Egon Schiele

Tulln 1905. Sous les yeux de son fils, le père d'Egon Schiele meurt de la syphilis non sans avoir dans un dernier excès de folie brulé les actions de chemin de fer qui assuraient la prospérité de la famille.

Vienne. 28 octobre 1918, quelques jours avant la chute du régime austro-hongrois. Un train  déverse du charbon. Gerti Peschka, la sœur d'Egon, son mari et leurs deux filles remplissent un sac et se rendent au no 101 de la Heitzingerstrasse ou réside Egon et sa femme Édith. Le concierge doit leur ouvrir la porte. Egon, atteint de la grippe espagnole, s'est endormi au chevet de sa femme atteinte du même mal.

Gerti installe son frère sur le canapé du salon, annule ses rendez-vous avec des modèles et appelle un médecin Elle range des dessins de son frère et se souvient:

1910. A seize ans elle pose nue pour son frère de quatre ans plus âgé et rêve d'aller comme lui au Prater, cabaret sulfureux où des femmes s'exposent nues. Egon retrouve ses amis Anton Peschka et Dom Osen. Schiele, ne pouvant plus supporter la tutelle académique de ses maîtres, a quitté l'Académie, suivi d'amis partageant les mêmes convictions avec qui il vient de fonder le Neukunstgruppe (Groupe des nouveaux artistes). Au Prater Egon remarque Moa Mandu, une haïtienne qui devient son modèle.

Elle le suit avec Anton Peschka et Dom Osen à près de la Vltava, en Bohême-du-Sud (aujourd'hui République tchèque) où le groupe est censé travailler. Mais seul Egon travaille, fasciné par Moa qui obtient qu'il inscrive son nom sur ses dessins. Ceci déplait fortement à Gerti qui se sent rejetée. Elle accepte alors de devenir la maîtresse d'Anton Peschka, très amoureux d'elle. Lorsqu'il s'en aperçoit, Egon se fâche d'autant plus que son oncle, son tuteur depuis la mort de son père, ne lui a pas envoyé d'agent. Le frère et la sœur se brouillent. Gerti repart à Vienne pendant qu'Egon réclame de l'argent à son mécène

Gerti reçoit le médecin qu'elle a fait querir. Il ne peut que constater la mort d'Édith qu'ignore encore Egon. Le médecin est formel : si la fièvre d'Egon ne baisse pas, il va mourir. Gerti se souvient :

1911 : Gerti était revenue voir son frère pour se réconcilier avec lui et lui demander l'autorisation d'épouser Anton. Il avait refusé. Egon montre ses dessins à Klimt, 45 ans, qui les admire et accepte volontiers d'échanger un de ses desseins contre l'un de son cadet. Il rencontre surtout le modèle de Klimt, Wally Neuzill, qui devient son propre modèle et sa compagne. Tous deux habitent dans al campagne aux environs de Vienne. Lola profusion des dessins à caractère érotique de Schiele, couplée à des soupçons de détournement de mineurs à son encontre, conduisent à son arrestation en 1912. Il passe vingt et un jours en détention provisoire. Au procès, le juge le condamne à trois jours supplémentaires, pour outrage à la morale publique, en exposant dans un lieu public accessible aux enfants des œuvres outrageantes aux bonnes mœurs, le détournement de mineur n'étant pas retenu. Une centaine de ses peintures, majoritairement des nus, sont confisquées par le tribunal départemental.

Gerti supplie sa belle-sœur et la mère de celle-ci de permettre à Egon d'habiter chez elles en face de chez elles

En 1914, l'artiste se lie d'amitié avec les deux sœurs logeant en face de son atelier de la Heitzingerstrasse, Adèle et Edith Harms. La première est très amoureuse de lui mais c'est à sa sœur cadette qu'il demande le mariage. Ce qui rend folle de rage et de désespoir Wally. Elle accepte néanmoins de poser pour La jeune fille et la mort. Gerti et Anton se marient.

Édith suit son mari pour ses classes à Prague mais refuse de poser nue pour lui. Sur l'intervention de certains personnages reconnaissant son talent, Egon est dispensé du service armé, et fait son service de guerre dans l'administration. Il peut ainsi continuer de peindre et d'exposer. Schiele est ainsi la star de la 49e exposition de la Sécession viennoise. Il apprend la mort de Wally et modifie le titre de son tableau

Gerti supplie la mère d'Adèle, elle aussi atteinte de la grippe espagnole de vendre ses bijoux pour obtenir la quinine qui sauvera Adèle et Egon. Mais c'est trop tard. Egon Schiele meurt de la grippe espagnole  le 31 octobre 1918. sa sœur et son mari veille sur son héritage

Un carton annonce que les tableaux d'Egon Schiele ont atteint des prix très élevés sur le marché de l'art.

A l'approche du centenaire de la mort de Schiele, décédé en 1918, Dieter Berner tente d'occuper le terrain espérant faire oublier le film, un peu moins lisse et conventionnel Egon Schiele, enfer et passion (Herbert Vesely, 1981) avec Mathieu Carrière dans le rôle de Schiele et Jane Birkin dans celui de Wally.

Difficile de faire plus académique et moins fidèle à la passion de Schiele pour la sexualité, à sa peinture aussi, eu égard à son caractère sexué, que ce film pudibond. Quelques plans d'hommes ou de femmes nues apparaissent quelquefois mais ils sont exempts de tout désir, de toute torture, de toute passion. La direction d’acteurs privilégie un jeu souriant, enjoué, exempt de toute interrogation.. Ce jeu lisse se contente d'enregistrer l'insensibilité du personnage (c'est un comble) seulement obsédé par son travail

Dieter Berner adapte le contestable roman Mort et jeune fille : Les femmes d’Egon Schiele (Böhlau, Vienne 2009) de son ex-femme Hilde Berger, avec qui il a coécrit le script. Le roman est découpé en cinq parties, correspondant aux cinq modèles du peintre : Gerti Schiele, Moa Mandu, Wally Neuzill, Adèle et Edith Harms. La chronologie de la vie d'Egon Schiele est ainsi rendue approximative. La rupture avec Wally a lieu avant la guerre, en 1913 et avant sa rencontre avec les sœurs Harms. ici, elle a lieu au début de la guerre ce qui provoquerai le lâche abandon d'Egon

La construction en flashes-back, sensés être pris en charge par Gerti sont rapidement recentrés sur Egon. Ils n'introduisent ainsi aucune vision particulière sur le personnage. la seul chose qui semble intéresser Dieter Berner est de construire un suspens factice sur la survie d'Egon à la grippe espagnole, trois jours après la mort de sa femme

Obsédé par l'anecdote (ses disputes avec ses modèles-compagnes, le procès pour détournement de mineur), le réalisateur en oublie la peinture. Mort et jeune fille, qui donne son sous-titre au film est traitée comme une affaire de pose à trouver. Le constant misérabilisme du film est basé sur sa mort prématurée d'Egon, emporté comme des millions d'européens par la grippe espagnole. Egon Schiele est reconnu bien avant sa mort mais Berner ne peut s'empêcher de noter dans une sort d'héroïsation convenue d'un supposé artiste maudit que les ouvres de Schiele sont vendues très cher sur le marché de l'art. Ce misérabilisme à bon compte évite d'évoquer la richesse de la vie viennoise, celle de Freud et Zweig, bien plus difficile à représenter. A la place, on a un pitoyable suspens : Gerti trouvera-t-elle ou non la quinine qui sauvera son frère ?