Phocion (402-318 av. J.-C.) est un général athénien condamné injustement par ses ennemis et contraint au suicide. Son histoire nous est rapportée par Plutarque (Vies des hommes illustres, XVIII). Etant de surcroît interdit de sépulture dans la cité, son corps fut emporté hors d’Athènes par deux de ses amis jusqu’à Mégare, où ils le brûlèrent sur un bûcher.
C’est ce passage que Nicolas Poussin choisit de représenter ici, consacrant un autre tableau en pendant à la suite du récit : la veuve de Phocion cachant les cendres de son défunt époux pour les ressortir au moment de sa réhabilitation. Il semble que Poussin soit le premier artiste à avoir traité ce sujet rare. Il est possible qu’il ait voulu faire écho au contexte politique français du moment, comparant les troubles de la Fronde à la situation d’Athènes.
Il vante en tout cas la conception stoïcienne de l’existence, dans laquelle le héros antique affronte l’adversité avec humilité et résignation, sans blâmer ses contemporains. Le paysage dans lequel prend place le récit est d’une ampleur exceptionnelle. Plus que jamais auparavant, l’artiste applique les mêmes principes rigoureux de composition que ceux qu’il emploie pour sa peinture d’histoire. Simple et idéale, la représentation de la nature obéit à un équilibre quasi mathématique. L’héroïsme du paysage ajoute à l’héroïsme du malheureux Phocion, accentuant encore l’injustice
Texte : Guillaume Kientz pour l'exposition Nature et idéal, le paysage à Rome 1600-1650