Paris, sa tour Eiffel puis plongée au travers des branches des arbres dégarnis de l'hiver vers la fenêtre d'un immeuble haussmannien. Dans le couloir d’un de ces appartements, Marianne annonce à Abel qu’elle est enceinte. Mais pas de lui. De son meilleur ami, Paul. Avec qui elle va se marier. Dans dix jours. Puisque l'appartement est à elle, il doit donc déménager. Abel encaisse le choc d'un regard impassible et Marianne l'en remercie d'un baiser sur la joue. A peine la porte refermée, Abel cependant tombe dans les escaliers et une jeune fille lui tend un mouchoir pour essuyer son nez en sang.
Neuf ans plus tard, Paul meurt dans son sommeil. Abel profite de ses funérailles pour renouer avec Marianne. Avec le défunt, Marianne a eu un fils, Joseph, un enfant au regard aussi clair qu’insondable qui affirme à Abel que sa mère a tué son père. Si "le motif reste à trouver", Joseph est certain qu'elle l'a empoisonné. Aucune autopsie n'a été demandée car le docteur P (quelque chose évoquant une fleur)... est l'amant de Marianne. Passant devant un fleuriste qui vend des pivoines, Abel se rend chez le docteur du même nom. Celui-ci se prétend au-dessus de tout soupçon quant à ses désirs pour Marianne puisqu'il est gay. C'est ainsi que, tranquillisé pour un temps, Abel revient habiter chez Marianne qui le désire de nouveau.
Eve, la sœur du défunt Paul, a toujours été amoureuse d’Abel et supporte mal, maintenant qu’elle est en âge de le séduire, de le voir retomber dans les bras de Marianne. Elle le lui dit et la menace de la guerre si elle ne lui cède pas Abel.
Abel ne semble guère hésiter entre l'amour adolescent d’Eve et celle qu'il a toujours aimé. Mais quand Marianne lui propose de coucher avec Eve, Abel accepte puisque cela semble satisfaire tout le monde. Il ne tarde pourtant pas à déchanter. Eve s'aperçoit qu'il n'était que son fantasme d'un homme idéal ; elle jouit bien moins avec le vrai dans ses bras. Abel rend hommage alors à l'intelligence aigüe de Marianne qui a préféré effacer une fois pour toutes l'ombre qui aurait pu nuire à leur amour. Abel court à la rencontre de Marianne quitte à se faire mettre à terre par la police quand il pénètre de force au Sénat où elle travaille. Le jour même, Joseph disparait. Abel et Marianne le retrouvent bientôt, sur les conseils d'Eve. Il est sur la tombe de Paul. Lorsque Abel s'approche, Joseph lui tend la main.
Eloge du mystère. Les personnages n'en disent pas trop. Marianne n'avoue que bien plus tard qu'elle a joué à pile ou face qui serait un père pour élever son enfant. Abel semble impassible lorsque Marianne lui annonce qu'elle le quitte mais il tombe dans les escaliers et ne se plaint ni de son nez en sang ni de son abandon. Marianne souffre d'avoir laissé Abel à Eve mais attend qu'Abel lui revienne. Le spectateur accompagne ainsi naturellement chacun des personnages sans que le dialogue ne vienne le solliciter pour cela.
Sous l'histoire d'amour se cache aussi une histoire de paternite. Mystérieuse la belle séquence ou Abel et Joseph se regardent sous la neige comprenant mutuellement qu'ils sont père et fils. Dans la scène finale, Joseph ne tend qu'une seule main, celle vers Abel, confirmant ainsi la liaison père-fils, distincte de celle qui le lie à sa mère.
Trois voix off donnent à chaque personnage sa chance et accélèrent le récit qui danse sur des ritournelles de Philippe Sarde extraites d'anciens films. L'intrigue est sans cesse relancée par l'énigmatique Joseph. Les personnages font pourtant des choix radicaux : abandon, guerre, reconquête. C'est notamment le cas pour Abel qui prend le temps de décider. Mais le choix une fois fait, il court à la rencontre de Marianne quitte à se faire mettre à terre par la police. Magnifique regard sur celle qu'il aime depuis le bout de ses chaussures jusqu'à son regard.
Jean-Luc Lacuve, le 4 janvier 2019