Picasso acheva Meneur de cheval nu au printemps 1906, au moment où il rencontrait Matisse. Ses efforts tendaient alors à affranchir son uvre de la sentimentalité d'inspiration romantique des premières représentations de saltimbanques, pour lui infuser la force hiératique et la gravité de la sculpture grecque archaïque.
Cette scène aux tonalités sombres traduit un rejet délibéré des couleurs vives qui étaient alors la marque distinctive de Matisse. L'uvre fut acquise par Leo et Gertrude Stein, chez qui, à Paris, les deux artistes avaient eu souvent, avant la Première Guerre mondiale, l'occasion de confronter leurs approches (voir : confrontation avec Le luxe 1 de Matisse).
Bien que conçue comme une étude pour un grand format jamais réalisé — L’Abreuvoir, qu’on ne connaît qu’à travers une étude à la gouache conservée au Metropolitan Museum of Art — Jeune garçon au cheval n’a rien d’une esquisse préparatoire.
De plus, bien que peint en 1905 - 1906, ce tableau grandeur nature aux tonalités neutres de bruns et de gris ne semble pas plus appartenir à ce que l’on appelle la «période rose» de Picasso pendant laquelle il est réalisé — et il ne fait pas ouvertement référence au monde du cirque, principal sujet traité par l’artiste durant ces deux années.
S’y manifeste plutôt le tour classique et sculptural que prend l’art de Picasso cet hiver-là. Au Louvre, Picasso regarde l’art grec ; les poses rigides et majestueuses de la sculpture classique le fascinent et trouvent ici un écho dans l’immobilité du garçon, la solennité de son expression et la noblesse de son geste d’autorité — le cheval obéit à son ordre sans rêne. Picasso est également profondément influencé par Paul Cézanne, dont il a vu le travail chez leur marchand commun, Ambroise Vollard et au Salon d’Automne de 1904. L’usage récurrent du brun et du gris pour les figures et le fond, la touche de pinceau exploratoire et les contours irréguliers de Jeune garçon au cheval sont tous dans l’esprit de Cézanne. De fait, la monumentalité et la frontalité du garçon ne peuvent se comprendre qu’en référence au Baigneur de Cézanne — peint dix ans plus tôt, exposé et vendu par Vollard et entré dans les collections du MoMA en 1934.