Dans La Monnaie de l'Absolu, dont le titre est emprunté à Malraux, Jean-Luc Godard élargit sa réflexion et fait des Histoire(s) du cinéma le lieu d'une position politique sur l'histoire du XXe siècle, dont il retient principalement les guerres. Godard entend souligner la fatalité avec laquelle le monde comme le cinéma dépendent de l'histoire : "Il y a donc une espèce d'absolu à qui il faudrait rendre la monnaie : on doit payer."1 L'épisode débute par la lecture d'un texte de Victor Hugo troublant de justesse et d'actualité : "On assassine un peuple. Où ? En Europe. Ce fait a-t-il des témoins ? Un témoin : le monde entier. Les gouvernements le voient-ils ? Non. [ ] La civilisation est dans les peuples, la barbarie est dans les gouvernements. [ ] C'est qu'il suffirait d'un geste des gouvernements d'Europe pour l'empêcher ". Le texte est accompagné d'images de guerres extraites de films et de peintures.
Le rapport entre la faiblesse du monde contemporain et celle du cinéma est vite établie 2, illustrée par cette phrase familière à Godard : "Qu'est-ce que le cinéma ? Rien. Que veut-il ? Tout. Que peut-il ? Quelque chose." Il est question de l'impuissance du cinéma à résister au flot de l'histoire, désormais relayée par le spectacle des médias ("le triomphe de la télévision américaine et de ses groupies"). Nous regardons là l'épisode le plus pessimiste mais le plus politique des Histoire(s), qui annonce clairement la mort du cinéma que Jean-Luc Godard ne cache pas par ailleurs dans ses interviews et conférences : "Que le cinéma soit d'abord fait pour penser, on l'oubliera tout de suite, mais c'est une autre histoire, la flamme s'éteindra définitivement."
La deuxième moitié de l'épisode est consacrée à la Seconde Guerre mondiale et au rapport que le cinéma a entretenu avec cette période. Dans cette partie, qui semble avoir été réalisée en 1994, Jean-Luc Godard exprime son indignation face à l'hypocrisie du Gouvernement français lorsqu'il commémore la Libération de 1944, faisant une croix sur la collaboration pour ne retenir que son passé de "résistant". Selon l'auteur, le cinéma français pendant la guerre n'a pas été un cinéma de résistance, contrairement à la poésie (Aragon, Marguerite Duras, Ossip Mendestam). Car le mot "résistance" est à comprendre non seulement dans son sens historique d'activité liée à la guerre de 39-45, mais aussi dans son sens idéologique de lutte contre l'uniformisation et l'américanisation du cinéma. Contrairement aux autres pays d'Europe, "le seul film au sens de cinéma qui a résisté à l'occupation du cinéma par l'Amérique fut un film italien" : Rome ville ouverte. Des images du film de Rossellini sont alors suivies par un hommage au cinéma italien (les autres films de Rossellini, de Pasolini ) sur une chanson de Cocciante, pour exprimer que seul le cinéma italien dans ces années-là a fait naître "Une pensée qui forme. Une forme qui pense".
pureté ou compromission des hommes (Jean Moulin, Michel Cluny contre Préjean et ceux qui sont partis en 1942 tourner en Allemagne), Le cinéma n'est pas l'instrument de pensée qu'il aurait pu être. Aujourd'hui grace au montage principalement il lui reste à témoigner et expliquer le monde.