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Le Paradis

2014

Avec : Alain Cavalier, 1h10.

Un petit paon se promène désorienté sous l'aile de sa maman. Il est blessé. Il reste au pied d'un arbre puis disparait, emporté sans doute par un prédateur, chat ou renard. Cavalier demande à un jeune homme de lui fabriquer un petit tombeau symbolique au pied d'un arbre: trois clous enserrant un petit caillou. Les clous sont retirés d'une vieille échelle; les tremper dans le coca-cola ne sert à rien : ils seront toujours aussi rouillés. Mais au pied de l'arbre, les clous retournés sur le caillou marqueront pour longtemps le tombeau du petit paon.

Une enfant déguisée en papillon et sa chambre pleine de bougies et de jolis objets. Un jeune homme raconte son premier souvenir d'enfance : avoir été jeté dans une piscine sans brassière par son père qui vint ensuite à son secours. Une jeune française d'origine américaine, noire, raconte comment elle a retrouvé ses parents biologiques. Cavalier dit qu'enfant on est mis en pensionnat pour apprendre le latin afin de pouvoir lire La Bible, puis le grec pour lire l'Odyssée. Et puis, après, on est jeté dans le monde avec ces histoires folles. C'est ainsi qu'il échange avec une jeune femme sur les expressions étranges nées de ces deux œuvres majeures.

Adam et Ève au Paradis étaient heureux et immortels, ils goutèrent le fruit de l'arbre de la connaissance et, se voyant nus, eurent honte et se couvrirent de vêtements. Les voyant ainsi, Dieu su qu'ils avaient gouté l'arbre de la connaissance et les chassa du paradis. Le diable et Dieu étaient auparavant la même personne; ils continuent de se voir souvent et le diable, petit tronc d'arbre noueux, explique comment il martyrise un homme, gros lapin blanc de porcelaine, Job, qui s'obstine à croire en dieu. La diablesse essaie sans plus de succès de le séduire avec un bœuf marengo.

C'est l'hiver et, consternation : Cavalier découvre que l'arbre au pied duquel le tombeau du petit paon est élevé a été coupé. En cherchant sous la neige, il le découvre bientôt intact.

C'est le temps des cerises. Cavalier raconte qu'il est entré chez un paysan qui lui a demandé de le laver de ses péchés et a élevé son enfant malade au-dessus de ses bras, le sauvant ainsi... du moins de la foule de curieux qui, le prenant pour Dieu, menaçait de faire s'écrouler les murs.

Ulysse, petit robot de plastique rouge, est arrivé chez Calypso qui veut lui offrir la vie éternelle. Il se sent si bien. Il demande néanmoins l'aide de sa mère pour savoir s'il doit plutôt obéir à son désir de revoir sa femme son fils et son île. Le petit canard de pastique à ressort est le fils prodigue : après plusieurs retours à la maison, il aime être dans la main du Père, la grande main en bois qui le guide.

Le petit Ulysse, robot de plastique, se cache de la déesse Athéna, chouette de terre cuite, qui n'est pas peu de chose : inventrice, protectrice, capable de noircir les corbeaux, blancs jusque là, pour avoir médit d'elle. Athéna indique à Ulysse les moyens de quitter Calypso en construisant un radeau.

Cavalier-Abraham fait ses excuses à son fils Isaac qui l'interroge sur le sacrifice qu'il a failli commettre. Un couteau dans l'eau y fait mille reflets sous l'action des rayons du soleil.

C'est au tour d'une vieille femme, celle qui fut autrefois la plus belle de Normandie, de raconter son histoire : elle fut heureuse avec son mari mais ne veut à aucun prix se remarier avec quelqu'un ; il lui prendrait son argent et son indépendance.

Une ostie sur les feuilles lisses d'un cactus, Cavalier s'en souvient comme une mini dépression de bonheur. Il en une plus tard, étudiant, en entrant dans une poissonnerie, devant un rollmops, alors qu'il n'avait pas mangé depuis quelques temps, faute d'argent.

Le petit Ulysse est arrivé chez lui à Ithaque; verra-t-il sa femme venir sur le balcon ? Le soir, il s'interroge; Il serait bien demandeur de l'immortalité proposée par Calypso mais il hésite aussi face à la proposition d'une vie éternelle après la mort qu'on vient de lui faire.

Dieu-Cavalier, sur une croix-brindille posée contre deux pierres de marbre sait qu'il n'est pas mort sur la croix; il a eu le temps de faire un signe à Jean qui est venu le sortir du tombeau.

Deux vieux, un homme et une femme, dans la rue rentrent chez eux. Le reflet de Cavalier dans un miroir convexe, qui permet de voir les quelques objets sur la table déposés devant lui, déclare : Tout est bien.

La plus grande humilité incite à regarder vers le haut avec ambition et humour. L'humilité c'est tourner seul avec une petite caméra, choisir des acteurs inconnus et des figurines de plastiques, des clous, une pierre, des morceaux de bois. C'est, avec ça, évoquer avec gourmandise les délires de la bible et de l'Odyssée. L'humilité c'est assumer de n'être qu'une voix pour mieux faire entendre et voir la beauté du monde.

Car la beauté est dans ce monde-ci : les mythes sont reconstruits pour être gentiment moqués, Cavalier interprète de façon décalée tous ces personnages qui, comme lui, ironisent souvent sur eux-mêmes (Athéna est un tantinet arrogante, Ulysse devenu vieux regrette de n'avoir pas choisi la vie éternelle promise par Calypso et, à défaut accepterait bien la vie éternelle après la mort de Jésus; Celui-ci n'est pas mort : un signe fait à Jean lors de la descende croix, Abraham fait ses excuses à son fils Isaac).

Jean-Luc Lacuve, le 03/11/2014

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