Partant de la photographie de son beau-père, Augusto Olivares, suicidé aux côtés de Salvador Allende dont il était l'ami et le proche collaborateur, lors de l'attaque du palais de la Moneda le 11 septembre 1973, Emilio Pacull ausculte l'assassinat de l'utopie démocratique et socialiste du Chili.
Emilio Pacull arrivant de l'aéroport se souvient de son film Terre sacrée, basé sur sa volonté de retrouver ses racines. Il visualise à l'hôtel des extraits d'Etat de Siège et de Missing, travaille à la bibliothèque sur des documents de la CIA déclassifiés secret-défense et interroge les amis de son beau-père ainsi que ceux qui ont contribué au coup-d'état et provoqué son suicide suivi, quelques minutes plus tard, de celui de Salvador Allende.
Pacull interroge ainsi Armando Uribe, poète et diplomate, conseiller commercial à l'Ambassade du Chili à Washington dans les années 60 et ambassadeur du Chili en Chine entre 1971 et 1973 puis Arturo Jiron, médecin du président Allende et survivant de La Moneda.
Pacull interroge sa mère, autrefois actrice célèbre au Chili, remariée avec Augusto Olivares. Celui-ci lui apporta un bouquet de violettes quelques heures avant l'attaque du palais de La Moneda et son suicide.
Chez les responsables du coup d'Etat, Pacull interroge Orlando Saénz, président de la SOFOFA, principale organisation du patronat chilien, et premier instigateur civil du coup d'état militaire et Roberto Thième, responsable du bras armé du groupe d'extrême droite Patria y Libertad, ayant joué un rôle déterminant dans la préparation du climat putschiste au Chili.
Pacull retrouve Peter Kornbluh qui, à travers l'ONG "National Security Archive" a permis la déclassification des documents qui prouvent l'intervention américaine contre le Chili.
Retour aux amis avec Renato Gonzalez, membre de la garde rapprochée du Président et Carlos Jorquera (Negro), journaliste responsable de presse de la présidence, grand ami d'Olivares, tous deux survivants de La Moneda et Steven Volk, citoyen américain, très proche de Charles Horman et Franck Teruggi, citoyens américains assassinés au Chili les jours suivant le coup d'état et dont l'histoire a inspiré Missing de Costa Gavras
Pacull accueille sa fille à l'aéroport et s'en va avec elle pour une sorte de pèlerinage au palais de la Moneda, là où Augusto Olivares et Salvador Allende se sont suicidés.
Aux USA, Pacull interroge Milton Frydman, prix Nobel d'économie et chef de file de l'école monétaire de Chicago qui eut toute liberté pour expérimenter ses théories après le coup d'Etat.
La fille de Pacull peint une licorne, symbole de toutes les utopies passées et à venir.
L'investigation sur le complot ayant conduit au coup d'Etat du 11 septembre 1973 est assez rapidement expédiée. Trois forces convergentes en sont responsables. Augustin Edwards, très lié aux puissants groupes financiers américains, patron du journal El Mercurio lance à partir du 1er juin 1970 "la campagne de terreur" visant à déstabiliser Allende. C'est notamment la photo truquée d'un char soviétique devant La Moneda qui vise à faire passer le pouvoir en place comme légal mais illégitime. Ce sont ensuite Orlando Saénz, président de la SOFOFA, principale organisation du patronat chilien qui aidé de Roberto Thième, responsable du bras armé du groupe d'extrême droite Patria y Libertad. Le premier va lancer le 25 juillet, la grève des camionneurs et transporteurs. Le second va doubler celle-ci d'une campagne de sabotage en coupant les voies de chemin de fer, les gazoducs et lignes à haute tension. La troisième force sera militaire, incarnée principalement par l'amiral Merino dans la marine en lien avec le colonel Kelly. L'implication des Etats-Unis, que l'on sait manifeste, n'est absolument pas prouvée par les documents exposés par Emillio Pacull qui se contente de surligner quelques phrases assez vagues.
Ces informations sont glanées au cours des interviews sans que Pacull ne développe de volonté pédagogique, plus préoccupé de mêler sa propre histoire à celle de ce coup d'Etat.
La subjectivité manifestée dans le documentaire est hélas bien trop nombriliste pour être émouvante. Nombriliste formellement avec ses nombreux ralentis, flous, atmosphère pluvieuse et son pèlerinage esthétisant à La Moneda. Nombriliste familialement avec l'intervention un peu plaquée de sa fille venue peindre le tableau à la Licorne. Plus grave sans doute, les interviews des amis manquent de chaleur et d'émotion. Pourtant leur rappel de la sauvagerie avec laquelle la répression s'est déchaînée contre eux : "Tuer la chienne (socialiste) avant qu'elle ne fasse des petits" ainsi que les explications comme quoi l'Amérique ne supportait pas qu'un autre régime que le capitalisme soit associé au mot liberté aurait mérité mieux que ces photos noir et banc esthétiquement peinturlurées de rouge.
Le plan des rayons de Coca-Cola sur les paroles de Milton Fridman n'est enfin pas très fair-play !
Armando Uribe viendra heureusement rappeler que ce n'est pas tant l'idéologie capitaliste qui doit être dénoncée que son extension dérégulée et sans contrôle. Le film n'offre en effet guère d'espoir d'un retour du socialisme à visage humain : on voit hélas mal, dans les témoignages recueillis, l'espoir de se lever un monde où le plus grand plaisir de chacun serait de discuter de ses lectures de Dostoievsky le lendemain avec ses collègues. Les valeurs du pacifisme et du silence sont les seules vraiment défendues avec conviction par les survivants Renato Gonzalez et Carlos Jorquera.
Jean-Luc Lacuve le 16/08/2009
Editeur : Montparnasse. Aout 2009. - 1h27. 22 €. |
|
Suppléments : Les carnets d'Emilio Pacull (18min52). Galerie photos (6min36). Projets d'affiches (2min34). Bande annonce (1min08). |
(The Conspiracy). Avec : Salvador Allende, Augusto Olivares (images d'archives), Felix Gonzales, Félix Huerta, Armande Uribe, Arturo Jiron, Orlando Saénz, Roberto Thième, Renato Gonzalez, Peter Kornbluh (eux-mêmes). 1h27.