Odilon Redon avait, enfant, la santé fragile. Aussi ses parents
décidèrent-ils de léloigner de Bordeaux et
de lenvoyer dans la propriété familiale de Peyrelebade,
domaine viticole du Médoc, où il fut confié à
la garde dun oncle. Il y vécut jusquà onze
ans une enfance quil décrit comme absorbée dans
la rêverie : Enfant, je recherchais les ombres ; je me souviens
davoir pris des joies profondes et singulières à
me cacher sous les grands rideaux, aux coins sombres de la maison dans
la pièce de mes jeux. Et au dehors, dans la campagne, quelle
fascination le ciel exerça sur moi ! [
] Je ne vivais quen
moi, avec une répulsion pour tout effort physique. Ces
années le marquèrent à jamais. Après sêtre
définitivement installé à Paris en 1872, il continua
à se rendre tous les ans à Peyrelebade. Il y réalisait
ses Noirs, fusains et lithographies, aux sujets si étranges.
Il lui était toujours difficile den repartir. Aussi, lorsquen
1897, le domaine, dont les profits déclinaient depuis de nombreuses
années, fut vendu, Redon fut-il profondément touché,
au point de se brouiller avec le reste de sa famille. Cest probablement
lors de son dernier séjour, davril à novembre 1897,
que Redon réalisa cette petite toile représentant la bâtisse
de Peyrelebade. Comme ses nombreuses études de paysage, elle
resta dans son atelier jusquà sa mort. La clarté
de la palette rappelle que les impressionnistes ont révolutionné
depuis une vingtaine dannées lappréhension
du paysage en France. Le traitement palpitant des arbres et les aplats
de couleurs du mur et du ciel, traduisant la franchise de la lumière
du sud, évoquent luvre de Camille Corot, que Redon
admirait et quil avait rencontré en 1864.
Texte : Cécile Thézelais
|