Entre 1975 et 1979, le régime Khmer rouge a causé la mort d'environ
1,8 million de personnes soit un quart de la population du Cambodge.
Kaing Guek Eav (Kang Kek Ieu) dit Duch a dirigé M13, une prison des
maquis khmers rouges, durant quatre années avant d'être nommé
par l'Angkar, «l'Organisation» (entité sans visage et omniprésente
qui règne sans partage sur la destinée de tout un peuple) au
centre S21 à Phnom Penh. En qualité de secrétaire du
parti à S 21, il a commandé entre 1975 et 1979 cette machine
de mort khmère rouge où périrent, d'après les
archives restantes, au moins 12.380 personnes. Mais combien d'autres ont disparu,
« écrasées, réduites en poussière »,
sans qu'on ait retrouvé leur trace.
En 2009 Kaing Guek Eav dit Duch, a été le premier dirigeant de l'organisation Khmère rouge présenté devant une cour de justice pénale internationale, les Chambres Extraordinaires au sein des Tribunaux Cambodgiens (CETC). A la fin de son procès, Duch a demandé la relaxe. Néanmoins, il a été condamné à 35 années d'emprisonnement.
En juillet 2010, il fait appel du jugement. Alors que Duch attend son nouveau
procès, Rithy Panh recueille sa parole nue, sans fioritures, dans l'isolement
d'un tête-à-tête. Duch le estime avoir pleinement rempli
sa mission et explique les raisons qui l'ont conduit à commander M13
puis S21 : Sa foi en l'idéologie de l'Angkar ; Son obsession du travail
bien fait, le culte de la hiérarchie et le souci d'être apprécié
par ses chefs ; Sa passion du pouvoir, de la discipline et de l'organisation;
Ses talents de pédagogue, attaché à former les parfaits
ouvriers d'un crime collectif et silencieux; Son instinct de survie, ses regrets,
sa peur de la mort.
Parallèlement Rithy Panh met la parole en perspective avec des images
d'archives et des témoignages de survivants. Implacablement, au fil
du récit, se dessine la machine infernale d'un système de destruction
de l'humain à travers la description de ses minutieux rouages.
en février 2012, Duch est à nouveau condamné
mais cette fois-ci à la prison à perpétuité, pour
meurtre, torture, viol et crimes contre l'humanité.
Avec Duch, le Maître des Forges de l'Enfer, Rithy Panh continue son travail de mémoire du génocide cambodgien. Il mène ici un long entretien (fruit de 300 heures de rush) avec Kang Kek Ieu, dit Duch, celui qui dirigea sous le régime Khmer rouge la prison M13 pendant 4 ans, avant d'être nommé à la tête du S21, la terrifiante machine à éliminer les opposants au pouvoir en place. Il se retrouve ici seul face à la caméra, pour exposer son point de vue, évoquer ses souvenirs, ses convictions, ses méthodes, ses doutes et ses souffrances.
Dès les premières images on est aspiré dans la spirale rhétorique et machiavélique de cet homme au sourire terrifiant. Alors qu'on aurait pu s'attendre à un face à face poignant entre l'ancien bourreau et sa victime, Rithy Panh va plus loin et nous livre seuls à la voracité de Duch. Jamais le cinéaste n'interviendra à l'écran. En accompagnant la parole du khmer rouge par des images d'archives et des témoignages de survivants, il dessine les rouages de la machine infernale du génocide cambodgien.