Le couple, Corinne et Roland, dont chacun trompe l'autre et a des projets de meurtre de son conjoint part en banlieue pour le week-end. Lui, il est égoïste, fier de ce qu'il possède, de son confort, de sa voiture, de sa femme, sa chose comme tout le reste. Elle, elle est égoïste, futile, coquette et soumise à son mari. Roland et Corinne ressemblent à ces milliers de couples qui, chaque semaine, s'élancent sur la route du week-end au volant de leur voiture, symbole de leur prétendue liberté.
Ils ont pourtant un but : d'obliger le père de Corinne à modifier son testament en sa faveur avant sa mort imminente. Mais les embouteillages et les accidents les retardent.
Car sur la route, c'est l'enfer : des dizaines de voitures sont bloquées par un accident. En attendant que le "bouchon" saute, les centaines de passagers des véhicules s'interrogent, s'impatientent, s'injurient, uniquement préoccupés par leur sort, indifférents aux victimes de l'hebdomadaire carnage routier. Plus impatients encore, Corinne et Roland s'échappent de l'embouteillage par une route départementale.
Dans un village, un tracteur est entré en collision avec une voiture de sport : le conducteur de celle-ci est mort. Plus tard, c'est à Corinne et Roland d'être accidentés à leur tour : leur belle voiture a brûlé. Qu'à cela ne tienne, ils en volent une autre. Le voyage continue : partout, des épaves, des cadavres. Parfois d'étranges rencontres : Emily Brontë, un clochard qui viole Corinne devant son mari indifférent, des éboueurs, des Noirs, des Arabes, Saint-Just, le révolutionnaireet
Quand Corinne et Roland arrivent à Oinville, le père est déjà mort. Ils choisissent alors d'assassiner la mère au couteau de cuisine et de simuler sa mort dans un accident de voiture pour hériter. Ils sont ensuite faits prisonniers. Le mari est exécuté au lance-pierres pour avoir tenté de s'échapper. ... Et puis les maquisards du Front de Libération de Seine-et-Oise qui attaquent les voyageurs. Ils tuent Roland ; Corinne restera avec eux après avoir partagé leur repas des restes... de son mari .
le vrai film
de la rupture. Auparavant, tous les films de Godard parlent de la nouvelle
jeunesse, du devenir urbanistique et sociologique de Paris et de sa banlieue.
Week-end est une fresque flamboyante de la fin d'un état de
la civilisation. Godard n'aime pas ses personnages et les filme avec la distance
du peintre qui fait le tableau des damnés de l'Apocalypse. L'espoir
prendra la forme d'une petite communauté révolutionnaire dandy,
le Front de libération de Seine et Oise, qui a fait le choix d'une
guérilla contre les Parisiens en week-end automobile, qu'ils abattent
cuisinent et mangent au nom du principe selon lequel il faut répondre
à l'horreur de la bourgeoisie par plus d'horreur encore.
Le scénario ne surgit que de loin en loin. Godard construit son film sur une structure picaresque, en alignant des saynètes relativement autonomes où il revient à la poétique de ses débuts : une idée par plan.
C'est souvent un plan-séquence extrêmement virtuose et voyant. Godard qui n'a pas perdu le sens de la publicité y construit "le travelling le plus long de l'histoire du cinéma" : un travelling de trois cent mètres au bord d'une petite route départementale. Au montage, Godard choisit de couper en deux par des cartons son travelling de 300 mètres annulant ainsi l'aspect morceau de bravoure.
A noter aussi le miracle des carcasses de voitures transformées en mouton.
Godard pratique à deux reprises des bégaiements de montage. Dans la scène où Jean-Pierre Léaud téléphone dans une cabine Godard monte à la suite plusieurs débuts de prise de l'arrivée en bord de route de Jean Yanne et de Mireille Darc à la façon d'un musicien reprenant les mêmes notes du début de la partition pour accorder son instrument. Il reprendra le même procédé dans le plan qui suit immédiatement les deux longs monologues politiques du Noir et de l'Arabe. Mireille Darc a reconnu le village qu'ils essaient d'atteindre depuis le départ et se met à courir. Jean Yanne essaie de la rattraper en lui criant "attend moi !". Godard monte à la suite trois prises différentes de cet élan et de cette interjection.
Dans la longue séquence des deux discours révolutionnaires politiques du tiers monde, Godard, sans doute quelque peu inquiet au montage du "tunnel de paroles" qu'elle impose au spectateur, décide de pratiquer de brefs inserts de quelques plans déjà vus ou à venir du film.
Comme dans Le mépris ces flashs ne sont pas imputables aux personnages mais en quelque sorte au film lui-même qui se souviendrait de son propre passé et verrait déjà des images de son propre avenir. Pour ces inserts, il utilise des fragments d'autres prises que celles retenues dans le montage linéaire de ces plans
Au générique de fin, Godard inscrit sur l'écran : FIN DE CONTE et FIN DE CINEMA conscient que pour lui un âge de sa vie et de son cinéma vient de se terminer avec ce film.
Source : Godard au travail, Alain Bergala. Ed. Cahiers du Cinéma, 2006