Le 26 avril 1986, Pripiat, à quelques kilomètres de Tchernobyl. En cette belle journée de printemps, Anya et Piotr célèbrent leur mariage, le petit Valery et son père Alexeï, ingénieur à la centrale, plantent un pommier, Nikolaï, garde forestier, fait sa tournée habituelle dans la forêt... C'est alors qu'un accident se produit à la centrale. Piotr est réquisitionné pour éteindre l'incendie. Il n'en reviendra jamais. La radioactivité transforme la nature immédiatement affectée par ce sinistre. Les populations sont évacuées brutalement. Alexeï est condamné au silence par les autorités et se cantonne à quelques gestes dérisoires, comme distribuer des parapluies à la population.
Dix ans plus tard. Pripiat, ville fantôme désertée par ses habitants, est devenue un no man's land, gigantesque Pompéi moderne érigé en un étrange lieu de tourisme... Anya est aujourd'hui guide dans la zone, tandis que Valery y cherche les traces de son père disparu et que Nikolaï, lui, persiste à cultiver son jardin. Le temps faisant son œuvre, l'espoir d'une nouvelle vie leur sera-t-il permis ?
La terre outragée se présente comme le premier film de fiction tourné sur les lieux de la catastrophe de Tchernobyl. Il traite de deux sujets successifs, la représentation de la catastrophe elle-même et, dans une seconde partie, de l'impossibilité de l'exil.
La première partie est assez faible. Certes, la catastrophe est évoquée avec peu de moyens et les nuages gris, la centrale verte et les arbres rouille donnent une représentation inédite de la catastrophe. Mais rien ne fonctionne vraiment comme signe tant les plans sont convenus : animaux morts (poissons, oiseaux, chat, abeilles) arbres morts couleur rouille, pluie noire sur le gâteau, cheveux qui tombent, affiches de propagande, images du bonheur un peu convenu dans lesquels on trouve trace du Sacrifice de Tarkovski avec le pommier planté ou du vieux lyrisme soviétique avec la jolie fille qui se marie au bord de l'eau.
La seconde partie entrecroise trois histoires improbables de personnages qui n'ont pu se résoudre à l'exil. L'excès de réaction de ces personnages atypiques n'est jamais vraiment motivé, et l'on peine à s'intéresser à eux plutôt qu'aux 4 000 hommes et à leur famille sacrifiés, laissés hors champs. Son cancer empêche probablement Anya de refaire sa vie. L'ingénieur est devenu fou probablement parce qu'il s'est senti lâche de ne pas avoir répondu à l'appel au téléphone sans avoir pu sauver quiconque par la suite. Celui qui a refusé de partir reste en bonne santé et mange ses pommes (on se demande bien alors pourquoi les autres sont partis). Ces destins plus ou moins vraisemblables visent de toute façon plus à l'exemplarité qu'à la singularité sans convaincre. Faut-il ainsi voir dans la petite fille qui hante toute seule la ville l'actuelle démission des autorités locales ou l'ange de la renaissance ?
Le lyrisme habituellement dévolu à la voix off fonctionne plutôt bien avec celle d'Alexis et de son petit pommier ; celle d'Anya devient vite redondante par rapport à l'histoire racontée.
L'ensemble parait un peu artificiel par rapport aux documentaires, certes souvent axés sur la catastrophe elle-même, mais souvent remarquables, en premier lieu sans doute La bataille de Tchernobyl de Thomas Johnson (2006, 1h34) mais aussi :
Le soleil et la mort Tchernobyl, et après... (Bernard Debord, 2006,
1h25)
L'Europe et Tchernobyl ( Dominique Gros, 2006, 1h00)
Tchernobyl - L'héritage d'une catastrophe (Maryann De Leo ,2003, 0h42)
Tchernobyl : que s'est-il vraiment passé ? (Renny Bartell, 0h45)
Tchernobyl cette herbe amère (Toshiaki Shimada, Tatsushi Horiki, Tomoki
Kitamori, 1991, 1h45)
Le tocsin de Tchernobyl (Rollan Serguienko, 1987, 1h30)
Le sacrifice (Wladimir Tchertkoff, 2003, 0h25)
Controverses nucléaires ( Wladimir Tchertkoff ,2003, 0h50).
Le piège atomique ( Wladimir Tchertkoff , 1998, 0h50)
Le désastre de Tchernobyl ( K. Langbein, J. Kamienski, M.F. Han, L.
Antonienko, S. Toshida, 1996).
Tchernobyl : Questions d'avenir
Le mensonge français (Sophie Le Gall et Matthieu Lère, 0h24)
Tchernobyl, autopsie d'un nuage
Tchernobyl, un alibi en béton
Pripyat, images de la zone interdite ( Nikolaus Geyrhalter)
Jean-Luc Lacuve le 09/04/2012