Un garçon de 16 ans s'immisce dans la maison d'un élève de sa classe, et en fait le récit dans ses rédactions à son professeur de français. Ce dernier, face à cet élève doué et différent, reprend goût à l'enseignement, mais cette intrusion va déclencher une série d'événements incontrôlables.
Divertissement en forme de jeu de massacre, Dans la maison narre l'effondrement d'un professeur aigri manipulé par un élève, lui-même mal dans sa peau.
50 nuances d'aigris
Germain est un professeur aigri. Il peste chaque année contre ses élèves qu'il trouve de plus en plus mauvais et ne retient de leurs activités du week-end que ce qu'en dit la pire copie d'un élève : manger des pizzas et regarder la télévision. Même petit bout de la lorgnette appliqué à l'art contemporain pour lequel se passionne sa femme, Jeanne qui dirige une galerie d'art. Certes l'art montré est parfaitement anodin et prétentieux mais choisir précisément de ne montrer que cela concourt à l'habituel renoncement à la recherche d'une sensibilité jeune et nouvelle. Germain n'apprécie que les classiques de la littérature : La Fontaine, Tchekhov, Flaubert, Céline. Ses conseils en termes de littérature ne dépassent pas le recyclage ultra simplifié de La morphologie du conte (Vladimir Propp (1895-1970) dont l'ouvrage fut publié en Russie en 1928 et traduit en anglais en 1958 et en français en 1965. Ces conseils, par ailleurs dispensés dans toutes les écoles de scénario, ne se retrouvent hélas que peu appliqués dans le film. Hésitant à se comparer à Pasolini (clin d'œil aux initiés qui reconnaissent un moment le parcours de Théorème) Ozon ne donne aucune chance à Claude Gracia de devenir un jour écrivain... tout juste celle de bavarder sur ce que l'on peut imaginer de la vie de ses voisins.
L'éducation sentie-mentale
Ce qui excite Germain, c'est le désir, qu'il trouve pervers, d'un adolescent de désirer une femme plus âgée, décalque petit-bourgeois de L'éducation sentimentale de Flaubert. On retiendra au crédit du film les originales expressions de "l'odeur de la femme de la classe moyenne" et "Même pieds nus, la pluie n’irait pas danser", poème qui émeut Esther. Mais l'érotisme du film se limitera à montrer Esther endormie sous une belle lumière. On reste ainsi à une éducation petitement mentale et puritaine. La liaison Claude-Jeanne n'aboutira pas davantage, seulement vue dans le cerveau malade de Germain.
Ozon remplit ainsi petitement son programme. Pour lui une bonne fin, c'est quand "le spectateur se dit : Je ne m’attendais pas à ça et ça ne pouvait pas finir autrement" ; pure manipulation donc bien loin des modèles cités : le torride et violemment amoral Match point que Germain et Jeanne vont voir au cinéma ou la métaphore sur le couple du Fenêtre sur cour d'Hitchcock auquel le dernier plan peut faire penser.
Jean-Luc Lacuve, le 17/06/2015