Caroline Champetier
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1865, la foule se presse au Salon officiel où l'Olympia de Manet fait scandale. Berthe et Edma l'admirent puis rentrent chez elles. 25 et 27 ans, elles ont des idées bien arrêtées sur son avenir. Elles ne souhaitent nullement suivre la volonté de leurs parents, qui ne pensent qu'à leur forger un destin convenable comme à leur sur, Yves, qui se marie. Passionnées par la peinture, qu'elles pratiquent depuis de nombreuses années, elles rêvent de se faire un nom dans le milieu de l'art.
Berthe et Edma rencontrent Edouard Manet au Louvre. Il n'apprécie ni Corot ni la peinture en plein air. Edma en tombe amoureuse. Lorsqu'Edouard demande à Berthe de poser pour lui, elle refuse pour laisser sa sur y aller à sa place. Mais Manet, pour la toile inspirée de Goya qu'il a en tête, tient absolument à ce que ce soit Berthe qui pose. Il propose seulement à Edma de l'accompagner. Corot qui suit l'éducation artistique des deux jeunes filles se félicite que trois toiles d'Edma et une de Berthe soient sélectionnées pour le salon de Bordeaux. Cornelie s'inquiète de la passion de Berthe : "La peinture peut être un hobby, ce peut être une discipline, c'est devenu un gouffre". Berthe pose pour Le balcon, au retour les parents interdisent aux surs d'y revenir.
Yves a maintenant un bébé. Elles lisent Madame Bovary. Edouard Manet accompagné de Fantin-Latour vient demander aux Morisot de laisser Berthe poser pour lui. Les parents acceptent car ils savent Edouard Manet marié... ce qui consterne les deux jeunes filles. Berthe, accompagnée de sa mère, pose pour Le balcon. Manet devient l'ami de la famille. Lorsqu'il admire un tableau de Berthe et reste indifférent devant ceux d'Edma, cette dernière en est déstabilisée et se montre sensible aux compliments d'Adolphe Pontillon, officier de marine et ami de Manet qui l'accompagne. Manet dévoile Le balcon aux Morisot, sidérés.
Corot tente de convaincre Berthe de peindre à sa manière un souvenir d'une matinée à Auvers. Edma annonce à Berthe qu'elle va épouser Adolphe. Berthe se rend chez Manet où elle trouve Eva Gonzalès, une jeune artiste peintre dans son atelier. Berthe est dépitée de ne pas parvenir à peindre La lecture, un portrait de sa mère et de sa sur. Elle demande de l'aide à Manet, toujours entiché d'Eva, mais qui revient la voir chez elle. Il termine le tableau avant qu'elle ne le signe. Berthe accepte alors de nouveau de poser pour lui. Manet invite les Morisot chez sa mère. Là ils font connaissance de Suzanne sa femme et de Léon, son fils adoptif.
1868. Edma demande à sa sur d'être le témoin de son mariage mais Berthe lui dit en face qu'elle regrette qu'elle fasse un mariage sans amour. Sa mère la réprimande : "Berthe, le temps passe. Il n'est plus ton allié". Edma se marie avec Adolphe Pontillon. Le jour du mariage, Manet l'incite à se marier à son tour tout en lui déclarant : "Berthe vous êtes la femme la plus belle, la plus passionnée, la plus profondément désespérée que j'ai rencontrée". Berthe revient dans son atelier mais découvre une toile où c'est Eva Gonzalès qui est représentée en peintre. Choquée, elle s'enfuit.
Lorient, octobre 1969. Berthe rejoint sa sur à Lorient où elle habite avec son mari. Elle est enceinte et s'ennuie. Berthe peint en plein air. Elle rentre à Paris, alors que la ville est encerclée par les prussiens. Elle est désespérée et inquiète que Manet, sa femme et leur fils soient partis sans laisser un mot pour elle. Berthe rencontre Frederic Bazille. Edouard surgit dans son uniforme de républicain. Il reprend des pinceaux mais un geste nerveux fait comprendre à Berthe qu'il a probablement la syphilis comme Adolphe l'avait laissé entendre à sa sur. "Nous sommes blessés vous et moi, mais nous tiendrons" affirme Manet qui repousse une nouvelle fois les élans de Berthe.
Mars 71. C'est la fin de la guerre. Edouard regarde admiratif la peinture de Berthe : "Peignez votre sur, peignez la vie" lui conseille-t-il devant ses paysages. Ce sera Le berceau.
1874. Paul Durand-Ruel, conseillé par Manet mais aussi par Degas et toute la jeune avant-garde de la peinture, lui verse un premier acompte. Il lui annonce que la société des Indépendants veut sa présence pour leur exposition chez Nadar. Berthe échoue à convaincre Manet de se joindre aux artistes indépendants. Il préfère exposer au salon.
Chez les Morisot, on se réjouit : la presse est élogieuse pour Le berceau et qu'importe si on se moque des "impressionnistes". Ce terme, "ça restera" juge Manet. Eugene a demandé la main de Berthe qui a accepté. Edouard sera donc son beau-frère. Il lui fait présent d'un tableau de violettes ; ce qui la bouleverse. Elle pose pour Manet qui en fait le portrait.
Caroline Champetier propose un film solide sur le trajet que Berthe Morisot accomplit de 1865 à 1874 pour devenir une artiste peintre. Sans cesse menacée de devoir abandonner sa passion pour intégrer les murs conventionnelles de l'époque et en particulier le mariage, Berthe cherche un soutien auprès d'Edouard Manet. Leur relation amoureuse stimule la jeune femme qui rêverait d'avoir un tel compagnon pour tout partager. Caroline Champetier suggère que c'est la syphilis de Manet qui l'empêche de prendre Berthe pour femme et de se résoudre ainsi à rester fidèle à Suzanne.
Le téléfilm est très académique dans son déroulé narratif, dans sa façon de faire surgir de personnages célèbres (Corot, Bazille ou Durand Ruel) et même dans ses respirations (les trajets en calèches illustratifs). Il n'est pas jusqu'aux répliques importantes qui sonnent parfois faux : "Il n'y a que la peinture qui nous sauvera Edma" (Berthe). "La peinture c'est guerrier. Il faut passer en force de l'ombre à la lumière" (Manet). "La véritable artiste de cette peinture c'est le modèle (Berthe à propos d'Olympia)". "Vous avez raison, elle est libre et c'est cette liberté que j'aime peindre (Réponse de Manet)".
Jean-Luc Lacuve le 15/04/2013.