Après 15 ans de vie commune, Marie et Boris se séparent. Or, c'est elle qui a acheté la maison dans laquelle ils vivent avec leurs deux enfants, mais c'est lui qui l'a entièrement rénovée. A présent, ils sont obligés d'y cohabiter, Boris n'ayant pas les moyens de se reloger. A l'heure des comptes, aucun des deux ne veut lâcher sur ce qu'il juge avoir apporté.
La fin du couple est abordée ici frontalement : après quinze ans de vie commune et deux enfants, Boris et Marie, obligés de cohabiter de part le manque de moyens de Boris, ont décidé de se séparer : tout ce qui était naturel, même les défauts de l'autre, devient insupportable. Chacun essaie alors de faire reconnaitre à nouveau ses qualités propres mais vainement puisqu'elles sont entachées des défauts que l'autre ne peut manquer de voir dorénavant. Cette danse macabre, Lafosse la resserre dans un huis clos étouffant où se démènent des personnages saisis en plan-séquence au rythme d'un prélude de Bach. Ecouté en entier, celui-ci signera leur fin quand ce qu'ils ont de plus précieux menacera de disparaitre.
La fin du couple
La fin d'un couple fait l'objet de scènes sans doute assez convenues. Il y a les petites mesquineries comme manger le fromage rangé dans le niveau des enfants dans le frigo, et les inévitables tentatives de rapprochements. Ainsi, quand la nuit, ils vont et viennent du frigo à la même pièce chacun semblant faire une avance à l'autre pour mieux la retirer et la scène d'amour physique après avoir revécu la fusion familiale sur la chanson "Bella" de Maître Gims.
Les parents qui se séparent font entrer leurs enfants dans le grand cirque de la déchirure, chacun essayant de gagner leur affection au détriment de l'autre: manger une compote ou une glace, faire ses devoirs ou jouer à la console, offrir ou non des chaussures de sport, offrir ou non le spectacle de la blessure au visage reçue par Boris pour ne pas avoir payé ses dettes. Les enfants que l'on essaie de calmer par une séance de parole commune, subissent néanmoins derrière une porte ou derrière un mensonge transparent la déchirure des parents. C'est ainsi logiquement, par les enfants que se résout le drame. Margaux sous la surveillance du père avale les somnifères de la mère. Se sentant incapables de protéger ses enfants, le couple se sépare.
Apres avoir tant hésité, deux scènes brèves, l'une à la terrasse d'un café le matin et l'autre chez la juge, suffisent pour acter la séparation. Boris obtenant au passage les 200 000 euros qu'il réclamait. Lafosse rajoute une couche filiale de plus en faisant intervenir la mère de Marie qui garderait bien Boris pour faire des travaux dans la demeure familiale à moindre frais. Dans ce milieu bourgeois, Lafosse semble plus ou moins prendre le parti du "prolétaire" Boris contre Marie, protégée par son milieu social. Certes Boris est insupportable, ne respectant semble-t-il depuis longtemps presque aucune de ses promesses mais Marie semble totalement enfermée dans les règles qu'elle croit juste pour se protéger. Les disputes sur les économies du couple ne sont qu'une façade qui masquait la volonté du couple de chacun d'être reconnu dans ce qu'il a de mieux : son travail, sa morale de responsabilité.
L'intimité agressée
La grande scène de dispute dans le jardin avec les amis du couple, renvoie à celle, finale de A nos amours. Cédric Kahn reprenant la phrase de Maurice Pialat, "C’est vous qui êtes tristes !" à l'adresse des autres convives. Néanmoins, Lafosse a bien du mal à se hisser à la hauteur de son maitre qui mêlait aussi dans cette scènes des relations multiples entre les personnages, l'ambition, les compromissions, l'art et le marché de l'art. Ici c'est l'intimité de Marie qui est menacée: elle raconte combien lui est devenu insupportable la présence de celui qu'elle a aimé et l'entrée de Boris en devient la preuve.
Cette longue scène démonstrative est moins efficace pour narrer cette intimité agressée que la façon dont Lafosse installe souvent Marie chez elle en début de plan, dans le bain ou en train de lire et de faire alors entendre, hors champs, le bruit de Boris qui rentre.
Dans ce huis clos en plans-séquences, la répétition cinq fois du Prélude et fugue N°10 en Si mineur de Jean-Sébastien Bach dit aussi que leur couple fut beau. Sans doute est-ce ce que Marie et Boris se rappellent lors du retour silencieux de l'hôpital, la nuit, quand le prélude est entendu en entier. Pour ne pas gâcher cette beauté, il faut se séparer.
Jean-Luc Lacuve, le 14/08/2016