Issu d’une famille de mélomanes, Edgar Degas est un habitué de l’Opéra : il apprécie les différentes formes artistiques qui y sont représentées, mais, en dépit de son amour pour l’art lyrique, les chanteurs et les scènes d’opéra lui inspirent très peu d’œuvres, tandis qu’il consacre aux musiciens un cycle de peintures et aux danseuses un très grand nombre d’œuvres, aussi variées dans leurs thèmes que dans les techniques employées.
Degas commence à s’intéresser au monde de la danse dans les années 1860, mais ce n’est qu’en 1874 qu’il présente pour la première fois, à la première exposition des peintres impressionnistes, une œuvre consacrée au ballet : cette Répétition d’un ballet sur la scène. Il montre le travail des danseuses sur la scène, avec un fort contraste, fascinant de réalisme, entre les attitudes gracieuses des ballerines en action dans le fond et les poses inélégantes des danseuses au repos au premier plan. La peinture en camaïeu crée une atmosphère lunaire qui n’est pas sans évoquer les ballets blancs, symboles du romantisme tel Giselle et La Sylphide.
Degas observe la scène en léger surplomb, de côté, le regard se focalisant sur l'espace délimité par la rampe. A la légèreté des ballerines dansant s'opposent les gestes relâchés de celles qui attendent, à gauche.
La mince couche de peinture, devenue encore plus transparente avec le temps, laisse voir à l'oeil nu les repentirs du peintre. Les jambes de certaines danseuses au repos ont été retouchées. Au milieu de jeunes femmes se tenait un maître de ballet vu de dos. Enfin, près de l'homme assis, un autre personnage était affalé sur une chaise.
Cette peinture en grisaille est immédiatement remarquée lors la première exposition impressionniste en 1874. Le peintre Giuseppe De Nittis écrit ainsi à l'un de ses amis : "je me rappelle un dessin qui devait être une répétition de danse [...] et je vous assure qu'il est extrêmement beau : les robes de mousseline sont si diaphanes et les mouvements si véridiques qu'il faut le voir pour s'en faire une idée ; le décrire est impossible". Comme De Nittis, beaucoup de critiques voient dans cette oeuvre un dessin plutôt qu'une peinture. Il faut dire que Degas saisit les nuances les plus délicates en jouant sur les dégradés. Il invente ce ton neutre, laiteux, tandis que l'éclairage brutal fait émerger les tutus blancs lumineux qui rythment la composition.
De toutes les scènes de danse réalisées par Degas, la monochromie de cette toile diffère radicalement des véritables "orgies de couleurs" éclaboussant les oeuvres plus tardives. Elle s'explique sans doute par le fait que Répétition d'un ballet devait servir de modèle à un graveur.