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(1797-1858)
Art japonais

Utagawa Hiroshige né en 1797 à Edo est un dessinateur, graveur et peintre japonais. Il se distingue par des séries d'estampes sur le mont Fuji et sur Edo (actuel Tōkyō), dessinant de façon évocatrice les paysages et l'atmosphère de la ville, en reprenant les instants de la vie quotidienne de la ville avant sa transformation à l'ère Meiji (1868-1912) notamment dans sa série majeure et ultime, Les Cent vues d'Edo (1856-1858).

La grotte d'Enoshima dans la province de Sagami   1832 New York, Metropolitan
Les tourbillons de Naruto dans la province d'Awa   1853 New York, Metropolitan
Cent vues d'Edo, table des matières cve n°0 1858 Boston, Musée des Beaux-Arts
Le pont de Nihonbashi : Éclaircie après la neige cve n°1 1856 Boston, Musée des Beaux-Arts
L'île Tsukuda vue du pont Eitaibashi cve n°4 1857 Paris, BNF
Suruga-chō cve n°8 1856 Washington, N. M. of Asian Art
La résidence aux pruniers à Kameido cve n°30 1857 Boston, Musée des Beaux-Arts
Le bosquet du temple Suijin, Uchikawa cve n°36 1857 New York, Metropolitan
Averse soudaine sur le grand pont d'Atake cve n°57 1857 New York, Metropolitan
Dans l'enceinte du sanctuaire Kameido Tenjin cve n°65 1856 New York, Metropolitan
Quai de bambou près du pont Kyôbashi cve n°76 1857 Boston, Musée des Beaux-Arts

Auteur prolifique, actif entre 1818 et 1858, il crée une œuvre constituée de plus de 5 400 estampes. Il est avec Hokusai, avec qui on le compare souvent — pour les opposer — l'un des derniers très grands noms de l’ukiyo-e et, en particulier, de l'estampe de paysage, qu'il aura menée à un sommet inégalé avant le déclin de la xylographie au Japon. Ses séries les plus connues, Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō (1833-1834), Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō (1842) et les Cent vues d'Edo (1856-1858), rivalisent en notoriété avec la célèbre série de Hokusai, les Trente-six Vues du mont Fuji.

Le style d'Hiroshige est cependant bien différent de celui d'Hokusai. Hiroshige se fait l'humble interprète de la nature, qui, à l'aide des moyens frustes de la gravure sur bois, sait exprimer comme à travers « une fenêtre enchantée » les délicates transparences de l'atmosphère au fil des saisons, dans des paysages où l'homme est toujours présent. La composition de ses œuvres est saisissante, caractérisée par une maîtrise subtile des couleurs franches — avec une dominante du vert et du bleu. Son sens du premier plan sera repris plus tard par Degas, et on le retrouvera en photographie. Peu après la réouverture forcée du Japon aux échanges avec l'Occident, c'est principalement à travers l'œuvre d'Hiroshige que le monde découvre vers 1870 l'étonnante originalité des arts graphiques dans ce pays. Le japonisme aura une influence déterminante sur les peintres impressionnistes et ensuite sur l'Art nouveau.

Les Cent vues d'Edo

La série Cent vues d'Edo est réalisée par Hiroshige entre 1856 et 1858 (années 3 à 5 de l'ère Ansei du calendrier japonais). Cette série diffère des deux autres,  Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō (1833-1834) et Les Soixante-neuf Stations du Kiso Kaidō (1842), sur plusieurs points, et en particulier, par le recours à des gravures cadrées verticalement, et non plus exclusivement horizontalement. Elle comprend un total de 119 estampes de paysages et de monuments d'Edo, l'ancien nom de Tokyo.

Ce projet est l'un des plus ambitieux et des plus révélateurs de la production de cet artiste. Au moment d'entreprendre ce travail, Hiroshige est à l'apogée de sa carrière. En 1856, il reçoit alors une commande de Sakanaya Eikichi, un éditeur qui veut refléter les changements à Edo après le tremblement de terre de 1855  qui provoque de grandes destructions, cause la mort de 10 000 personnes et la destruction de 16 000 bâtiments.

Hiroshige met en œuvre cette idée dans plus d'une centaine des points de vue les plus connus et pittoresques de la ville. Ces "vues d'Edo" sont accueillies avec beaucoup de succès, chaque gravure connaissant un tirage de 10 000 à 15 000 exemplaires.  En 1853, le blocus naval du commodore américain Matthew Perry avait contraint l'empereur à ouvrir le Japon à l'Occident néanmoins  l'artiste meurt avant qu'Edo bascule avec la fin du shogunat Tokugawa, et que le progrès et la modernité progressent rapidement et détruisent les coutumes et les traditions du Japon. Son œuvre apparaît ainsi comme l'un des  derniers grands témoignages d'Edo à son apogée.

La série est réalisée au format ōban, grand format, environ 39,5 cm × 26,8 cm et utilise la technique nishiki-e, un type de chromoxylographie introduit  en 1765 qui permet la gravure en couleur. En accord avec les règlements du gouvernement, il doit ajuster son travail pour être accepté par la censure. En effet, selon un édit de 1790, toutes les publications doivent se conformer à la politique de limitation du luxe et ne pas contenir de matériel politiquement sensible, et ce à différents stades.

La première année, 1856, Hiroshige présente 37 estampes ; en 1857, 71, et en 1858, l'année de sa mort, 7. Ces cent quinze gravures sur bois sont achevées en octobre 1858. La série, publiée uen prmière fois en juillet 1858 est malheureusement interrompue par la mort de l'auteur lors d'une épidémie de choléra. Finalement, quelques-unes des estampes qui ne devaient jamais être achevées par le maître l'ont été par son élève, Utagawa Hiroshige II avec trois autres impressions — approuvés par les censeurs — après la mort de Hiroshige, probablement exécutées par Hiroshige II à la demande de l'éditeur. Puis la réalisation de l'index est confiée à Baisotei Gengyo (1817-1880), dessinateur de couvertures réputé. Enfin, en 1859, Hiroshige II fait une dernière feuille pour célébrer sa promotion au grade de maître, avec le sceau de la censure en avril 1859.

En règle générale, toutes les estampes contiennent trois cartouches : dans le coin supérieur droit, en rouge le titre de la série (Meisho Edo hyakkei) au même format qu'une poésie tanzaku ; à côté, le titre de chaque estampe au format d'une feuille de poésie shikishi, et dans le coin inférieur gauche, également en rouge ou parfois en jaune, le nom de l'auteur, Hiroshige. En dehors du cadre de l'image, en bas à gauche, apparaît fréquemment le sceau de l'éditeur, Sakanaya Eikichi, avec parfois son adresse (Shitaya Shinkuromonchō), parfois abrégé en « Shitaya Uoei » (qui correspond à Uoya Eikichi, autre nom sous lequel l'éditeur est également connu). Également en dehors du cadre, dans le coin supérieur droit, est habituellement placé le sceau de la censure, aratame (« examiné »), généralement avec la date représentée par le signe de l'année. 1856 était l'année du dragon (tatsu) ; 1857, l'année du serpent (hebi) et 1858, l'année du cheval (uma). Hiroshige se réserve une certaine flexibilité dans le placement des cartouches selon les axes dominants de la composition.

Les estampes sont groupées selon les saisons de l'année comme l'indique l'index : 42 estampes pour le printemps, 30 pour l'été, 26 pour l'automne et 20 pour l'hiver.

Les titres abrégés des estampes sont rangés par saison : deux boîtes en haut pour les estampes du printemps, une boîte en forme d'éventail celles de l'été, une boîte en bas à droite celles de l'automne et une boîte en bas à gauche les estampes de l'hiver.

Dans ces images, Hiroshige décrit avec précision les paysages, mais au travers du prisme de l'émotion, en interprétant subjectivement la réalité. Malgré une volonté de précision topographique, l'artiste n'hésite pas à altérer les détails secondaires du réel pour des raisons artistiques ; fidèle à sa recherche de l'émotion, il modifie quelque peu l'approche japonaise traditionnelle presque holiste de la nature en adoptant le point de vue émotionnel de l'humain qui contemple le paysage. Chaque estampe comprend généralement de petites figures humaines immergées dans la grandeur de leur environnement, ainsi que des animaux et de simples objets anecdotiques, parfois avec un certain ton satirique et humoristique comme les deux bras et jambes poilus au premier plan de la planche 72. Le peintre mêle ainsi paysage, nature morte et scène de mœurs pour mieux disposer le spectateur à percevoir la scène.

L'auteur représente les paysages dans des cadrages insolites qui favorisent un certain sens de la perspective, bien que cela se fasse sans l'aide de la perspective occidentale linéaire que cependant il connaît, et utilise occasionnellement, en particulier dans la reconstitution du théâtre kabuki. Dans la série, Hiroshige utilise principalement deux types de compositions : paysages représentés depuis un point de vue naturel, et vues décoratives, où il occupe le premier plan par un objet quelconque, reléguant le paysage au second plan. Un tiers environ des estampes sont conçues selon ce procédé, les autres paysages conservant la perspective traditionnelle japonaise dite à vol d'oiseau, c'est-à-dire des paysages vus à partir d'un point de vue éloigné en hauteur. Ce sont ces vues décoratives très expressives qui suscitèrent l'admiration des peintres impressionnistes. Le premier plan surdimensionné permet de cadrer la scène et de guider l’œil vers le paysage en arrière-plan, ainsi que de créer une opposition entre deux plans qui donne une expression plus dynamique, contrastée et tendue à l'ensemble, ce que renforcent le format vertical et les forts contrastes de couleurs. Il se crée de cette façon une « illusion de l'espace », une profondeur aidant à lire le paysage

Ressource internet : Utagawa Hiroshige

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