Ismaël décide de quitter l'Algérie. Il s'y sent en danger et préfère laisser sa femme et sa fille à l'abri et tenter d'obtenir le statut de réfugié politique en France. Pendant tout le voyage, il pense à sa fille et s'imagine lui racontant une histoire, celle du mythe biblique de Jonas.
Dans le même temps, une famille française d'agriculteurs plutôt aisée perd soudainement un de ses jeunes fils. Tous les membres se réunissent pour l'occasion. La mort du jeune frère pousse la famille à s'interroger sur l'existence de Dieu, à remettre en question son existence. Pétri de douleur, le père s'enferme dans le silence. Devant ses enfants et un médecin, il perd pied peu à peu.
Ces deux histoires ne se rencontrent pas.
Capacité à réunir des matériaux hétérogènes, le documentaire (animalier ou sur la construction de camion) et la fiction, elle-même double, (celle d'une famille juive reconvertie dans l'élevage de cochons en Auvergne et celle d'un émigré politique algérien) la voix off et le dialogue. Mais réunion dissonante à l'image de la sirène un peu trop forte au début sur la musique de Vivaldi. La chaîne de montage est la métaphore de la création d'une histoire : comment la commencer, présenter tous les personnages donner les éléments avant de les faire jouer les uns avec, ou contre, les autres.
Film politique sur le rapport à l'autre, coprésence de deux corps étranger l'un à l'autre. En conséquence, Adieu n'a pas de centre. Chaque personnage dit adieu à quelque chose pour mieux le retrouver. On ne connaît bien un endroit que lorsqu'il vous manque et qu'on se rappelle de lui. Quelque chose se perd. Le sentiment de la complétudene ne peut se trouver qu'à l'occasion d'une rencontre. Ainsi le troisième fils, dans la baignoire, se souvenant de son jeune frère décédé ou l'institutrice avec son amant. Mais la famille dégénérée, sans jeune enfant, ne rencontrera pas Ismaël, séparé de sa fille. La cérémonie funèbre désertée.
C'est la question de l'hospitalité qu'Arnaud des Pallières a voulu mettre au coeur de son film :
"Cette question commence là : devons-nous demander à l'étranger de nous comprendre, de parler notre langue, de connaître nos lois, avant et afin de pouvoir l'accueillir chez nous ? Car s'il parlait notre langue, s'il connaissait nos lois, si donc nous partagions déjà tout ce qui se partage avec une langue et une loi, l'étranger serait-il encore un étranger, et pourrait-on parler à son sujet d'hospitalité ? (...) L'hospitalité, c'est être disponible quand vient celui qu'on n'attend pas, de qui on n'attend rien, et à qui on n'a rien demandé. Celui-là même que nous appelons aujourd'hui "clandestin".
voir : présentation du film par Arnaud des Pallières au café des images