Avril 1770 Marie-Antoinette, âgée de quatorze ans, quitte l'Autriche pour la France. Son mariage avec le dauphin, Louis-Auguste, scelle l'alliance entre les deux pays. Délaissée par son jeune époux, qui lui préfère la chasse à courre, elle se réfugie dans les frivolités en compagnie de la princesse de Lamballe et de la duchesse de Polignac.
Après la naissance d'un premier enfant, Marie-Antoinette fuit la rigidité de l'étiquette et s'installe au petit Trianon, où elle reçoit ses intimes. La cour de Versailles est humiliée, mais le peuple a faim et la révolution gronde et commence à s'introduire dans le château de Versailles. La famille décide alors de quitter le château...
Attendre, attendre encore, attendre toujours. Voilà bien à quoi Sofia Coppola condamne l'adolescence éternelle.
Les promesses sont là : dans une terre étrangère, dans un lever de soleil, dans un corps si facilement apte à faire un enfant, dans un beau cavalier. Les difficultés ne semblent pas insurmontables : il est possible de faire applaudir la cour, de sortir assister à un bal masqué, de se construire une nature rousseauiste aussi sophistiquée que les costumes, perruques et mets divers.
Et puis, avant d'avoir eu le sentiment d'avoir vécu, il faut faire sa révérence au monde, s'incliner devant le peuple (magnifique geste d'effondrement) et dire adieu à Versailles. Louis et Marie-Antoinette étaient devenus roi et reine. Trop tard hélas.
Ces cris : "Bientôt" puis "Trop tard" font penser à ceux qui poussent aussi les personnages de Luchino Visconti. Comme lui, Sofia Coppola construit ses mondes comme des cristaux celui d'un pavillon bourgeois dans Virgin suicides, celui d'une chambre d'hôtel dans Lost in translation et dorénavant le château de Versailles.
Il a été justement dit que Sofia Coppola utilise moins le château de Versailles comme un somptueux décor que comme la prison qui enferme la jeune reine. Et le château est bien en effet un nouveau cristal dans lequel Marie-Antoinette y constitue le germe. Elle va s'y voir alternativement réelle ou virtuelle, d'humeur sombre ou claire, heureuse ou malheureuse, lourde ou légère.
La répétition d'images successives des repas ou du coucher des époux royaux, le refuge dans la campagne artificielle du petit Trianon, les fêtes entre copines expriment ce basculement toujours possible pour le geme du cristal, Marie--Antoinette, entre la survie ou la mort. Dans ce palais, les facettes du cristal renvoient toujours au visage de Kirsten Dunst.
La tente dressée au début du film avait pu évoquer un lieu de passage. Image-temps directe, moment émouvant s‘il en est, c’est une séquence romantique et non pas maniériste comme la majorité de celles qui suivent. Car l'histoire se fige, les Converses bleu pâles abandonnées parmi la galerie de chaussures du XVIIIème, la musique rock contemporaine alternant avec celle de Lully disent assez que la frustration du monde adulte, aujourd'hui comme hier, est immense.
Nous ne sommes pas pressés que Sofia Coppola s'y plonge un jour tant les frustrations adolescentes qu'elle met en scène sont somptueuses, irritantes et énergiques.
Jean-Luc Lacuve le 05/07/2006