Un film bricolé, en noir et blanc, explique que, contrairement à l'idée rependue comme quoi Harlem fut la capitale du jazz dans les années 20-30, c'est Passaic, New Jersey, qui attirait les amoureux du jazz en provenance de New York grâce à l'enfant du pays, Fats Waller. C'est en effet au 261, main street de Passaic qu'il est né pour, après une vie glorieuse, mourir dans un train dans la gare de Kansas City. Son âme c'est alors élevée au-dessus de la vile de Passaic... que l'on retrouve en 2008, avec ses gratte-ciel et son autoroute.
En dessous de l'autoroute, dans une petite casse de voitures, vit Jerry dans son camping-car. Il entreprend avec son ami Mike, sous le pont de l'autoroute, une fresque publicitaire : une caricature de Fats Waller avec un message dessiné dans une bulle : "Soyez sympas, rembobinez". Une grande flèche rouge indique la direction du magasin de l'autre côté du tunnel qui porte justement ce nom : c'est un vieux vidéo-club décati.
Le patron de ce magasin, Elroy Fletcher, cultive religieusement la légende de Fats Waller mais s'inquiète de cette publicité sauvage. Il emploi Mike, qui est presque son fils adoptif, mais qui s'est acoquiné de l'envahissant Jerry aux comportements étranges. Il se protège ainsi des ondes magnétiques avec une passoire ou de l'aluminium car il craint qu'elles soient émises par un pouvoir occulte prêt à diriger les cerveaux des terriens. Il survit en décorant de façon extravagante les voitures toutes banales de ses clientes avec Wilson, un mécanicien noir.
Mais Elroy Fletcher a des soucis plus immédiats : l'agence d'urbanisme de la ville veut démolir son vieux magasin pour y installer un immeuble flambant neuf. Si d'ici 60 jours, M. Fletcher ne peut mettre son bâtiment aux normes de sécurité minima, il devra accepter la démolition et s'installer dans une cité en périphérie. Fletcher décide de contre-attaquer. Il prend prétexte des 60 ans de la mort de Fats pour s'absenter, non à Kansas City comme il le déclare à tous, mais pour examiner les méthodes bien plus modernes de son concurrent, vendeur de DVD. Il laisse à Mike les clés de son magasin avec une seule consigne : "Keep Jerry out" qu'il trace, in extremis, avec ses doigts sur la vitre embuée du train.
Mais Mike n'a pas su déchiffrer le message écrit à l'envers et il accepte de suivre Jerry qui, le soir même du départ de Mr. Fletcher, se lance armé d'un arsenal artisanal baroque, à l'assaut de la centrale électrique locale pour la saboter. L'opération tourne bien sûr au fiasco, et Jerry finit foudroyé, mais pas mort. Marchant comme un robot désarticulé, il revient au vidéoclub, agresse les clients sans raison et provoque malgré lui, en raison de la charge d'électricité qu'il trimbale, une catastrophe irrémédiable : l'effacement du contenu de toutes les cassettes de la boutique.
M. Fletcher a demandé à Mlle Falewicz, cliente régulière du vidéo-club, voisine dont il est amoureux sans le savoir, de surveiller le vidéo-club en son absence. Lorsqu'elle demande à louer SOS Fantômes, Jerry et Mike décident de refaire eux-mêmes le film avec les moyens du bord dans les couloirs de la bibliothèque municipale, avec une vieille caméra vidéo et les accessoires qui leur tombent sous la main (guirlandes de Noël, extincteurs, matière gluante indéfinissable...), ils recréent en moins de trois heures quelques scènes de ce blockbuster avec quelques principes simples : une seule prise suffit, le bouton négatif pour les scènes de nuit et une durée réduite à 20 minutes, le temps de concentration d'un cerveau moyen.
Puis lorsque M. Jack leur demande, sous peine d'aller chez West coast, Rush hours 2, ils improvisent en nouvelle mise en scène, toujours aidés par Wilson. Mais lors de la dernière séquence, Jerry refuse d'embrasser Wilson sur la bouche. Ils engagent alors Alma, une blanchisseuse. À la fin du tournage, Jerry pisse un liquide étrange qui évacue les ondes : il est de nouveau normal.
C'est alors que surgit dans la boutique Graig, le neveu de Mlle Falewicz accompagné de ses amis rappeurs. Mike et Jerry sont tout étonnés d'apprendre que leur version de SOS fantômes a suscité leur enthousiasme. Ils doivent restreindre les demandes de Graig et ses amis sachant leur obligation ensuite de réaliser les films. Ils leur déclarent ainsi que les "films suédés" sont très rares comme genre de film car ils sont importés de Suède. Ne sont ainsi élus par le groupe que deux films : Le roi Lion et Robocop.
Pendant ce temps, M. Fletcher enquête chez West coast : Moins de choix, plus d'exemplaire du même film, simplification du classement par genre, tenue reconnaissable avec gros badge pour l'employé, pas de connaissance spécifiques requises.
Mlle Falewicz commande Miss Daisy et son chauffeur. Puis les tournages s'enchainent : When we were kings, 2001 : l'Odyssée de l'espace, King Kong, Boyz n' the hood, Carrie, Men in black au fur et à mesure des demandes des clients. A la surprise de leurs auteurs, ces films "suédés" suscitent l'engouement et, vont être en mesure de renflouer la petite affaire de Mr. Fletcher.
Mais le FBI, au nom des grands studios de cinéma, procède à la destruction de l'ensemble des cassettes "suédées", pour non-respect des copyrights. Seule la création d'un film au scénario original, réalisé avec l'aide de tous les habitants du quartier et consacré à la vie de Fats Waller semble pouvoir arranger les choses. La projection est un succès à l'intérieur de la petite boutique et pour l'ensemble du quartier qui s'est attroupé devant la vitrine et fait une ovation aux auteurs. Même M. Baker, qui une heure plus tôt était venu demander l'évacuation pour démolir, est enchanté. Mais, dehors, les camions attendent toujours pour détruire le vidéoclub.
Le film prône la bricole contre la standardisation aseptisée, la transmission contre la déculturation mondialisée. Célébration de l'enfance et de ses puissances créatrices, il est, de tous les films de son auteur, celui qui s'abandonne le plus librement à la croyance dans le cinéma.
L'intérêt majeur du film ce sont bien évidemment les films dans le film, les onze films suédés : SOS fantômes (Ivan Reitman, 1984), Rush hours 2 (Brett Ratner, 2001), Le roi lion (Studio Disney, 1994), Robocop (Paul Verhoeven, 1987), Miss Daisy et son chauffeur (Bruce Beresford, 1989), When we were kings (Leon Gast, 1996), 2001 : l'odyssée de l'espace (Stanley Kubrick, 1968), Boyz n' the hood (John Singleton, 1991), Carrie au bal du diable (Brian de Palma, 1976), King Kong (Ernest B. Schoedsack, 1933), Men in black (Barry Sonnenfeld, 1997).
Mais il a aussi, les visages heureux des spectateurs de cinéma et même cameo (apparition amicale dans un petit rôle) de Sigourney Weaver, la démente "cerbère de la porte" de SOS Fantômes qui intervient sous les traits d'une représentante des studios hollywoodiens pour détruire l'intégralité des films "suédés".
Jean-Luc Lacuve le 8/8/2013.