toutes des hommes nus. De retour, elle fait observer à Alexander que son poète n'avait pas tout à fait bien vu les choses ; car ce qu'elle a vu ne lui paraît pas du tout ascétique, mais, au contraire, extrêmement charnel et actuel. Cet aveu lui concilie pour la première fois Alexander "Quand tu veux, tu peux être très charmante". Katherine aussi se fait plus ouverte : "Mais tu es tellement arrogant, tellement blessant que ça fait passer l'envie". Soudain, ils entendent des cris dans la maison. Ils aperçoivent deux personnes qui disparaissent aussitôt. Natalia leur explique que c'était un couple d'amoureux qui faisait ce bruit "ils n'arrêtent pas de se disputer mais ils sont très amoureux"
Le lendemain soir, Katherine et Alexander sont les hôtes du duc de Lipoli, un ami de l'Oncle Michael. Ils n'y rencontrent que des comtes et des princes. Katherine est bientôt au centre de l'attention. Cette fois c'est Alexander qui est jaloux. A nouveau, ils s'adressent des reproches l'un à l'autre. Il affirme qu'il se donne le plus grand mal, mais qu'elle ne fait rien pour sauver leur mariage. Il vaudrait mieux pour tous deux qu'ils se séparent quelques jours
Le lendemain, lorsqu'elle se lève, il est déjà parti rejoindre
Judy et ses amies à Capri. Elle part seule pour Naples où elle visite les
grottes de la Sibylle. Un guide, un vieil homme ridé, lui explique que tous
les amants viennent ici "pour en savoir plus sur le destin de leur amour".
Ayant entendu cela, Katherine n'a plus envie de voir les grottes. Elle monte
les marches et se trouve dans les ruines du temple d'Apollon. De là elle voit
jusqu'à Capri où est allé Alexander. Le soir, assise seule sur la terrasse,
elle interpelle Alexander qui n'est pas là "Idiot, égoïste, imbécile
!".
A Capri, nous voyons Alexander converser avec Judy. Elle lui dit qu'il est encore bien trop amoureux pour pouvoir divorcer de sa femme. Plus tard, il raccompagne une belle jeune femme aux cheveux sombre. C'est Marie. Elle s'est cassé une jambe, et, lorsqu'elle est sur le seuil, il lui demande s'il la reverra le lendemain. Elle dit que oui.
Mais le lendemain, quand ils vont se promener ensemble, elle
a reçu une lettre merveilleuse de son mari. Ils comptent revenir à Capri le
soir même et vont repartir à zéro. Marie aussi dit "Mon mari a toujours
été tellement ironique, tellement blessant, que je ne faisais que me replier
sur moi-même". Alexander fait grise mine en voyant s'évanouir la perspective
d'une nouvelle aventure.
Entre-temps Katherine est montée sur le Vésuve, où un guide lui montre l'effet d'ionisation. Quand, à un endroit donné, on souffle la fumée d'une cigarette dans un des trous volcaniques, une fumée épaisse s'élève de tous, à portée de vue. Nous le voyons concrètement : tout est lié à tout.
Le lendemain, septième jour de son voyage en Italie, Katherine se rend avec Natalia aux catacombes de l'église de Fontanella. En chemin, elles croisent sans cesse des femmes enceintes et des hommes poussant des voitures d'enfants. Natalia demande à Katherine si elle n'a jamais voulu d'enfant. Katherine doit avouer qu'Alexander aurait beaucoup aimé en avoir avec elle, mais que c'est elle qui n'a pas voulu. Katherine veut rentrer à la maison.
Alexander lui reproche violemment d'avoir pris la voiture sans le lui demander. Là dessus il veut divorcer, elle est d'accord. A cet instant survient Tony. Il veut les amener tous deux à Pompeï. C'est une occasion unique qui s'offre à eux ce jour là. Il leur explique qu'à l'aide de plâtre versé dans des cavités, les archéologues ont pu produire des empreintes de corps humain, enfouis sous la lave. Le couple finit par y aller, et arrivés sur les lieux de l'exhumation, ils assistent au moment où les travailleurs dégagent deux forment humaines enlacées. "Un couple !" affirme un des ouvriers quand il a terminé. Cette étreinte éternisée dans le plâtre, c'en est trop pour Katherine. Elle veut quitter l'endroit au plus vite.
En voiture, tous deux discutent des détails de leur séparation. Puis ils arrivent au milieu d'une procession et doivent s'arrêter. Ils descendent de voiture et la foule se met en mouvement. Katherine est entraînée. Alexander essaie de la rejoindre. Quand il y arrive enfin, ils se tombent dans les bras. Ils voient qu'ils s'aiment toujours et qu'aucun d'eux ne veut du divorce. Elle lui demande de dire qu'il l'aime et, après une dernière note d'humour, il lui dit qu'il l'aime.
"Quête, attente, révélation", Jacques Rivette a parfaitement définit les trois mouvements de la mise en scène Rossellinienne qui atteint sa perfection avec ce drame sentimental sobre et bouleversant qu'est Voyage en Italie.
Dès la sortie du film, en avril 1955, Jacques Rivette publie dans les Cahiers "La lettre sur Rossellini". Il découvre "les motifs" de la modernité dans l'apparente banalité du propos de Voyage en Italie. Si Rossellini ne démontre rien, c'est qu'il veut juste "montrer", si ses héros ne prouve rien c'est qu'ils "agissent".
Cela ne construit pas un film, commentent les détracteurs. Voilà le plus moderne des films, répond Rivette car il tient entier, non dans la psychologie qui anime les héros d'une histoire, mais par les corps qui hantent une mise en scène, et qui, à force de la hanter, rejouent le "Mystère de l'Incarnation". L'incarnation est le sujet même de Voyage en Italie, puisque la révélation finale de l'amour (la réincarnation des amants se prenant dans les bras l'un de l'autre) se déroule simultanément au miracle du saignement (donc la réincarnation chrétienne) de San Gennaro, le saint patron de la ville de Naples.
Mais la mise en scène de ces corps est elle-même moderne. D'abord Rossellini les suit dans leurs hésitations, dans leurs désœuvrements ou leurs dégoûts, presque dans leur désincarnation progressive. Rossellini met en scène une "chasse de chaque instant, à chaque instant périlleuse, une quête corporelle, un mouvement incessant de prise et de poursuite qui confère à l'image un je ne sais quoi de victorieux et d'inquiet tout à la fois : l'accent même de la conquête." Ce mouvement de conquête, défini par Rivette comme l'essence de la mise en scène chez Rossellini ne débouche pas sur la révélation subite. Celle-ci prendra du temps : c'est précisément ce temps qui est l'autre marque du génie du cinéaste italien et dont les critiques ne saisissent pas la profondeur. Rossellini est moderne car son regard conquérant posé sur les corps débouche sur une attente :
"il faut, juste châtiment, subir aussitôt l'angoisse de l'attente, l'idée fixe qui doit venir après : quel poids de temps soudain donné à chaque geste ; on ne sait ce qui va être, quand, comment : on pressent l'événement mais sans le voir progresser : tout y est accident, aussitôt inévitable.."
L'événement, enfin survient après la quête et l'attente. C'est le troisième moment du triptyque rossellinien que Rivette met en valeur : la révélation, lorsque le signe allégorique de l'incarnation se voit confirmé dans sa pleine puissance.
La critique récente (Alain Bergala, principalement) a développé ces thèmes en soulignant par exemple que la scène des fouilles à Pompeï qui précède juste la scène du miracle est une première annonce de la grâce qui va toucher le couple. Katherine et Alexander, déjà épuisés et contraints de regarder l'exhumation des corps enlacés, pourraient s'avouer leur amour devant la formidable puissance symbolique de cette découverte. Il importe cependant, dramatiquement, que la grâce frappe une première fois en vain pour que, d'une part, le spectateur soit mieux à même d'apprécier le coup de force final et que, d'autre part, l'importance du lien corporel entre les époux soit plus clairement mis en avant.
On ne suivra pas jusqu'au bout Rudolf Thome dans sa pourtant brillante analyse du film lorsqu'il affirme :
La dernière phrase d'Alexander (Oui, à condition que tu ne t'en serve pas
contre moi) l'indique déjà : la guerre entre eux n'est pas terminée. A la
fin du film ne règne qu'une sorte de cessez le feu. Tant qu'ils vivront, il
n'y aura absolument rien de définitif entre eux. La seule chose de définitive
est la mort, et dans cet étrange pays où les enfants et la mort jouent un
tel rôle, tous deux en ont suffisamment fait l'expérience.
Cette interprétation semble mettre sur le même plan les inévitables chamailleries du couple, récurrentes tout au long de leur voyage, et la révélation de la force de leur amour. Or, c'est bien ce dernier qui va désormais s'incarner dans le quotidien et leur permettra, non pas certes de ne plus se disputer mais probablement d'avoir les enfants que Katherine refusait et, par la même de renouer un lien physique que ne pourront qu'égratigner leurs querelles.
Cette importance de l'incarnation, du lien corporel, est révélée par l'insupportable séparation des époux éloignés l'un de l'autre par la foule. D'autre part la dernière phrase d'Alexander et la dernière du film est "I love you" alors que la précédente à laquelle fait référence Thome est un trait d'humour, pris comme tel par Katherine qui en souri (alors que l'ironie de son mari l'excédait jusqu'alors). De même, les plans de foule et la musique de fanfare qui clôturent le film disent assez l'élan spirituel qui emporte le couple.
Voir : Un couple parfait, remake modernisé par Suwa en 2005.
Sources :