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Swagger

2016

Thème : banlieue

Sélection acid Avec : Aïssatou Dia, Mariyama Diallo, Astan Gonle, Salimata Gonle, Naïla Hanafi (Elles-mêmes), Abou Fofana, Nazario Giordano, Aaron N’Kiamb, Régis Marvin Merveille N’Kissi Moggzi, Paul Turgot, Elvis Zannoui (Eux-mêmes). 1h24.

Onze adolescents aux personnalités marquantes, scolarisés au collège Claude Debussy d’Aulnay-sous-Bois. Ils habitent Aulnay et Sevran, dans l'une des cités les plus défavorisées de France.

Régis veut devenir styliste. Avec son nœud papillon, il est drôle et populaire ("Je ne suis pas Beyoncé, mais je suis apprécié des gens : on va dire ça comme ça !"). Il vante le style de Barack Obama ("alors que François Hollande, quand il marche... ") et raconte, irrésistible, un épisode particulièrement complexe des Feux de l'amour, et adore sa mère par dessus tout.

Paul, l'Indien, dont le père est malade le tape quand il ne prend pas les médicaments qui le calment. IL s'habille en costume-cravate. Ses copains se sont d'abord moqué de lui, ; il s'est inventé des prétextes pour se distinguer ainsi et finalement on l'a trouvé très classe et les filles l'ont remarqué, lui ont fait des bisous...Paul raconte aussi qu'il ne veut pas rater sa vie, qu'il sait être un modèle pour sa famille, qu'il a pensé être un guetteur et que ça pourrait lui arriver si sa famille tombait dans la misère. Son père est endetté et c'est lui qui fait toutes les démarches administratives de ses parents comprenant mal le français.

Aïssatou, a du mal à prononcer son prénom. Elle hésite, elle trébuche. Quand quelque chose lui déplait ou lui fait peur, elle fait comme si elle n'avait rien vu. Cette prudence exacerbe sa vision; elle voit les autres comme au ralenti.

Salimata aimerait larguer des bombes en Allemagne "parce qu’elle est trop nulle en allemand"

Naïla, toute menue, toute fragile, rêve de devenir architecte pour construire des maisons de banlieue et non des immeubles qui ne plaisent pas aux habitants. Elle déteste Mickey et les poupées Barbie car ils sont « méchants » et cherchent à dominer le monde.

Mariyama regrette d'être toujours choisie en dernier pour le sport. Elle voudrait à l'avenir être moins discrète

Le jeune Nazario, tout sourire, explique qu’il vit en famille d’accueil avec son petit frère. Il est amoureux d'une jeune fille un peu plus âgée.

Astan ne connaît pas des Français de souche. C'est quoi "souche" ?. Le coran la calme

Aaron s’imagine être président, salué par la foule en liesse. 

Swagger, on l'apprendra par le carton final, vient d’une citation du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare : "Quels sont ces rustiques personnages qui font ici les fanfarons (What hempen homespuns have we swaggering here), si près du lit de la reine des fées ?". Et c'est bien un appel à sortir des contraintes de la banlieue qui prend corps aussi bien par la parole des jeunes gens que par la forme adoptée par le réalisateur qui s'éloigne de celle du documentaire social.

Comédie musicale et aventure futuriste pour sortir du drame social

Un grand mouvement d'appareil, d'hélicoptère ou de drone planant de nuit au-dessus d’Aulnay et de Sevran avec au loin Paris et sa tour Eiffel pour frôler les cinq barres d'immeubles en faire le tour et s'introduire dans la chambre de Régis en train de coudre.

La beauté et la virtuosité du premier plan appelle la fiction et semble se souvenir du premier plan de Psychose (Alfred Hitchcock, 1960). Le rêve des escadrons de drones futuristes envahissent en 2034 les tours des 3000 ; la comédie musicale avec Régis entrant dans le collège au ralenti, acclamé comme une star de la mode ; Paul qui danse dans la rue commerçante déserte au rythme d’un vieux rock, muni d’un parapluie rouge et voici les adolescents alors aussi libre que les petits lapins qui gambadent près du collège ou que les perruches de la fin qui s'acclimatent à leurs nouvelles conditions de vie. Cette hétérogénéité de la forme marque sa différence vis à vis de La loi du collège (Mariana Otero, 1994) Nous, princesses de Clèves (Régis Sauder, 2011), ou même d'Entre les murs (Laurent Cantet, 2008)

Fanfaronner pour sortir de la banlieue

Les paroles des enfants semblent avoir été enregistrées en une seule fois, un seul lieu dans la même journée. Chacun d'eux bénéficie d'un cadre et d'une lumière qui les mettent en valeur. Souvent les paroles les plus drôles ou les plus tristes sont montées avec, pour contrechamp, des plans muets d'autres camarades qui semblent en empathie. Ce dispositif transforme ainsi la parole individuelle en une forme de chœur collectif, affectueux et malicieux.

Régis, Paul et Naïla sont les plus fanfarons, les plus certains de leurs choix. Mais c'est la jeunesse dans son ensemble qui rêve de sortir du ghetto. Le dernier blanc est parti : "un garçon aux cheveux blonds, aux yeux bleus, plutôt gentil" avait noté Naïla. A peine montrée, toujours reconstituée avec un superbe éclairage de nuit, la guerre des gangs (quelques plans des guetteurs au dessus de l'église, la promenade de Paul autour des dealers et guetteurs) est décrite comme un quotidien supportable mais dangereux. La religion, chacun la sienne, sert toujours de repère, ou du moins calme les esprits. Les cauchemars existent mais des rêves aussi. La solidarité existe parfois mais il y a toujours les derniers à être choisis sur le terrain de sport et les Roms sont unanimement condamnés par les collégiens pour être "envahissants", "voleurs" et "fainéants".

Jean-Luc Lacuve le 20/11/2016

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