Daria Alexeïevna se souvient de l'anniversaire de Nastassia Philippovna. Ferdychtchenko, sorte de bouffon mal élevé, avait proposé une sorte de jeu de la vérité consistant à raconter l'acte le plus infâme dont chacun s'était rendu coupable.
Ferdychtchenko raconte un vol d'un billet de trois roubles qui aboutit au renvoi d'une servante. Totski raconte comment il avait empêché un jeune homme de conquérir le coeur de sa belle en lui ravissant sous le nez un bouquet de camélias qu'elle convoitait. Ce qui conduisit le prétendant à mourir à la guerre. Le général Epantchine raconte comment il avait insulté une vieille femme alors qu'elle vivait ses derniers instants.
Nastassia Philippovna raconte comment elle est en train d'être achetée par les hommes ici présents. Totski veut en effet se débarrasser de Nastassia Philippovna, sa maîtresse, en la mariant à un jeune ambitieux, Gania, contre une importante somme d'argent et ce avec la bénédiction du général Epantchine.
Survient alors Rogogine qui balance un paquet de 100 000 roubles avec lesquels il pense acheter Nastassia Philippovna. Celle-ci, s'étant quelques heures plus tôt promise au plus offrant, se moque alors de Gania auquel Totski et le général avaient promis 75 000 roubles et qui avait fait semblant de l'accueillir noblement pour épouse oubliant les insultes de sa mère sur sa future femme.
Le prince Mychkine, que l'on dit idiot et qui s'est invité à la fête, propose d'épouser Nastassia Philippovna qu'il aime et dont il sait qu'elle est restée pure malgré les apparences de la dégradation.
Nastassia Philippovna se dit touché par cet amour sincère mais refuse cet être fragile qui a plus besoin d'une nounou que d'une femme. Elle revient sur sa décision lorsque le prince Mychkine fait état d'un héritage d'un million et demi de roubles qui va bientôt lui échoir.
Tout le monde félicite plus ou moins hypocritement le prince Mychkine et Rogogine entonne une chanson d'amour russe. Mais Nastassia Philippovna se ravise une nouvelle fois et renonce à entraîner le prince dans sa chute. Elle préfère partir avec Rogogine.
Ultime bravade, Nastassia Philippovna décide de brûler les 100 000 roubles apportés par Rogogine pour l'acheter sauf si Gania se déshonore en éteignant le feu avec les mains pour récupérer l'argent. Oscillant entre le déshonneur et le regret de perdre cet argent, Gania s'évanouit.
Daria Alexeïevna tente en vain de faire revenir Nastassia Philippovna sur sa décision. Alors qu'elle s'en va avec Rogogine, un de ses amis, dans la pièce voisine, plaque un dernier accord de piano.
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Pierre Léon souhaite adapter L'idiot dans son ensemble. Pour des raisons budgétaires, il a du se contenter d'adapter d'abord les quatre derniers chapitres de la première des quatre parties du roman de Dostoievski. Un bref carton indique ainsi qu'il s'agit de l'épisode IV d'un film conçu, selon les dires du réalisateur, en quatorze parties.
Un épisode à la mesure du roman
Le roman expose les difficultés de la vérité et de la sincérité dans les cercles mondains. Le Prince, malgré son caractère débonnaire et angélique, bouleverse les conventions car il s'exprime avec clarté, sincérité et spontanéité et ne tarde pas à déchaîner les passions et se crée des ennemis chez ceux que cette pratique indigne. Ce sujet universel rend inutile de reconstituer la Russie du XIXe siècle et Pierre Léon situe sans difficulté cette histoire dans un hors temps européen.
La réunion hétéroclite des quatre prétendants de Nastassia Philippovna, lors de son anniversaire constitue un épisode autonome capable de rendre compte de l'originalité du roman dans son entier. La succession des épisodes contrastés qui s'y déroulent est une sorte de concentré du roman avec ses enchevêtrements d'intrigues entre les personnages qui donnent lieu à des rebondissements permanents et imprévisibles.
Pierre Léon accentue la possible autonomie de ce passage, le plus célèbre du roman, en l'enserrant dans un flash-back pris en charge par Daria Alexeïevna. Autre liberté vis à vis de Dostoevski, il ajoute aussi, en guise d'exemplarité de la mentalité slave, une chanson d'amour triste au milieu du film.
Une caméra pour révéler ce théâtre de la cruauté
Filmé en durée réelle, le film est une succession de combats entre les personnages dont les motivations sont forts diverses : la bouffonnerie de Ferdychtchenko ; la bonhomie du général, la relative nostalgie de Totski qui veut se débarrasser de Nastassia Philippovna, la cupidité rentrée de Gania, le désir sexuel de Rogogine, la pitié et la grandeur à contretemps du prince Mychkine, cet idiot qui laisse tous les drames s'écrire en clair sur son visage, le traumatisme pervers qui agite Nastassia Philippovna et l'incite à ne plus croire en rien.
Ce théâtre des émotions se perdait dans les adaptations sans rythme de Akira Kurosawa (L'idiot) ou de Andrzej Zulawski (L'amour braque). Ici, la caméra de Pierre Léon capte la succession des regards avec la même virtuosité que Dostoïevski sait rendre anxieux le lecteur dans l'attente de la réaction de chaque personnage.
La lumière, plutôt douce, peu contrastée, vient contrebalancer l'expressivité des sentiments et la brutalité des dialogues.
Jean-Luc Lacuve le 27/05/2009
Editeur : Montparnasse, juin 2010. . 20 € |
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Deux films de Pierre Léon : L'idiot et Octobre. |
Avec : Jeanne Balibar (Nastassia Philippovna), Laurent Lacotte (Le prince Mychkine), Sylvie Testud (Daria Alexeïevna), Bernard Eisenschitz (Totski), Pierre Léon (Le général Epantchine), Jean Denizot (Ferdychtchenko), Serge Bozon (Gania), Vladimir Léon (Rogogine), Renaud Legrand (Lebedev), Martial Salomon (Ptitsyne). 1h01.