Meurtre dans un jardin anglais
1990

1694. Mr Neville, jeune et beau dessinateur anglais est engagé par Mrs Herbert pour réaliser douze dessins représentants sa propriété. C'est, dit-elle pour offrir en cadeau de réconciliation à son mari qui aime sa propriété plus qu'elle. Comme la somme proposée n'est pas assez élevée, Neville exige par contrat, rédigé par Mr Noyes, qu'il pourra profiter, chaque jour une heure durant, des faveurs de la maîtresse des lieux.

Neville détermine avec Mrs Herbert l'emplacement d'où il accomplira les différents dessins. Il exige des domestiques et des habitants de ne troubler en aucune façon le paysage ou la demeure, de sorte à ce que ceux-ci restent scrupuleusement identiques chaque fois qu'il retourne sur les lieux (tous les jours à la même heure, afin que l'éclairage soit similaire). Néanmoins, il observe avec perplexité qu'un élément étrange s'immisce dans chacun de ses paysages ; voulant d'abord les exclure, il intègre ces différences curieuses dans ses dessins, s'interrogeant sur leur mystérieuse signification.

Peu après, Mr Herbert est retrouvé assassiné et Neville se demande si les éléments étranges de ses dessins ne pourraient pas être interprétés comme des présages qu'un meurtre allait être commis. C'est bien ce que lui confirme Mrs Talmann, la fille des Herbert, mariée à l'odieux voisin de ses parents. En échange de sa protection contre un éventuel complot dont il pourrait être victime, elle fait rédiger un second contrat où c'est elle qui bénéficie des faveurs sexuelles du peintre.

Cette fois, c'est Mrs Talmann qui dispose sciemment des indices creux pour brouiller les pistes tout en s'amusant de la perplexité du dessinateur et de ses services sexuels qui n'échappent ni à son mari ni à son entourage. Une fois les douze dessins terminés, Noyes les rachete à Mrs Herbert car, tous sachant qu'il fut son amoureux éconduit, il craint que les dessins ne signent sa perte. Il les revend toutefois au jardinier, personnage fantasque qui aime à jouer les statues vivantes et dénudées dans son jardin.

Quelques temps plus tard, Neville revient voir Mrs Herbert. Il lui offre trois grenades, fruits alors rare en espérant être sexuellement payé de retour. Après avoir obtenu ce qu'il souhaitait, il demande à dessiner un treizième lieu, celui où a été retrouvé le corps de Mr Herbert et que sa femme lui avait déconseillé comme emplacement pour ses douze premiers dessins. A la tombée du jour, toute la maisonnée l'entoure, lui brûle les yeux, le frappe et le noie. Il était devenu inutile. Il n'avait été engagé que pour mettre enceinte Mrs Herbert qui, de par la nouvelle loi de 1694, pouvait ainsi garder l'héritage du mari encombrant puisqu'elle était mère.

Il existe incontestablement un style Greenaway fait d'images chocs, esthétisantes et cultivées qui sont comme autant de petits cailloux semés dans une narration en forme de puzzle, emballée dans une sexualité décompléxée et la musique séduisante et répétitive de Michael Nyman. Greenaway se contente souvent de ce jeu abstrait et froid dont se dégage à grand peine l'émotion tant les personnages n'ont qu'une pure utilité fonctionnelle au sein de la mécanique de la mise en scène.

La mise en scène en cinq actes de Meurtre dans un jardin anglais est exemplaire de vacuité. Il y a d'abord la signature du contrat. Neville se croit en position de force et obtient de Mr Noyes l'établissement d'un contrat qui, outre la rémunération de ses douze dessins, lui accorde de jouir comme il l'entend d'une heure par jour de Mrs Herbert. Le second acte est constitué de l'exécution des six premiers dessins dans lesquels il finit par intégrer un élément étrange : chemise, botte, échelle. A la fin de l'acte, on apprend le décès de Mr Telmann. Le troisième acte est constitué de l'exécution des six dessins suivants où c'est Mrs Talmann qui exige par contrat et pour protéger Mr Neville qui pourrait être la victime d'un complot de jouir de ses faveurs. Le quatrième acte semble marquer l'affolement des personnages pour se débarrasser du contrat et des dessins et le cinquième acte se conclut sur le retour et la mort de Neville. Mrs Herbert, loin d'être une victime, a donc piégé le dessinateur pour obtenir enfin l'enfant qui lui permet, selon la loi nouvelle établie, en 1694 d'hériter de son mari. Mrs Talmann en a profité pour avoir un héritier alors que son mari est impuissant.

De cette trame emberlificotée comme un roman d'Agatha Christie, Greenaway ne fait pas grand-chose. Les douze dessins n'ont aucun intérêt par eux-mêmes si ce n'est de convaincre le peintre qu'il peut maitriser un complot dont il ne verra rien jusqu'au dernier moment. C'est probablement cet aveuglement qui est le sujet du film. Greenaway fustige la prétention du peintre qui dispose un mécanisme compliqué et savant pour ne rien voir. On se demande cependant s'il ne s'agit pas là d'un autoportrait du réalisateur.

Jean-Luc Lacuve le 28/12/2012

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(The Draughtsman's Contract). Avec : Anthony Higgins (Mr. Neville), Janet Suzman (Mrs. Herbert), Anne-Louise Lambert (Mrs. Talmann), Hugh Fraser (Mr. Talmann), Neil Cunningham (Mr. Noyes).

 
Thème : Le peintre au cinéma