À Los Angeles, Sam, 33 ans, sans emploi, rêve de célébrité. Lorsque Sarah, une jeune et énigmatique voisine, se volatilise brusquement, Sam se lance à sa recherche et entreprend alors une enquête obsessionnelle surréaliste à travers la ville. Elle le fait plonger jusque dans les profondeurs les plus ténébreuses de la Cité des Anges, où il devra élucider disparitions et meurtres mystérieux sur fond de scandales et de conspirations.
Il tente ainsi de déchiffrer des signes mystérieux dans les boîtes de céréales ou en écoutant des disques de musique à l’envers. Il rencontre un étrange pirate, des prostituées se targuant de petits rôles dans les films, une fille de milliardaire qui finit assassinée dans le Grand réservoir mettant fin à son fantasme adolescent sur sa première pin-up de Playboy, un grand compositeur qui cache des formules secrètes dans tous les morceaux et contrôle ainsi le monde pour les puissants et enfin une secte new âge qui enferme sous terre ceux qui rêvent de vivre dans une bulle artificielle où tout n'est qu'ordre calme et volupté... et profond ennui.
Hommage à la pop culture des années 2000 plus qu'à celle de 2018, à celle du réalisateur plus qu'à celle de son jeune héros, Sam : jeu vidéo désuet, comic-book, musique (notamment le What's the Frequency, Kenneth? par R.E.M. sur lequel danse Sam dans la crypte sous le fête officielle), poster de Kurt Cobain et même réplique de sa guitare. Tous ces éléments sont présentés sans hiérarchisation, tout comme les rencontres de Sam. Ainsi tout se vaut à l'image des masques-moulages des célébrités de l'auteur du fanzine qui place Johnny Depp à côté d'Abraham Lincoln.
Le film est ainsi de jeu de piste ou de jeu de l'oie entre Le pont du Nord de Rivette et Vertigo de Hitchcock, entre Greg Araki et David Lynch (le grand le signe "silence" du "code des vagabonds" comme un rappel au silencio de Mulholland Drive). Ce n'est qu'au milieu du film que transparaît, peut-être, son sujet principal. Sam déclare à son ami ressentir l'impression d'avoir gâché sa vie, l'impression qu'elle n'est pas celle qu'il aurait aimé avoir. A ce moment son ami espionne à l'aide d'un drone, une jeune mannequin qui se dévêt puis s'assoit sur son canapé pour être secouée de sanglots. S'en est trop pour Sam qui quitte son ami. Ce pressentiment du malheur ouvrait aussi le film avec le tueur de chiens, dont l'auteur du fanzine, Under the silver lake, révèle qu'il pourrait être une nouvelle incarnation d'un acteur raté. Celui-ci, il y a quarante ans (en 1978 ?), généralisant sa jalousie face à Rintintin, plus célèbre que lui, pensait que le bonheur ne pourrait advenir à Los Angeles tant qu'un seul chien resterait vivant. Ce sentiment du gâchis va jusqu'aux séquences d'horreur dont le réalisateur est passé maître avec It follows son précédent opus. Ainsi l'écureuil écrabouillé, la fuite dans la nuit, les enfants corrigés, le chien éviscéré et réduit à sa seule peau et, à proximité, Sarah dévorant un cadavre, la tête du grand compositeur écrabouillée à coups de guitare ou Millicent tuée de deux balles dans la poitrine et perdant son sang dans le grand réservoir.
Sam, dans un délire sans fin, cherche aussi une clé aussi absurde au bonheur, qu'il pense destiné aux seuls riches (meilleure réplique du film: tu ne crois pas que les riches en savent plus que nous ? Sur les grands restaurants certainement !). Les chefs-d'œuvre du cinéma eux-mêmes sont-ils le fait des grands réalisateurs comme l'indiqueraient les multiples références cinématographiques ? Posters de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960), Fenêtre sur cour (Alfred Hitchcock, 1954), L'étrange créature du lac noir (Jack Arnold, 1954) et extraits de Comment épouser un millionnaire (Jean Negulesco, 1953) que Sam et Sarah regardent ensemble puis L'heure suprême (Frank Borzage, 1927), film préféré de la mère de Sam. Comme pour le miracle à la fin du film de Borzage, Sam semble alors renoncer à tout comprendre. Réfugié chez sa voisine plus âgée dont la liberté d'action, seins nus, rappelle les voisines du Privé (Robert Altman, 1973), il accepte de ne pas comprendre ce que répète indéfiniment son perroquet et regarde, désormais de loin, l'appartement de son adolescence prolongée dont il est maintenant expulsé.
Jean-Luc Lacuve le 29 août 2018