Près d'un théâtre où se prépare le casting du Boléro fatal, se retrouvent un couple et des passants qui jouent au football. Harry, un écrivain, discute avec une journaliste qui lui demande pourquoi il a changé le mot "espoir" en "espérance". Pour Harry, la tradition de la noble espérance est entre les mains des pauvres. Dans le théâtre, Jérôme, l'assistant du metteur en scène Vicky Vitalis, fait se succéder sur scène les apprentis comédiens qui doivent réciter une phrase : La guerre c'est simple : c'est faire entrer un morceau de fer dans un morceau de chaire. Vitalis, qui lit Malraux et un ouvrage sur Goya, les interrompt par un "Non" cinglant avant qu'ils ne finissent.
En sortant du théâtre, Jérôme apprend à son oncle Vitalis qu'il a reçu une lettre de Camille, la fille de ce dernier. Ils passeront les vacances ensemble dans la demeure familiale de Sylvie, sa mère. Au retour des vacances, Vitalis est accueilli par sa sur Sylvie, inquiète, qu'après avoir vu dans Le Monde l'article du petit Sollers "Sarajevo et Marivaux", Camille ait mis dans la tête de Jérôme d'aller à Sarajevo monter Le jeu de l'amour et du hasard. Mais Jérôme et Camille n'ont trouvé que la pièce de Musset On ne badine pas avec l'amour. Camille en l'ouvrant est immédiatement convaincue : Camille, c'est moi dit-elle.
Lors du déjeuner familial, Vitalis n'est guère inquiet. Il sait qu'il y trois ans, sa nièce, philosophe au chômage, voulait s'en aller délivrer Jérusalem. Mais Camille est décidée : "Moi, petite fille d'Albert Camus, décide de jouer ou de faire jouer On ne badine pas avec l'amour à Sarajevo". C'est du suicide, réplique sa tante. "Le suicide est le seul problème philosophique vraiment sérieux (L'homme révolté page 1)" réplique Jérôme. Elle demande officiellement l'aide de son cousin Jérôme pour son projet. Vicki s'interroge : "Est-ce que l'histoire européenne des années 90 n'est pas une simple répétition avec de légères variantes symphoniques de la lâcheté et de la confusion des années 30 ; Autriche, Ethiopie, Espagne et Tchécoslovaquie : un interminable et lamentable Boléro de Ravel. Djamila, la servante qui vient d'amener soupe et café, est prise comme arbitre par Sylvie : voudrait-elle les accompagner ? Sa réponse positive immédiate et le rôle de Rosette que lui attribue Camille scellent le projet. Vitalis décide d'accompagner les trois jeunes gens.
Dans le train pour Salzbourg, Djamila discute en arabe avec un algérien et accepte avec réticence d'en révéler le contenu à Jérôme qui semble désormais attiré par elle. Djamila explique que lors de sa mort on ne ressent rien mais on dit quelque chose. Il n'y a pas de mort, il y a seulement moi qui vais mourir. Sur le chemin de Sarajevo, les jeunes gens dorment sous le tente et s'amusent de leurs frugales conditions de vie : "déjeuner de roi, diné de prince, souper de pauvre". Ils alternent répétition du texte de Musset et exercices de philosophie proposés par Camille. Arrivé à 300 kilomètres de Sarajevo, Vitalis se décourage et décide de rentrer lâchant là les trois jeunes gens. Ils doivent continuer leur voyage à pied, parfois dans la boue, parfois sous la neige. Djamila est las : Musset je comprends mais la philo c'est quoi ?
A Genève, Sylvie s'inquiète et fait venir secrétaire d'Etat à la défense de Paris pour tenter d'avoir des nouvelles. Celui-ci, oncle de Rachel, la compagne d'Harry leur dit ne pas pouvoir faire grand-chose. En réponse à un coup de téléphone, Harry explique : "Laisser mourir des enfants de faim en Afrique; il n'y a pas de quoi être fier. Mais tuer un seul enfant c'est autre chose. Responsable par défaut responsable par excès, excès de violence, de haine. C'est excès dans le mal est pire que la simple absence d'un bien. Nul est innocent de ce qu'il pourrait empêcher mais nul n'est coupable absolument que de ce qu'il fait."
Camille, Jérôme et Djamila se sont rapprochés de la zone de combat et sont arrêtés. François Savioz, membre de la Croix Rouge Internationale et sa secrétaire, Juliette, s'inquiètent du sort des prisonniers auprès du général serbe qui ne fait aucun cas de leurs demandes et assassine ceux qu'il considère comme des otages. A la place des brigades internationales sont donc venus les brigands internationaux, mercenaires se vendant aux serbes. Ils sont parfois cultivés sachant évoquer Michelet dans sa description du comité de salut public mais laissant toujours faire les pires exactions. C'est bientôt au tour de Djamila d'être violée. Elle est momentanément sauvée par un habitant du village qui l'enlève pour lui-même. C'est ensuite au tour de Jérôme et Camille "mon pauvre Jérôme on en prend plein le derrière" lui dit-elle en caressant sa main. Les deux cousins doivent creuser leur tombe. Les bombardements s'intensifient. Les tortionnaires serbes s'enfuient en voiture. Djamila revient, poursuivie par son ravisseur. Les serbes tirent et c'est les deux cousins qui sont fauchés par la rafale de mitraillette.
Sur les bords du lac Léman, Cécile et son père, le chef opérateur Kaufman, règlent la lumière. Xavier le régisseur et Stéphanie sont en repérage pour les extérieurs : le cinéma substitue à notre regard, un monde qui s'accorde à nos désirs dit-il alors qu'une blonde prétentieuse sort de la voiture pour répliquer devant le lac : "Que d'eau, que d'eau". Elle rudoie les deux stagiaires, Dominique Pozetto et Claire Laroche.
Chez lui, le baron Felix répète ses souhaits impératifs : l'océan (ça paye toujours : j'ai appris ça chez les frères Akim), un casino pas loin et un collège pour Solange et enfin que le film s'appelle Le boléro fatal et que la fille meurt à la fin dans un cyclone. Bourcca et Sabine, ses assistants, sont à ses petits soins.
Ludovic l'accessoiriste se promène autour du lac avec son chien alors que, off, Vitalis déclare qu'il a toujours ressenti le coté triste du cinéma : un moyen d'expression mais aussi un renoncement essentiel. Vitalis demande à l'actrice de ne pas " jouer : "Le jeu enlève de la présence au texte, il le vide de son sang. Il refuse de tourner la scène de la bataille qui occupe pourtant plusieurs pages du script. Comme l'actrice a du mal avec son texte, il lui demande de le réduire à un simple " oui ". Mais, sous la bourrasque, les prises s'enchaînent par centaines sans que Vitalis ne se départisse d'un " Non " cinglant après chaque " Oui " de l'actrice, de plus en plus désespérée. Alors qu'elle s'enfuit, Stéphanie court la consoler. Vitalis se place derrière la caméra et lorsque à la question de Stéphanie, l'actrice répond "oui", lui-même acquisse devant la justesse de la réplique.
Au milieu de la nuit, Felix apprend qu'il est ruiné car Bourrca et Sabine sont partis avec la caisse. Seule solution, lancer sans tarder l'exploitation du Boléro fatal. Mais les réactions des spectateurs de province ne sont pas à la hauteur de ses espérances : certes le film est en couleurs et il y a de beaux paysages mais pour les jeunes ça manque de nichons, de nibards et de reploplos. Ils quittent le cinéma préférant voir Terminator IV. L'exploitant court en vain après eux pour leur proposer de changer immédiatement de programme.
Au grand théâtre de Genève, nombreux sont les spectateurs venus assister à un concert de Mozart. Un jeune pianiste aux beaux cheveux blond, vêtu d'un costume XVIIIe galvanise le public même si certain préférerait entendre du Wagner. Felix, Solange Harry et Sarah sont là ainsi que Dominique, le stagiaire du film, stupéfait que le jeune pianiste prodige lui confie le soin de tourner les pages de la partition. Vitalis aussi est là mais en retard. Il s'arrête en haut des escaliers pour fumer une cigarette tout en écoutant le concert qui a commencé.
Le film commence sous des auspices burlesques avec le dialogue entre Ludovic et Sabine ("Sabine, s'il te plait !", "Non, ça bine plus") et Godard mimant une partie de football. Il s'agit pourtant tout à la fois d'un engagement marqué contre la passivité de l'Europe vis à vis de La guerre en Bosnie et d'une réflexion sur le pouvoir de l'art à s'impliquer dans l'Histoire.
Godard est bouleversé par le siège de Sarajevo et les massacres serbes de Srebrenica. Ses Histoire(s) du cinéma sont marquées par son engagement contre cette guerre, son horreur du conflit et des massacres. Sarajevo est qualifiée de capitale de la douleur. Cet engagement se poursuit avec Je vous salue Sarajevo commentaire sur une photographie où un soldat serbe torture une femme.
Godard à l'idée de son film en lisant un article de Sollers dans Le Monde qui se moque de Suzanne Sontag qui a monté En attendant Godot dans Sarajevo dont le siège dure encore et qui ne cessera qu'à la fin de 1995. Sollers dit que ce serait plutôt du Marivaux, les jeux de l'amour et hasard, qu'il faudrait jouer. Dans la librairie en bas de chez lui, Godard ne trouve que du Musset. On ne badine pas avec l'amour avec Sarajevo sera ainsi le premier titre du film.
L'histoire est celle de deux comédiens amateurs voulant rejoindre Sarajevo. Capturés par les milices serbes, ils seront violés et enterrés à la va vite. La destinée tragique de ces jeunes gens résonne avec la brutalité et la stupidité de cette tragédie sous les yeux de l'Europe impuissante. Pour que le film atteigne une durée standard; Godard adjoint la fable du Boléro fatal avec l'apparition sur une plage d'un réalisateur qui est son alter ego filmant une jeune femme jouant une dernière fois avant de mourir.
Le titre est peut-être destiné à provoquer les questions des journalistes. On voit par ailleurs un jeune homme aux cheveux longs qui incarne Mozart.
Godard tourne au bord du lac Léman ce qui est censé se passer à Sarajevo. Il suggère la violence de la guerre, à l'opposé de BHL qui réalise un film de témoin autour de la figure de l'intellectuel engagé. Pour Godard, il s'agit de montrer la brutalité et la stupidité de la guerre. Le cinéma est un objet universel pas besoin d'être sur place ou de se montrer. Quelques images, à la manière des Carabiniers, suggèrent l'insupportable du conflit armé où tout peut basculer d'un moment à l'autre, de la paix à la guerre ; de la tendresse à la mort.
Le film est tourné dans une maison d'enfance de Godard à Anthy sur la rive française du lac Léman, près de Thonon. C'était le chalet de sa famille maternelle, les Monod, où il passa une enfance heureuse. Près de soixante ans plus tard, il y place le cur de la tragédie. Mélancolie intime à retourner ainsi sur les lieux de son enfance pour y placer la tragédie.
L'avant-première à lieu Sarajevo en juin 1996, une fois la ville revenue à la paix lors d'un festival de cinéma. Godard qui ne peut se déplacer car il tourne dans le film d'Anne-Marie Mieville, envoie ses acteurs et fait lire une lettre qui dit sa solidarité citoyenne après un siège de plus de trois ans et la nécessité pour lui de répondre à cette honte.
En sus des références picturales on note la discussion entre Vitalis et sa sœur sur l'Espagne ("Avec les communistes, j'irai jusqu'à la mort mais je ne ferai pas un pas de plus ") et le livre d'Azana, Comment a été inventé Don Quichotte ainsi que la phrase de Jean Goytisolo (Cahier de Sarajevo, 1993).