Dans l'avion qui la conduit de New York à San Francisco, Jasmine raconte sa vie à une vieille dame qui n'en demande pas tant et qui s'éclipse dès qu'elle le peut une fois à l'aéroport, lassée des confidences amoureuses et sexuelles de celle à laquelle elle a eu le malheur de prêter une oreille. Jasmine débarque dans le modeste appartement de sa sur, Ginger, luxueuses valises à la main et s'enorgueillissant de son voyage en première classe. Ginger explique à son petit copain, Chili, que Jasmine n'est pas réellement sa sur mais qu'elles ont vécu ensemble dans la même famille adoptive qui a toujours, comme elle-même, vénéré l'élégance de Jasmine. Celle-ci a dû fuir New York après la ruine de son mari, Hal, jusque là riche homme d'affaires. Profondément perturbée, sous l'effet des antidépresseurs, Jasmine ne se prive pourtant pas de désapprouver la relation de Ginger et Chili comme elle avait désapprouvé son mariage avec Augie dont Ginger est maintenant divorcée.
Ginger lui rappelle néanmoins que c'est par sa faute que son mariage avait échoué. Elle s'était rendue à New York avec Augie. Celui-ci avait suivi les conseils de Hal d'investir dans ses affaires plutôt que de monter son entreprise. Augie ne s'était ainsi pas épanoui dans le travail et avait tout perdu avec la ruine de Hal.
Jasmine veut trouver du travail en jouant de sa seule classe naturelle alors qu'elle n'a aucune qualification. Ginger, qui se rend compte que sa sur est instable, lui suggère de se lancer dans la décoration d'intérieur, pensant à raison qu'elle ne dédaignera pas ce type de profession. Entretemps, Jasmine accepte à contrecur de travailler comme réceptionniste dans un cabinet dentaire, où son patron, le docteur Flicker, tente de la séduire, bien malgré elle
Influencée par sa sur, Ginger pense que ses choix sentimentaux sont désastreux et se met à fréquenter Al, ingénieur du son. De son côté, Jasmine entrevoit le bout du tunnel en rencontrant Dwight, diplomate attiré par sa beauté, son élégance et sa distinction. Il lui propose de décorer sa villa et ne tarde pas à la demander en mariage. Mais Jasmine lui a caché la vérité sur son précédent mariage. Une rencontre fortuite avec Augie au moment où il allait lui acheter sa bague de fiançailles lui révèle qu'elle est l'ex-femme de Hal dont toute la presse dénonce les manuvres frauduleuses. Dwight rompt.
Jasmine retrouve le fils d'un premier mariage de Hal qu'elle a élevé durant de longues années. Il a rompu tout contact avec ce père qui cherchait à l'entrainer dans la voie des affaires pour se consacrer à la musique. Il en veut à Jasmine d'avoir trahi son père en le dénonçant au FBI par vengeance de ses infidélités.
Ginger, s'étant aperçu que Al était marié, se
réconcilie avec Chili alors que Jasmine finit seule.
Le film peut se prévaloir de prétentions sociétales (Hal ressemble à l'escroc de la finance Bernard Madoff) et culturelles (Jasmine rêve, chez sa sur déclassée, de fortune et d'amour comme Blanche rêvait de théâtre et de Marlon Brando dans Un tramway nommé désir). On créditera même Woody Allen de creuser le sillon de ses parcours de femmes déçues par l'existence au milieu de la quarantaine : Marion Post (Gena Rowlands) dans Une autre femme (1988) ou Alice Tate (Mia Farrow) dans Alice (1990).
Voilà pourtant maintenant huit films et autant d'années qu'Allen se complait dans un cinéma fabriqué à la chaine en mélangeant divers ingrédients pas plus mauvais que d'autres et des acteurs plutôt meilleurs que d'autres mais en restant toujours dans les oppositions manichéennes.
Le film fonctionne comme une mécanique qui oppose le présent et le passé, décors riches de New York et pauvres de San Francisco par appels systématiques aux flashes-back. Les coups de force du scénario sont pour le moins grossiers (Jasmine est responsable de la chute financière de son mari ; elle rate son mariage le jour de l'achat de la bague des fiançailles par une improbable rencontre). S'ils relèvent de la logique de l'aveuglement de Jasmine, ils ne nous la font pas aimer davantage et génèrent plutôt l'impression d'un "bien fait pour elle"
Car même la morale de Woody Allen est devenue fade : le personnage border line qu'est Jasmine (pourtant joliment blues et bleue dans le corps de Cate Blanchett) ne revendique rien d'autre que de vivre dans une douillette richesse. Qu'elle échoue n'est ni drôle ni surprenant, juste pitoyable. Il semble bien en effet que Allen veuille nous faire prendre en pitié une femme riche, aveugle aux misères du monde et nous dire que le petit peuple est bien plus heureux ; un message aussi académique que son cinéma.
Jean-Luc Lacuve le 24/09/2013