Le romantisme nait en Angleterre à la fin du XVIII en réaction face aux certitudes du siècle des lumières. Cette rupture dans la tradition comme la nomme Gombrich n'est encore qu'un préromantisme assimilable au style néo-gothique. C'est en France avec Hugo, Géricault et Delacroix que le romantisme trouve son plein épanouissement. Dans sa préface de Cromwell (1827), considérée comme un manifeste du romantisme, Hugo conteste au beau idéal son droit quant à l'exclusivité en tant qu'objet du grand art. La muse moderne voit, selon lui, que "le laid (..) existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien". Le sentiment romantique se répand alors à travers toute l'Europe et jusqu'aux Etas-Unis.
I - Le pré-romantisme dans l'Angleterre du XVIIIe
Au début du chapitre "Rupture dans la tradition" de son Histoire de l'art, Ernst Gombrich évoque "la fin des certitudes admises durant des siècles dont l'aube coïncide avec la révolution de 1789 (...) Auparavant, le style du temps c'était tout simplement la manière courante dont on travaillait, manière qui reflétait le goût général adopté. Avec le siècle nouveau, on commença à se poser des questions sur le style et sur les styles. Beaucoup d'architectes étaient encore convaincus que les règles établies par Palladio étaient les garanties d'un style correct. Mais dès l'instant que l'on consulte des manuels, en de tels manières, il se trouvera inévitablement quelqu'un pour dire : "Mais pourquoi précisément le style de Palladio ?".
C'est ce qui arriva en Angleterre au cours du XVIIIe siècle. Certains connaisseurs parmi les plus raffinés voulurent se distinguer des autres. Le type de ces gentlemen qui occupaient leurs loisirs à méditer sur des questions de style et de bon goût, c'est Horace Walpole, le fils du grand homme d'état. Il trouva ennuyeux de voir sa maison de campagne ressembler à n'importe quelle correcte villa palladienne. Il avait le goût de l'étrange, du romantique; il était célèbre pour son humeur fantasque. C'est dans cet esprit qu'il décida de faire bâtir Strawberry Hill dans un style gothique, comme un château de d'un passé légendaire. Lors de sa construction vers 1770, la demeure passa pour la bizarrerie d'un homme qui voulait faire montre de son gout de l'archéologie ; mais, à la lumière de ce qui se fit plus tard, c'était en fait bien davantage. C'était la première manifestation d'une attitude nouvelle à l'égard du style : on choisira bientôt le style d'un édifice comme on choisit le dessin d'une tenture murale."
Cet univers qui se construit à la fin du XVIIIe siècle en Angleterre dans les romans gothiques séduit le public par son goût du mystère et du macabre. Les arts plastiques emboîtent rapidement le pas : les univers terribles ou grotesques de nombreux peintres, graveurs et sculpteurs de toute l'Europe rivalisent avec ceux des écrivains : Goya et Géricault nous confrontent aux atrocités absurdes des guerres et naufrages de leur temps, Füssli et Delacroix donnent corps aux spectres, sorcières et démons de Milton, Shakespeare et Goethe, tandis que C.D. Friedrich et Carl Blechen projettent le public dans des paysages énigmatiques et funèbres, à l'image de sa destinée.
Dans les années 1930, l'écrivain et historien d'art italien Mario Praz (1896-1982) a mis en valeur pour la première fois le versant noir du romantisme, désignant ainsi un vaste pan de la création artistique qui, à partir des années 1760-1770, exploite la part d'ombre, d'excès et d'irrationnel qui se dissimule derrière l'apparent triomphe des lumières de la Raison.
Les écrivains et les artistes s'intéressent en effet aux catacombes, aux cimetières, aux enterrements, aux naufrages, aux martyres et aux orphelins. Ils découvrirent dans ceux-ci une beauté nouvelle, qui manquait à l'antique préalablement porté aux nues. La Divine comédie de Dante eut un vif suces avec son inferno peuplé de sombres figures ; les drames de Shakespeare qu'encore Voltaire avait qualifié de barbares et Le paradis perdu de John Milton devinrent incontournables, tandis que Goethe avec son Faust se révéla en prise directe avec son époque.
II - La dimension politique du romantisme dans la France du XIX.
Dans sa préface de Cromwell (1827), considérée comme un manifeste du romantisme, Hugo conteste au beau idéal son droit quant à l'exclusivité en tant qu'objet du grand art. La muse moderne voit, selon lui, que "le laid (..) existe à côté du beau, le difforme près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien".
Les romantiques n'hésitent plus à montrer des scènes violentes, propres à bousculer le public, quitte même à s'inspirer, comme dans le cas du Massacre, de la réalité la plus brutale. Le spectateur, à bonne distance et en sécurité, a plaisir à regarder l'uvre tout en frémissant d'horreur à la vue de la petitesse de l'être humain face à la grandeur de la nature. Comme en littérature et en musique, la peinture romantique se caractérise par son goût pour la dramatisation. Le Massacre de Scio, a scandalisé tout autant par la crudité des couleurs employées que par le sujet.
III - Le sentiment romantique
Dans la Fusillade du 3 mai 1808,
Goya dramatise son sujet en jouant sur le contraste entre la lumière
où se trouvent les paysans espagnols et les ténèbres
où sont rejetés les oppresseurs, les soldats de l'armée
napoléonienne. Les attitudes physiques des Espagnols sont particulièrement
expressives, l'un rejetant ses bras en l'air alors qu'un autre a la tête
entre les mains. Les taches de couleurs (cf. le pantalon jaune, la chemise
blanche, ainsi que le rouge du sang) accentuent encore la puissance de la
toile.
De nouvelles voies sont également explorées par Caspar David Friedrich. Avec La mer de glace, le sujet, un navire écrasé par des glaces, est difficile à percevoir ce qui met au contraire en valeur le jeu des brisures et des heurts. La Femme à la fenêtre, elle, peut donner l'impression d'une simple scène de genre mais, ce que la femme regarde nous étant invisible, une impression de mystère se dégage de l'uvre.
Un romantisme équivalent se développe aux Etats-Unis avec le mouvement dit L'Hudson River School qui regroupe plusieurs peintres américains travaillant des années 1820 aux années 1870. L'expression n'a toutefois été forgée qu'en 1879 et tente de s'imposer comme le premier mouvement pictural né aux États-Unis alors qu'il est l'incarnation d'un sentiment romantique ressenti également en Europe. La spécificité du mouvement américain, et notamment l'importance accordé au paysage, est néanmoins certaine.
Thomas Cole (1801-1848) s'installe à Catskill (état de New York) en 1836, bientôt imité par d'autres peintres et est considéré comme le fondateur de l'école de l'Hudson. Les peintres de la première génération s'attachent à représenter la vallée de l'Hudson River et ses alentours, mais aussi les Catskill Mountains, les Adirondacks et les montagnes Blanches, dans le Nord-Est des États-Unis. Ils figurent essentiellement des paysages sur de grands formats. Ils appliquent la philosophie du Sublime. Ils pensent que la Nature est la manifestation de la puissance et de la bonté divine. Les paysages préservés des États-Unis sont comparés au Paradis originel.
Après la mort de Thomas Cole en 1848, Asher Brown Durand (17961886) prend la tête du mouvement. Peintre d'origine allemande, Albert Bierstadt (1830-1902) est le dernier représentant de l'Hudson River School. En 1858, il participa à l'expédition du colonel Frederick W. Lander dans les Montagnes Rocheuses. Il retourna dans cette région en 1863 et en 1871-1873. Ses paysages de l'Ouest américain sont détaillés, grandioses parfois écrasants.
Frederic Remington et Charles Marion Russel sont ensuite de grands illustrateurs de l'ouest américain
IV En architecture, le romantisme réhabilite le gothique : le néogothique.
Après le néo-classique, le néogothique fait son apparition, particulièrement en Angleterre suivie par les États-Unis dans les années 1840. Les innovations techniques permettant aux constructions de s'affranchir de certaines contraintes qui dictaient leur forme, une nouvelle architecture réinterprète son patrimoine historique.
La construction d'édifices caractéristiques de l'architecture gothique n'avait pas complètement cessé au XVIe siècle, tant en Angleterre (à Oxford), qu'en France (à Tours) ou en Italie (à Bologne). En Angleterre, l'architecte baroque Christopher Wren construisit la Tom Tower pour le collège de Christ Church (Oxford) et son étudiant Nicholas Hawksmoor ajouta les tours occidentales à l'abbaye de Westminster, toutes en style gothique en 1722. Le néo-gothiquee est utilisé pour les bâtiments nouveaux comme les gares (Gare de Saint-Pancras à Londres), les musées (musée d'histoire naturelle de Londres, Smithsonian Institution) et le palais de Westminster. À la suite d'Oxford, ce style connaît un grand succès dans les universités américaines, telles que Yale ou pour La cathédrale Saint-Patrick de New York (James Renwick Jr. 1885-1888). Le succès du néo-gothique se prolongea jusqu'au début du XXe siècle dans de nombreux gratte-ciel, notamment à Chicago et New York.
S'inspirant des travaux de recherche de Jean-Baptiste-Antoine Lassus et d’Eugène Viollet-le-Duc, de nombreux édifices, notamment religieux, imitent le style médiéval : à Paris un exemple fameux est l'église Sainte-Clotilde. Dès 1840, la basilique Notre-Dame de Bonsecours près de Rouen, inaugure l'ère des églises néogothiques, suivie de peu à Nantes par l'église Saint-Nicolas. Suivent, entre autres, le Sacré-Cœur de Moulins dans l'Allier, l'église Saint-Vincent-de-Paul (Réformés-Canebière) à Marseille, l'église Saint-Paul de Strasbourg sans oublier la finition de cathédrales jamais achevées comme à Moulins et surtout à Clermont-Ferrand avec ses hautes flèches. En Allemagne, le sanctuaire de la cathédrale de Cologne fut achevé de 1842 à 1880. En Espagne, le monument le plus célèbre s'inspirant de l'héritage gothique tout en s'en démarquant très nettement dans le style organique propre à Gaudi est probablement la Sagrada Família à Barcelone.
V - Conclusion
La peinture romantique a imposé de nouveaux thèmes comme l'exotisme et a renouvelé l'intérêt des artistes pour la nature. Il a aussi accordé, une importance accrue aux couleurs. Mais c'est sans doute en faisant du peintre un visionnaire, un créateur au sens plein du terme, que le romantisme a ouvert la voie menant à l'art moderne.
Baudelaire, dans Le salon de 1846, peut ainsi faire du romantisme l'art moderne par excellence : "Le romantisme n'est précisément ni dans le choix des sujets ni dans la vérité exacte, mais dans la manière de sentir. Ils l'ont cherché en dehors, et c'est en dedans qu'il était seulement possible de le trouver. Pour moi, le romantisme est l'expression la plus récente, la plus actuelle du beau(...) Qui dit romantisme dit art moderne, c'est-à-dire intimité, spiritualité, couleur, aspiration vers l'infini, exprimées par tous les moyens que contiennent les arts. "