Le départ. Ismaël et Julie vivent ensemble, ensemble avec Alice avec laquelle ils forment un couple à trois. Julie est au cinéma alors qu'Alice et Ismaël bouclent très tard leur journal "l'Actu". Ismaël fait le clown lors du déjeuner familial chez Julie avec ses parents et ses deux surs : la trop sérieuse Jeanne et Jasmine, la littéraire angoissée. La maman interroge sa fille sur comment on organise un triangle amoureux. Julie y répond tout en se disant un peu lasse de ces soirées à trois où il est bien difficile de dormir.
Un soir, pendant un concert dans une boite entre les quartiers de Strasbourg-Saint-Denis et Bastille, Julie se sent mal et sort sur le trottoir, où elle meurt sous les yeux d'Ismaël.
L'absence : Le chemin d'Ismaël croise et recroise celui des témoins de son amour défunt. Au premier rang d'entre eux, il y a Jeanne, la grande sur qui veut porter très haut son deuil, et le faire en compagnie du jeune veuf.. De l'autre côté, Alice se dépêche de reprendre une vie normale. Au milieu, Ismaël se débat dans la douleur, en utilisant avec un succès décroissant ses facéties. C'est alors que survient Erwann, un lycéen qui s'éprend immédiatement du bel éploré et entreprend de le ramener à la vie.
Le retour : refusant le poids du deuil que l'on veut lui faire porter Ismaël n'en ressent pas moins douloureusement l'absence de Julie qui fait retour dans son imaginaire et seule l'obstination de Erwann finit par le relancer dans la vie.
Le film musical substitue au monde réel un monde enchanté où chansons, danses et musiques emportent l'imaginaire des personnages comme celui des spectateurs. La comédie musicale américaine dont s'inspira beaucoup Jacques Demy emportait sur les rives de la comédie sophistiquée ou de la tragédie. La comédie musicale moderne à la française tricote plus étroitement les thèmes de l'amour et de la mort dans les mailles du quotidien. Chaque chanson y apparaît comme une parenthèse enchantée dans la trame narrative mais surtout comme un précipité de l'émotion dispersée dans les séquences précédentes. La force du cinéma d'Honoré est de travailler continuellement le symbole (le génie de la Bastille, la rose déchirée) ou le simple signe comme éléments constitutifs du réel. La chanson y est alors un signe supplémentaire que le talent d'Alex Beaupain rend inoubliable.
L'engagement social d'Honoré est transparent. Erwann colle des affiches de la LCR sans doute parce que la rose du parti socialiste apparaît dès l'un des premiers plans déchirée sur une affiche et que Sarkozy semble attendre son heure dans l'ombre. L'Actu, le journal d'Ismaël ne se fait pas faute d'épingler la mobilisation policière autour du scooter volé de Sarkozy ou les propos racistes de Georges Frèche qui lui valurent son exclusion du parti socialiste. Le Paris montré est celui des quartiers des 10ème et 11ème entre de Strasbourg-Saint-Denis la gare de l'Est et Bastille. On y voit, au parc de la pépinière, des enfants pauvres et le soir dans les rues des SDF dormant sur un matelas.
C'est un Paris hanté par le génie de la Bastille, par les fantômes de Michaux et d'Aragon. Michaux que l'on lit au cimetière pour soutenir la mort d'une sur. C'est Aragon que l'on déclame à huit heures le matin en hiver quand le jour n'est pas levé mais que le temps promet d'être beau. C'est un Paris hanté par la mort et les fantômes dans lequel Julie peut revenir, appelée par toutes les enseignes, lumineuses. Dans De bonnes raisons, elle s'était étrangement éloignée, emportée par le chariot du travelling. Dans Pourquoi viens-tu si tard ?, on en comprend la raison. Elle revient appelée par l'imaginaire d'Ismaël et le travelling fait marche arrière, aussi artificiel qu'un signe, qu'une chanson, qu'une poésie mais tout aussi inoubliable. Et la chanson se clôture sur une surimpression : elle en gros plan, lui silhouette s'éloignant dans la nuit.
Signes politiques, poétiques propices à la réapparition du fantôme de Julie se révèlent dans un Paris concret fait de pleur, de sang et de larmes. Les changements d'humeur y sont constants de l'engueulade à la scène d'amour ainsi de la chanson Inventaire passant de la joie amoureuse à la question de la survie du couple.
Il pleut sur Paris, le mercure y est à zéro. Autant d'obstacles aux plaisirs de la découverte que le film prône sans cesse. Ismaël continue donc de refuser le poids des responsabilités (juif, patron) pour le plaisir de la découverte et même la mort contribuera à la connaissance de plaisirs inconnus jusqu'alors.
Jean-Luc Lacuve le 05/06/2007
Alex Beaupain
01. De bonnes raisons. "De bonnes raisons pour t'aimer pourquoi te
les donner mon petit ange. Ma sainte relique demande son cantique des cantiques."
02. Inventaire. "De quoi avons-nous l'air ? "
03. La Bastille. "Il pleut sur le génie de la place de la bastille"
04. Je n'aime que toi : "Petit salaud, petit pervers où as-tu
mis les doigts. Petite garce tu n'es pas moins farouche, tu n'es pas moins
adultère vois comme on te touche. Je suis le pont sur la rivière
entre toi et toi."
05. Brooklyn Bridge. "Je pleurerai dans mon coin, qu'importe le ridicule
si tu m'escorte"
06. Delta Charlie Delta : "Le stroboscope de l'ambulance, la chanson
de la mort qui danse. Le méchant petit tas de cendre. "
07. Il faut se taire : " Se taire langue contre langue. Un dialogue de
sourd "
08. As-tu déjà aimé ? : " les amours qui durent
font des amants exsangues et leurs baisers trop mûrs nous pourrissent
la langue. Les amours passagères ont de futiles fièvres et leurs
baisers trop verts nous écorchent les lèvres. Car à vouloir
s'aimer pour la beauté du geste, le vers dans la pomme nous passe au
travers des dents."
09. Les yeux au ciel. "Chaque minute est un sanglot vois comme je lutte
vois ce que je perds en sang et en eau. Je jette au ciel ces galets polis
"
10. La distance. "Si tu veux encore t'accrocher à mon cou. Sur
tes terres, il fait si froid tout n'est que gel. Réchauffe-toi. Il
faudra bien que tu t'avances si l'on veut combler la distance entre nous."
11. Ma mémoire sale
12. Au parc. "Même température le mercure à zéro
la mélancolie fauve au portillon du zoo. Les parents pressés
les enfants en manteaux. Tout y sera. Tout y sera à part toi. Parc
de la pépinière, fin de la semaine, encore une heure encore
une heure avant la tombé de la nuit."
13. Pourquoi viens-tu si tard ? " La vraie politesse c'est d'arriver
à l'heure lorsque le temps nous presse. Pourquoi viens-tu si tard quand
tout est accompli "
14. J'ai cru entendre. "Je cherchais un lit de réconfort. J'ai
cru entendre je t'aime. J'ai pensé c'est son problème. Peux
importe que tu y croies"
Editeur : Bac Films. Décembre 2007.
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