L'épisode s'ouvre par une correspondance établie entre les 8 titres des Histoire(s) du cinéma et des titres de romans (Les Grandes Espérances, L'Homme sans qualités, Les Mariés de la Tour Eiffel ) que Godard sort de sa bibliothèque et énumère, toujours dans ce mouvement de rapprochement entre le cinéma et la littérature, comme on pouvait déjà le voir dans les deux premiers épisodes.
Cet épisode, intitulé Fatale Beauté - titre inspiré du film Beauté fatale de Siodmak avec Ava Gardner -, s'attache à souligner le rapport que le cinéma pose entre la mort et la beauté, par l'intermédiaire de l'image de la femme fatale.
Il est intéressant de remarquer qu'un épisode entier est consacré
à ce thème, qui peut apparaître comme un lieu commun (Eros/Thanatos),
hésitant entre le pathos (la chanson de Léo Ferré à
la fin) et la distance de l'humour (Godard avec une casquette de cinéaste
d'Hollywood) 1.
"Je montre que le cinéma, c'est des hommes qui ont filmé
des femmes. Il y a quelque chose de très fatal là-dedans. C'est
l'histoire de la beauté, qui dans la peinture comme dans la littérature
a toujours été liée à des femmes et pas à
des hommes."1 Des images cinématographiques de femmes, qui tombent
ou qui meurent, et des portraits d'actrices (Maruchka Detmers, Sophie Marceau
)
laissent entendre qu'au cinéma il est question de beauté. Mais
la beauté, comme le cinéma, est périssable : "Les
films sont des marchandises, je l'avais dit à Langlois. L'art est comme
l'incendie, il naît de ce qu'il brûle."
Comme Elie Faure (lu ici par Sabine Azéma), qui tente de définir
la beauté, ce "monde lointain et reculé", Jean-Luc
Godard est dans une recherche perpétuelle de définition du cinéma,
et la référence à d'autres arts (A la recherche du temps
perdu, par exemple) l'aide à s'en approcher. Comme dans les autres
épisodes, la tentative de définition s'accompagne d'une remise
en question, partie intégrante et avouée de la construction
des Histoire(s) : "Toutes ces histoires qui sont maintenant à
moi, comment les dire, les montrer peut-être ?" Il souligne la
nature mystérieuse du cinéma, qui relève depuis ses origines
de la magie, comme l'indique l'expression "lanterna magica".
La dernière partie de Fatale Beauté reprend le thème
de la mort ("Combien de scénarios sur les rafales de mitraillettes")
et accentue avec pathos un des ressorts du cinéma "commercial",
l'ambiguïté entre le tragique et la beauté.
1 Entretien avec Alain Bergala en 1997 ("Une boucle bouclée", Jean-Luc Godard par Jean-Luc Godard, Paris, éditions Cahiers du Cinéma, 1998, tome 2, p. 16)