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Le royaume des diamants

1980

(Heerak Rajar Deshe). Avec : Tapan Chatterjee (Goopy Gyne), Rabi Ghosh (Bagha Byne), Utpal Dutt (Hirak Raja), Soumitra Chatterjee (Udayan Pandit), Santosh Dutta (Shundir Raja). 1h58.

Goopy et Bagha sont les gendres du roi de Sundi. Ils restent au palais à ne rien faire et finissent par se décider à explorer le monde, à l’aide de leurs chaussons magiques qui leur permettent de se téléporter n’importe où. C’est alors qu’ils arrivent au royaume de Hirak, dirigé par un despote qui achète la fidélité de ses zélateurs avec les diamants extraits de ses mines, et qui possède une méthode simple et efficace pour réduire les opposants au silence : le lavage de cerveau, une machine qui les transforme en zombies qui passent le reste de leur vie à ânonner des slogans à la gloire du tyran.

Il s’agit de la suite des Aventures de Goopy et Bagha (1969) qui a connu un succès populaire phénoménal et que Ray prolonge onze ans plus tard, cédant ainsi aux demandes des fans. Les chansons, certaines chantées in extenso, occupent une large part du film. Elles sont exclusivement chantées par Goopy lorsqu’il fait usage de ses pouvoirs magiques, sa voix ayant le pouvoir de paralyser tout être vivant aussi longtemps qu’il continuera à chanter. C'est parfois un ressort comique ainsi lors de la scène du tigre où Goopy ne peut pas s’arrêter de chanter – sauf à libérer, déparalyser le fauve – et où, terrorisé, il chante n’importe quoi y compris des injonctions à son frère dans le style « dépêche toi Bagha il va falloir partir d’ici ».

Les personnages sont hauts en couleur et assez forcés dans le style burlesque : Goopy et Bagha sont très niais, très bien intentionnés, dotés de pouvoirs très magiques et en fin de compte très sympathiques. Il sont interprétés par les mêmes comédiens qui les jouaient douze ans plus tôt : Tapen Chatterjee pour Goopy, le grand, le chanteur et Rabi Gosh, Bagha, le petit, le percussionniste. Le roi est joué par Utpal Dutta, un acteur, réalisateur, homme de théâtre indien remarqué pour l’approche marxiste de son art ce qui ne manque pas de sel pour interpréter un tyran totalitaire. Udayan, le maître d’école, opposant et rebelle numéro un, est joué avec un look très Jésus-Christ par Soumitra Chatterjee, l'alter-Ego de Ray qui depuis Le monde d’Apu (1959) jusqu'à Un ennemi du peuple (1990) joue dans 14 des 30 longs-métrages de fiction de Ray.

Le film, comme tout ceux de Ray dans la décennie 1970, contient un indiscutable message politique anti-totalitaire, message simple mais aussi bienvenu car le film, rappelons-le, s’adresse aussi en partie aux enfants. On y trouve le régime omnipotent qui gouverne par la terreur avec ministres aux ordres, l’autodafé des livres de l’école du pauvre Udayan, le lavage de cerveau systématique parfaitement orwellien et la scène isolée (rien ne la justifiait) des malheureux vivant dans un campement de tentes et chassés manu militari par les nervis du régime avant de les parquer de force dans un camp. De l’aveu même de Ray, qui pourtant a toujours été réticent à prendre parti au niveau politique, il s’agit d’une allusion à la démolition brutale des bidonvilles de Delhi, ainsi que d’autres villes, par le gouvernement d’Indira Gandhi pendant l’état d’urgence décrété entre 1975 et 1977.

Le film a eu un grand succès à tel point que Ray a reçu de nombreuses lettres de fans réclamant un troisième épisode. Il a voulu satisfaire leurs demandes malgré la fatigue induite par un tel projet pour un réalisateur vieillissant. Il a écrit, à partir de 1989 douze chansons pour ce troisième épisode ainsi qu’une histoire (incluant la lutte contre le travail forcé des enfants), Tapen Chatterjee et Rabi Gosh ont accepté de rempiler, la réalisation a été confiée à Sandip Ray, le fils du maître et le film est finalement sorti au Bengale en 1992. A peu près au même moment, Satyajit Ray s’éteint à l’hôpital, suite à des problèmes cardiaques. Il avait 70 ans.

Source : Ecran noir London

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