Fort Linton, Arizona, le 18 août 1881. Le sergent-chef Braxton Rutledge du 9e régiment de cavalerie comparaît devant la cour martiale présidée par le colonel Otis Fosgate. Sa défense est assurée par le lieutenant Tom Cantrell, l'officier de son régiment, qui respecte sa vaillance et sa droiture. Le capitaine Shattuck, pénaliste réputé venu de l'Est est l'avocat général. Le sergent-chef Braxton Rutledge est accusé du meurtre de son commandant à Fort Linton, le major Custis Dabney, et du viol et du meurtre de sa fille, Lucy. Les premiers témoignages recueillis jusqu'alors sont accablants et toute la petite société de Fort Linton, conduite par Cordelia Fosgate, l'épouse du colonel, se délecte déjà du procès et de la pendaison qui attend le sergent noir. Le procès est demandé à huis-clos vu la nature scandaleuse des faits et la salle évacuée ce qui scandalise Cordelia qui, à la maison, domine son mari.
C'est ainsi un coup de théâtre quand Rutledge et Cantrell annoncent plaider non coupable. Mary Beecher est la première à témoigner mais appelée par le capitaine Shattuck pour l'accusation alors que c'est Cantrell qui l'avait fait citer pour la défense. Éloignée de son père depuis 12 ans pour ses études, Mary revenait en Arizona pour le retrouver dans son ranch de Spanish Wells.
Dans le train entre Junction city et la gare de Spindel, elle fit la connaissance du lieutenant Tom Cantrell qui lui fit la cour et prit même un baiser. L'arrêt à Spindel fut bref et inquiétant. Son père ne l'y attendait pas. Tom Cantrell prend congé sans inquiétude pour Fort Linton : trois ans après la mort de Geronimo les apaches semblaient accoutumés à leur réserve de Rosario. Hélas en rentrant dans le bureau du chef de gare, Mary s'aperçut que le chef de gare était transpercé d'une flèche. Braxton Rutledge lui apparut alors qui l'empêcha de crier.
Le capitaine Shattuck tente de faire passer ce geste comme une agression, une étreinte violente sur la bouche de Mary, Cantrell s'oppose à cette version tendancieuse des faits et obtient que Mary continue son témoignage.
Le sergent abattit les deux indiens mescaleros, des apaches, qui étaient restés en embuscade. Il porta ensuite le corps du chef de gare dehors pour qu'elle se repose.
Mary avoua avoir eu peur.
Le sergent soigna ensuite sa blessure, par arme à feu, au ventre en la suppliant de s'éloigner dans la piece d'à côté de peur qu'onaal surprenne avec un homme de couleur, ce qui lui vaudrait des ennuis. Il s'endormit ensuite ainsi que Mary.
Cantrell conclut donc que Rutledge n'avait fait que protéger Mary, ce que celle-ci confirme en affirmant qu'il lui avait sauvé la vie. C'est ensuite Cordelia Fosgate qui est appelée à la barre par le capitaine Shattuck, au grand déplaisir de son mari de colonel.
Cordelia Fosgate raconte qu'elle connaissait bien la jeune Lucy Dabney qui se conduisait avec le plus grand naturel en montant en selle comme un garçon et entretenant des rapports amicaux et presque filiaux avec Braxton Rutledge qu'elle connaissait depuis toute petite. Cordelia Fosgate désapprouvait cette proximité avec un noir. C'est la dernière fois qu'elle a vu Lucy Dabney vivante.
Le capitaine Shattuck lui demande alors quand elle a vu pour la dernière fois le sergent.
Le soir du drame, Cordelia avait vu Braxton Rutledge sortir de chez le major après avoir entendu deux coups de feu à huit heures précises et vu fuir le sergent à cheval.
Après ce témoignage accablant, c'est au tour du médecin du fort, le docteur Walter Eckner, de témoigner. Sa description à venir du double crimes est un prétexte pour le colonel d'expulser définitivement Cordelia et ses amies de la salle.
Le docteur Walter Eckner était venu chercher le lieutenant Cantrell à la gare et tous deux avaient pénétré chez le major. Une couverture était posée sur le corps nu de Lucy dont la petite croix en or avait été arrachée à son cou. Elle avait été battue, violée et étranglée. Le major atteint d'une balle de fusil était mort l'arme à la main. Cantrell avait convoqué son unité composée de soldats noirs et ceux-ci avaient immédiatement saisi la gravité de l'absence de Braxton Rutledge dont la fuite semblait prouver la culpabilité
Ce second témoignage accablant ne provoque aucun contre-interrogatoire de la part de Cantrell. Ce qui irrite le colonel pour qui l'affaire semble entendue. Mais Cantrell est persuadé de la véracité des témoignages et interroge le colonel s'il veut vraiment réentendre Cordelia. C'est donc le capitaine Shattuck qui appelle Cantrell lui-même à la barre.
Cantrell, inquiet du sort de Mary et voulant la ramener près de son père, avait pris la tête de son unité de soldats noirs pour rejoindre la gare et avait fait prisonnier Braxton Rutledge, scandalisant ainsi Mary. Il avait découvert dans ses papiers son acte d'affranchissement datant de 1861. Ils vont tenter de ramener la trentaine d'indiens dans leur réserve de Rosario avant Spanish Wells. Cantrell affirme à Rutledge, qui a servi six ans sous ses ordres, que s'il lui dit ne pas avoir touché Lucy, il le croira.
Le capitaine Shattuck est scandalisé par cette affirmation mais demande à Cantrell de poursuivre son témoignage.
Cantrell marcha vers Spanish Wells avec Mary et son détachement. Devant la porte du Nord ,ils trouvent le cadavre calciné d'un jeune homme, Chris Hubble. Cantrell est sur le point d'attaquer le camp des Indiens dont il voit de la fumée s'échapper.
Le capitaine Shattuck est tenté de le faire récuser vu ses liens manifestes avec Rutledge mais aucun avocat de la défense ne peut l'être.
Le vieux sergent Matthew Skidmore témoigne du retour des éclaireurs poursuivis par les indiens. Moffats était blessé à mort; Rutledge avait tenté de le sauver puis avait déserté. Le tir de Cantrell est détourné au dernier moment par Mary. Shattuck pas content des tirs ratés. Cantrell appelle Rutledge à témoigner. Il s'était dirigé vers Crazy woman river, il avait vu les Apaches tuer le père de Mary. On lui demande de continuer. Rutlegue avait sauvé le détachement d'une embuscade en refusant de fuir et venant combattre aux côtés des soldats. Le 9e de cavalerie est sa vraie raison de vivre ; après l'avoir deserté, il n'était plus qu'un vagabond et un sale nègre.
Une pause poker-whisky est demandée par le colonel Fosgate. A la reprise, Mary explique qu'après l'attaque, Cantrell lui avait appris la mort de son père. Les soldats chantent Buffalo, en l'honneur et pour soutenir leur sergent-chef. Le matin, les camarades de Rutledge le pressent de fuir, sachant que Cantrell va le menotter à son retour de l'inspection des lieux. Sur un Indien mort, Cantrell trouve la petite croix dorée de Lucy et un manteau marqué CH. Il menottes Rutledge.
Devant la cour, Mary répète qu'elle l'avait trouvé mesquin et méprisable et bourré de préjugés.
Cantrell explique au tribunal que Rutledge était venu voir le major Dabney pour le prévenir d'une attaque imminente des Apaches sortis de leur réserve. Il avait découvert le corps nu de Lucy et l'avait recouvert d'une couverture quand avait surgit le major, l'arme à la main. Il avait dû tirer pour se défendre après avoir reçu deux balles. Il avait ensuite, en urgence, prévenu les ranchs près de la réserve et trouvé la gare attaquée. C'est là qu’il avait sauvé Mary Beecher. La croix et la veste prouvent son innocence; ce sont des preuves tangibles et directes que c'est Chris Hubblel le coupable.
Mais Shattuck les réfute facilement : la croix est un bijoux et pacotille impossible à identifier parmi ses semblables et la veste est courante ainsi que les initiales CH. Shattuck déchaine sa haine raciste : "pouquoi Cantrell fait accuser un blanc pour sauver un noir et le symbole de la croix pour souiller la tombe d'un jeune blanc et pour sauver la liberté de ce nègre ?".
La cour ne sait que penser quand Chandler Hubble, le père de Chris, déclare soudainement qu'il peut reconnaître la croix, offerte pour ses douze ans à une encoche qu'il lui avait fait remarquer. Appelé à témoigner, il est rapidement désarçonné par les questions de Cantrell qui le soupçonnait d'être le propriétaire de la veste et non son fils, trop menu, qui l'avait pris précipitamment pour alerter sa fiancée dans le ranch Morgenson. Chandler Hubble, mis en demeure de répéter les gestes qu'auraient commis son fils, craque et reconnaît qu'il n'a pu s'empêcher de violer Lucy. Il est arrêté à la stupéfaction de tous, notamment de Mary et de Cordelia. A la sortie du tribunal; Mary attend Cantrell qui l'embrasse et ils s'en vont main dans la main pendant que défilent le sergent rutledge et ses hommes.
L'histoire est racontée à travers une série de douze flashes-back qui décrivent les événements qui ont suivi le meurtre du commandant de Rutledge, le major Custis Dabney, et le viol et le meurtre de la fille de Dabney, Lucy, dont Rutledge est accusé. Le film interrompt le déroulement du procès par ces flashes-back qui donnent six points de vus différents sur Rutledge Ceux de Mary (3+1), Cordelia (2), Le docteur Walter Eckner (1), Cantrell (2), Matthew Skidmore (1) et Rutledge lui-même (2).
Le style est très expressionniste depuis le marquage du bord du cadre par une lanterne très visible jusqu'à la séquence presque fantastique où les soldats noirs chantent "Capitaine Buffalo" pour redonner courage à leur sergent. Celui-ci est alors filmé en contre-plongée sur un fond uni, balayé de brouillard. Il est une figure déplacée hors du temps, archétype de l'homme se dressant contre l'injustice faite à son peuple et à lui-même.
Très expressionniste aussi l'obscurcissement de la salle du procès lorsque Mary se prépare à raconter sa première rencontre avec Rutledge puis comment elle a empêché Tom de lui tirer dessus.
La reconstruction en studio de la plupart des scènes en flash-back montrent que l'on ne sort en fait pas de la salle du procès. A contrario, la séquence où Rutledge revient sur ses pas, franchit la rivière et fait montre d'héroïsme, est le seul moment apaisé de ce film austère. À l'époque, l'armée des États-Unis avait quatre régiments dont certaines unités regroupaient des gens de couleur, dont le 9eme de Cavelerie. L'acte d'affranchissement de Rutledge date de 1861, soit 20 ans seulement avant le début de l'action du film.
L'humour constant du film est porté par le colonel Colonel Otis Fosgate qui préside la cour martiale. Il demande de l'eau à son assesseur, le lieutenant Mulqueen et répète de l'eau lorsqu'il ne comprend pas le code pour le whisky et s'offusque qu'il finisse sa tasse. Le colonel est un yankee qui a brûlé Atlanta et a gardé un petit souvenir en porcelaine alors McQueen, sudiste se révélera avoir sauvé des flammes un manuel militaire adopté sans changement par l'armée. Ford, dont les sympathies pour les sudistes sont constantes, le fait gagner au poker alors que le sympathique Fosgate est dominé à la maison par sa femme, l'insuportable Cordelia.
Jean-Luc Lacuve, le 7 mars 2023.