Peter Trepper est en prison. Il se souvient. Il construisait une maison pour ses parents propriétaires d'un bar minable dans une ville de province de la Bavière. Mais ses longs efforts ne satisfont jamais ses parents. Son père dénigre ses efforts et sa mère est indifférente. Déjà enfant, il avait été violemment battu pour avoir volé des fleurs pour sa mère dans le jardin d'une voisine.
Dans la prison, une sympathique psychologue interroge Peter sur les sentiments qu'il éprouvait alors. Il se sentait protéger chez lui. Timide, Peter est séduit par l'infirmière du village, Erika, qui admire le courage du jeune homme. Au lieu de s'offrir un appartement à lui et à sa jeune épouse, Peter accepte que ses parents vendent leur commerce à leur seul profit et décide d'aller travailler à Munich dans la construction.
Il trouve un emploi dans une entreprise mais ne sait pas demander un salaire à la hauteur de ses qualités. Il accepte un appartement de fonction, certes assez grand, mais vide. Au bout de six semaines, il parvient à faire venir Erika. Ils achètent à crédit ; il fait des heures supplémentaires. Il offre des fleurs achète une robe luxueuse. Son épouse est bientôt enceinte. Peter se souvient qu'autrefois elle ne voulait pas de donner à lui avant le mariage qu'il avait fini par lui proposer. Dix jours avant le mariage Erika s'était pourtant donnée à lui. Le bébé nait. Peter achète un bracelet en or à près de 700 mark à sa femme au lieu de payer les traites.
Peter est contraint de demander 600 marks à son père qui lui envoie sans un mot de salutation presque comme une insulte. Il ne réduit pas ses dépenses pour continuer à être aimé : 700 marks de traites et 200 marks de loyers étranglent son revenu de 1 150 mark par mois. Il promet de travailler au noir et achète une machine à tricoter de 1 000 mark. Sa femme l'appelle toujours tendrement Schnauz, du nom du chien qu'elle avait enfant.
Peter emprunte de l'argent à la grand-mère, 100 marks qu'il donne à sa femme. Nerveusement détruit, malade il se rend pour la tuer et voler le maigre argent qu'elle possède encore. Il s'arrête prendre une bière au café d'en bas. Il ne peut encore une fois appeler son père. Le cafetier rudoie un jeune homme qu'il l'a appelé petit père. Peter le frappe mortellement avec le téléphone.
Condamné pour homicide à dix ans de prison, Peter est interrogé par la psychologue qui fera un livre de son cas. "Pendant deux semaines exactement ses parents l'aimèrent à cause de la maison puis tout redevint comme avant" est sa seule pensée. "Prenez-vous du plaisir à vivre ?" lui demande la psychologue. Peter n'a pas de réponse.
Fassbinder applique ici une vision à la fois marxiste et mélodramatique : les personnages sont condamnés pour leur candeur et magnifiés pour leur énergie et leur souffrance.
La vision marxiste telle qu'a pu la développer Stéphane Bouquet (Cahiers du cinéma n°600, avril 2005) montre que Fassbinder met en scène l'impossible échange entre argent et sentiment. Un personnage se trouve souvent en position de vendre ou offrir quelque chose qu'il détient (son corps ou son travail) contre quelque chose qui n'a pas de valeur marchande mais une intense valeur affective et sentimentale. Mais chez Fassbinder les sentiments ne s'échangent pas et le vendeur qui espérait s'enrichir humainement s'est juste bêtement appauvri sans rien gagner en échange.
Dans Je veux seulement que vous m'aimiez, Peter croit à la réciprocité des sentiments. Pour obtenir l'amour de ses parents, de sa fiancée, il s'imagine qu'il lui suffit de témoigner de l'amour et qu'il en recevra en contrepartie : Peter s'endette, fait des heures supplémentaires, tombe malade pour faire des cadeaux qui, espère-t-il seront convertis en sentiments. En vain : il perd sur les deux tableaux, et celui de l'amour et celui du travail. Il est battu par sa mère et serait viré pour longue maladie liée au surmenage s'il ne tuait dans une pulsion incontrôlée. Son tort est d'avoir fait communiquer deux mondes qui n'ont pas de rapport, d'avoir supposé que l'argent pouvait produire autre chose que de l'argent.
En filmant cette quête de la tendresse à une époque où les contacts humains sont corrompus, Fassbinder constate avec amertume que le miracle économique allemand s’est fait au prix des sentiments.
S’il s’inspire des grands mélodrames à la Douglas Sirk (récurrence des plans de fleurs et de miroirs), ce chef-d’oeuvre romanesque est aussi une étude sur les origines quotidiennes de la folie, construite comme un puzzle émotionnel et traversée de flashes-back troublants (le vol des fleurs enfants, la séquence sexuelle avant le mariage) et de deux brefs flashes-forward annonçant le drame, irrémédiable.