En 1973, le jeune Donald Trump collecte difficilement les loyers dans "Le village Trump" où les locataires pauvres le reçoivent avec haine et parfois violence. Donald est déterminé à faire fortune sur les traces de son père, le magnat de l'immobilier Fred Trump, et rendre sa grandeur à Manhattan, alors miséreuse et gangrenée par la criminalité. Il voudrait ainsi rénover le Commodore Hotel dont il imagine la façade de verre reflétant le Chrysler Building. Mais personne ne lui fait confiance, d'autant que son père est poursuivi par le gouvernement fédéral pour discrimination envers les locataires afro-américains.
Pour parvenir, Donald est convaincu qu’il doit rencontrer les bonnes personnes. Il fréquente ainsi avec sa petite amie un club privé très select dont il se vante d'être le plus jeune membre. Il attire en effet l'attention de Roy Cohn, un avocat controversé, connu pour avoir poursuivi les Rosenberg. L'avocat prétend que son père devrait attaquer plutôt que de subir les investigations du gouvernement mais sait déjà que le dossier est perdu d'avance. Pourtant, quand Trump poursuit Cohn jusque dans les toilettes pour le supplier de défendre sa cause, Cohn accepte finalement de l'aider.
Lors du repas familial, Fred Trump fait preuve de son autorité toxique sur toute la famille, et fait honte à son fils aîné Fred Jr. pour être devenu pilote de ligne. Donald parvient tout de même à le convaincre de changer d'avocat pour Roy Cohn. Celui-ci, de plus en plus convaincu des potentialités de Donald, lui offre ses services contre son amitié. Puis Cohn entraîne Donald dans un café. Là, Cohn présente des photos intimes au procureur principal où celui-ci est avec un garçon de plage. Il le menace de tout révéler à la presse et à sa famille. Le procureur, par peur d'une révélation qui l'obligerait à la demission, règle l'affaire des Trump pour peu de chose, malgré de solides preuves de discrimination raciale.
Trump rentre dans le premier cercle des amis de Cohn et assiste à l'une de ses fêtes décadentes, où il voit Cohn et d'autres personnes dans une orgie homosexuelle. Cohn enseigne à Trump comment bien s'habiller et surtout le coache pour les relations avec les médias. Il lui propose ses "trois règles" : toujours attaquer, ne jamais admettre ses torts et toujours revendiquer la victoire, même en cas de défaite. Trump, sans en avertir son père, peut alors convaincre le groupe Hyatt de lui accorder un prêt pour investir dans le Commodore hotel déclarant qu'il peut obtenir une exonération de la taxe foncière. Celle-ci est pourtant inévitable et Trump se précipite chez Roy Cohn pour l'aider à sortir de ce mauvais pas. C’est alors que celui-ci lui explique le réseau d'espionnage qu'il a mis au point pour avoir à sa merci toute l'administration de la ville. C'est ainsi qu’il peut faire pression sur l'adjoint chargé de l'urbanisme qui accorde l'exonération au grand scandale des opposants et à la stupéfaction de Fred Trump qui doit reconnaître l'efficacité de son fils à obtenir un abattement fiscal de 160 millions de dollars pour le projet, ce qui scandalise les défenseurs des pauvres.
Entre-temps, Donald fait une cour assidue au mannequin tchèque Ivana Zelníčková ; la faisant admettre avec ses amies dans son club privé. Il la poursuit à Aspen où elle est alors en séance de photographie. Roy Cohn négocie le contrat de mariage mais Ivana en refuse les clauses les plus offensantes (la restitution des cadeaux) et n'accepte le mariage que devant les supplications sincères de Donald.
Ainsi, en 1978, Donald est marié, possède des parts importantes dans le l'ancien Commodore Hotel devenu le Grand Hyatt Hotel et il termine les négociations pour construire la Trump Tower, un gratte-ciel de 58 étages de 202 mètres situé à Midtown.
Dans les années 1980, Donald Trump investit le secteur des casinos d'Atlantic City, dans le New Jersey sans se soucier des conseils de Cohn qui l'appelle à la prudence pour éviter un développement trop rapide. Trump a des relations conflictuelles avec le nouveau maire, Ed Koch.
La Trump Tower, néanmoins achevée en 1983, héberge la résidence principale de Donald Trump, ainsi que le siège social de la Trump Organization. Le groupe Holiday Corp finance la construction par le groupe Trump de l'hôtel-casino Trump Plaza, ouvert en 1984. Trump en gère l'activité "jeux". Dès la première année, les mauvais résultats de cet établissement entraînent de vives tensions entre Trump et Holiday Corp.
Fred Jr tombe dans l'alcoolisme et Trump ne cherche qu'à l'éloigner ; il finit par mourir. Sa mère, l'immigrante écossaise Mary Anne, est angoissée par cela et aussi par les tentatives de son fils de contrôler la fortune familiale alors que Fred est sénile.
Donald se sent de plus en plus irrité par les ambitions de sa femme de devenir une éminente décoratrice d'intérieur. Finalement, il lui dit explicitement qu'il n'est plus attiré par elle ; ils se disputent et il la viole. Désormais accro aux amphétamines, le teint Trump est devenu orange. Son médecin tente en vain de le décourager de prendre ces pilules mais Trump n'est obsédé que par sa prise de poids et sa calvitie.
Sous Reagan, Trump célèbre l'esprit de cupidité tout en critiquant les syndicats, les bénéficiaires de l'aide sociale et d'autres pour leur cupidité. Il affirme que l'Amérique doit être plus forte, au lieu d'être méprisée par les nations étrangères. Cohn exprime des sentiments similaires, fustigeant les libéraux et se présentant comme un gardien de l'esprit américain, tout en attaquant les règles, la morale et la vérité. Trump et l'assistant de Cohn, Roger Stone, approuvent l'un des slogans de Reagan, « Make America Great Again ».
Cohn est menacé de radiation du barreau. Il développe le sida mais le nie publiquement ainsi que son homosexualité. Son amant, Russell, développe également le sida et Cohn demande à Trump de le loger au Hyatt. Trump finit par mettre Russell dehors et prétend que les clients s'étaient plaints. En fait, Donald a développé une peur des microbes et ne veut pas s'approcher de son ancien mentor. Cohn réprimande Trump dans la rue, le traitant d'escroc ingrat. Ils finissent par se réconcilier quelque peu, car Trump, après la mort de Russell, emmène Cohn en Floride et fête son anniversaire ; il offre à Cohn des bijoux de marque « Trump » qui sont bon marché et non des diamants comme Ivana l'en informe. Cohn meurt.
Trump subit une liposuccion et une chirurgie de réduction du cuir chevelu. Il emploie le journaliste Tony Schwartz pour écrire The Art of the Deal, où figurent les trois règles de Cohn que Trump a reprises à son compte. Trump parle de la supériorité génétique des gagnants et s'étend sur sa propre grandeur tout en voyant des les fenêtres de son bureau décoller un avion sur New York, symbole de son ascension à venir.
Le film retrace 15 ans d'ascension de Donald Trump, de 1973 à 1987, où paraît The Art of the Deal, un livre cosigné avec le journaliste Tony Schwartz, mais dont il n'aurait pas écrit une ligne. L'ouvrage, un mélange d'autobiographies et de conseils pour les affaires, connaît un énorme succès de librairie et reste pendant treize semaines en tête de la liste des livres à succès du New York Times. C'est avec ce livre, dans lequel il vante ses qualités d'homme d'affaires en se présentant comme un modèle de réussite à l'américaine, que Donald Trump devient une célébrité nationale aux États-Unis. Le titre du film s’inspire lui d'un show plus tardif, de 2004 et 2017, où Donald Trump, star du monde des affaires, faisait s’affronter des candidats pour déterminer lequel serait son apprenti pour lui transmettre son savoir. Le show, brutal et populaire devait pourtant sa célébrité à sa célèbre et sadique formule, "You are fire" (Vous êtes viré)
Le film élargit cette ascension en convoquant, dès la scène d'ouverture Richard Nixon puis montrant l'ascension concomitante de Trump et de Ronald Reagan. L'un reprenant le slogan de l'autre "Make America Great Again"(Rendre sa grandeur à l'Amérique). Si Trump est le produit de son époque (en témoigne aussi les nombreux tubs de la bande son), il est aussi, selon son réalisateur, une sorte de Barry Lyndon (la bande-son laisse en effet une petite place à L'andante du trio opus 100 de Schubert) mais dont on ne voit pourtant ici guère la chute.
Le film contribue pour une part, comme Le loup de Wall Street, à la gloire des entrepreneurs. Trump, loin d'être un rentier, héritier de l'empire de son père, fait preuve d'énergie et d'efficacité. Les formules chocs inventées ou reprises par Trump sont aussi d'une indéniable efficacité. Il y a les trois fameuses règles de Cohn. 1ere règle : attaque, attaque attaque ; 2e règle : N'admet rien, nie tout. 3e règle : Revendique toujours la victoire. Mais on note aussi : "Dans le sport, on te dit de te concentrer sur le ballon, pas sur l'homme; en politique c'est le contraire, oublie le ballon, concentre-toi sur l'homme". Il y a enfin la façon de Trump de ne boire que de l'eau parce qu'il "n'aime pas être ralenti" ou de prendre des amphétamines car "on ne signe pas de contrat quand on dort.
Dans Le loup de Wall Street, qui s'inspirait aussi d'une histoire vraie, celle de la carrière fulgurante de Jordan Belfort, celui-ci se rengorgeait de son portrait à charge du magazine Forbes. Il savait qu’il attirerait encore plus de jeunes diplômés qui veulent être riches quelles que soient les conditions. Ali Abbasi n'a ainsi certainement pas tort de penser que son film pourrait plaire à Donald Trump, tant celui-ci n'a rien à faire des considérations morales. Pour réussir, il est prêt à toutes les violences, ne réussissant qu'à coups de magouilles, de chantages, en piétinant ses amitiés passagères et le besoin de protection de son frère et abusant de la sénilité de son père. Il y aussi la scène glaçante du viol de son épouse. Un événement qu’Ivana Trump a raconté sous serment devant la justice et que le cinéaste illustre selon les termes qu’elle avait alors employés.
Espérons que comme Barry Lyndon ou Le loup de Wall Street, The apprentice soit bien la première partie d'une chute espérée.
Jean-Luc Lacuve, le 17 octobre 2024.