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Une séparation

2011

Genre : Drame social

(Jodaeiye Nader az Simin). Avec : Peyman Moaadi (Nader), Leila Hatami (Simin), Sareh Bayat (Razieh), Shahab Hosseini (Hodjat), Sarina Farhadi (Termeh), Kimia Hosseini (Somayeh), Babak Karimi (le juge), Merila Zare'i (madame Ghahraii), Ali-Asghar Shahbazi (le grand-père). 1h57.

Simin et Nader exposent au juge les raisons de leur désaccord : Simin a réussi, au bout de dix-huit mois, à obtenir un visa pour sa famille et souhaite quitter le pays parce qu'elle ne pense pas que sa fille pourra s'y épanouir pleinement. Nader, lui, refuse de partir, car il veut continuer à s'occuper de son père atteint de la maladie d'Alzheimer. C'est pourquoi Simin demande aujourd'hui le divorce, afin de pouvoir partir avec sa fille sous les quarante jours avant que n'expire le visa. Le juge lui donne tort, pointant son manque de patriotisme et refusant d'engager un divorce pour une cause aussi futile.

Simin fait ses bagages pour partir vivre chez sa mère, mais sa fille, Termeh préfère rester avec son père. Celui-ci doit engager quelqu'un pour s'occuper de son père. Il expose à Razieh, dont la belle sœur est une collègue de Simin, ce qu'elle devra faire. Celle-ci hésite. Elle habite loin et le salaire est faible. Nader refuse de lui offrir plus mais accepte qu'elle arrive une demi-heure plus tard qu'initialement prévu.

Toujours accompagnée de Somayeh, sa fillette de huit ans, Razieh a du mal à faire face : le grand père a fait sous lui. Elle doit le changer dans la salle de bain mais la loi coranique, qui interdit déjà qu'elle soit seule avec un homme, ne le permet pas. Elle téléphone à Simin qui ne peut se libérer de son travail puis à son conseiller religieux qui lui donne finalement l'autorisation de changer le vieillard. Razieh fait écouter à Somayeh, l'enfant quelle porte dans son ventre.

Lorsque Nader revient le soir, Razieh lui annonce qu'elle renonce au travail car il ne lui avait pas dit qu'elle devrait changer son père. Nader est mécontent car il n'a plus de solution de rechange et insiste pour que Razieh revienne le lendemain. Celui-ci lui dit qu'elle ne peut vraiment pas. Elle lui propose d'embaucher son mari, Hodjat, qui a des problèmes d'argent et qui fera le travail bien mieux qu'elle. Néanmoins comme il est trop tard pour que son mari, qui doit absolument ignorer qu'elle travaille chez un "célibataire", prenne contact avec lui dès ce soir, elle propose de revenir le lendemain.

Le lendemain encore, Razieh a beaucoup de mal à faire face. Somayeh éventre une poubelle dans l'escalier et le grand père s'échappe pour acheter le journal. Elle a bien du mal à le rattraper et lui éviter de se faire renverser par une voiture. Nader reçoit Hodjat à son travail et l'embauche pour, sans qu'il le sache, remplacer sa femme. Le soir, Razieh demande à madame Ghahraii, qui était venue donner des cours à Termeh de lui donner l'adresse d'un gynécologue.

Pour la troisième fois, Razieh revient chez Nader. Son mari n'a pas pu venir car il doit répondre à une convocation chez le juge, ses créanciers ayant porté plainte. Quand Nader revient, en fin d'après-midi avec sa fille, il constate que Razieh n'est plus là. Termeh s'effondre en larmes en voyant son grand-père étendu au bas de son lit, attaché et inconscient. Celui-ci n'est toutefois pas mort et Nader réussit à le relever et le soigner. Lorsque Razieh revient, elle lui explique qu'elle a du s'absenter pour une raison urgente et qu'elle est désolée de ce qui est arrivé. Il la renvoie sur le champ. Razieh exige d'être payée mais Nader, constatant que de l'argent a disparu la met dehors. Pendant ce temps, son père s'est enfermé dans les toilettes. A peine a-t-il réussi à l'en sortir que Razieh revient et exige que Nader cesse de la traiter de voleuse. Excédé il lui ferme la porte au nez. Termeh alertée par le bruit ouvre la porte et constate que Razieh est prostrée quelques marches plus bas et que des voisines l'aident à se relever....

La dimension politique du film peut paraître assez faible, donnant une image presque exemplaire de l'Iran d'aujourd'hui. La justice est certes un peu débordée avec deux affaires qui se chevauchent dans le bureau du juge mais celui-ci est droit, intelligent, ouvert. La classe moyenne (elle est professeure, il travaille dans une banque), semble vivre plutôt bien et le lycée pour jeunes filles a l'air performant. La religion peut être vécue avec plus (Nader et Simin) ou moins (Hodjat et Razieh) de distance. Sans doute en proposant cette image, Asghar Farhadi appelle-t-il à un retour de l'Iran dans le giron des sociétés de grande culture (Termeh apprend le persan avec son père qui en connaît les nombreuses subtilités) avec un état démocratique.

Des personnages lâchés dans la fiction comme des forces en mouvement...

C'est dans cette société comme toutes les autres que peut se jouer un drame tragique, notamment parce que la misère contraint des gens de bonne foi à aller au-delà de leur limite et à générer ainsi des catastrophes. Pour assurer la survie de sa famille, Hodjat s'est endetté et est poursuivi par ses créanciers. Floué par une société qui le condamne à un être un perdant, il déprime et connait alors des accès de violence car il n'a plus rien à perdre. Razieh, bien qu'elle soit enceinte, est contrainte de travailler pour prouver aux créanciers que la famille est solvable.

Nader tient à s'occuper de son vieux père et, sûr de son bon droit, refuse de voir le désir de sa femme de quitter une société où les femmes doivent lutter pour être admises dans la société (l'épisode de la station service), refuse de négocier avec sa femme. Celle-ci refuse d'abandonner son projet de départ pour l'étranger et va jusqu'au bout pour peser sur la décision de son mari.

... Qui se cognent les unes contre les autres jusqu'à la destruction.

Après un long plan face caméra, semblent remontées ces quatre forces qui ne peuvent que se donner des coups mutuellement lorsqu'elles sont contraintes de coexister dans le même espace qu'est une enquête judiciaire. En se cognant, en rebondissant, chacun est tour à tour bourreau ou victime des autres, non par méchanceté ou par manque de qualités humaines mais parce que la logique des mouvements désordonnés produit en elle-même la tragédie.

Magnifiquement scénarisé (découverte que le père savait que Razieh était enceinte, acceptation de cette situation douloureuse par sa fille, amour de la mère toujours au bord de la négociation et du retour, révélation de l'accident de voiture, scrupules religieux de Razieh) le film laisse néanmoins des zones de béances qui donnent au spectateur l'impression que les personnages passent sans cesse à côté de l'essentiel. Razieh a-t-elle volé l'argent ou est-ce sa fille qui l'a caché dans son cartable ? La complicité des deux enfants ne pourrait-elle pas permettre la réconciliation ? Le grand-père semble parfois comprendre bien davantage que ce qu'il en laisse paraitre à son fils.

Emportés par leur propre mouvement, les personnes manquent de cette distance avec la complexité du réel que semble redoubler Farhadi avec ses nombreux jeux de miroirs (glaces, vitres et rétroviseurs) ou de barres au premier plan devant les personnages. La séparation annoncée, qui n'était au départ qu'un jeu, aura fini par produire son mouvement vers une séparation réelle dont personne ne peut sortir vainqueur. Termeh ne peut que demander un délai avant de briser à jamais la vie d'au moins un de ses parents.

Jean-Luc Lacuve le 13/06/2011.

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