La Ciotat, été 2016. Antoine a accepté de suivre un atelier d’écriture où quelques jeunes en insertion doivent écrire un roman noir avec l’aide d’Olivia, une romancière connue. Le travail d’écriture va faire resurgir le passé ouvrier de la ville, son chantier naval fermé depuis 25 ans, toute une nostalgie qui n'intéresse pas Antoine. Davantage connecté à l'anxiété du monde actuel, il va s’opposer rapidement au groupe et à Olivia, que la violence du jeune homme va alarmer autant que séduire.
On aurait aimé voir un film noir et un film politique ; un film qui parle du présent et de ses racines dans le passé ; un film qui parle des riches de culture et des pauvres en ce domaine ; un film qui serait le prétexte à révéler des personnalités. Ce sont autant de sujets qu'Olivia tente de faire découvrir à ces jeunes défavorisés qui ont été sélectionnés pour son stage. Du coup, c'est elle, le vrai sujet du film (ou le talent de Marina Foïs) alors que le thème de l'extrême droite n'y est traité que superficiellement dans un texte sentencieux final où Antoine, tel Meursault, dans L'étranger (1942), explique que c'est parce qu'il s'ennuie et manque de grands horizons qu'il a basculé du coté des complotistes. Le film se permet même un happy end bien étrange, Antoine y est manœuvre sur un gros navire ; une façon pour lui de se réaliser en s'éloignant de La Ciotat ?
On y retrouve le thème quand même un peu rabattu que la vie c'est mieux que la littérature. Aux bons élèves du groupe, Olivia préfère Antoine, antisystème et doué pour l'écriture, qui lui fait la leçon sur l'emploi du mot juste. A elle qui se gargarise de l'utilité de l'écriture pour se révéler (elle projette sa propre sexualité sur ses personnages de roman explique-t-elle au journaliste), il lui répond qu'elle doit respecter la vie de ceux qu'elle décrit et utiliser leurs mots. Les auteurs du scénario, Robin Campillo et Laurent Cantet, ont sans doute fait leur possible pour respecter cela mais sont restés dans les bornes bien sages d'une rencontre qui ne se fait pas entre la quadra et ces adolescents.
Heureusement, le décor : la mer, le soleil, les oliviers, les énormes portiques des chantiers navals de La Ciotat ainsi que les images d'archives impressionnantes des navires lancés autrefois de là complètent agréablement cette analyse paresseuse du mal être d'une jeunesse déshéritée.
Jean-Luc Lacuve, le 28 mai 2020.