Le dimanche 29 septembre, François Dupeyron présentait
Mon âme par toi guérie au Café des Images.

Barthelemy Guillemet et Geneviève Troussier accueillent François Dupeyron
pour une projection et un débat en salle coupole

Le film est adapté du roman du réalisateur "Chacun pour soi, Dieu s'en fout". Ce roman est bâti sur une seule idée, celle d'un type qui a un don. Celui qui est seul au comptoir et qu'on ne voit pas va guérir par les autres, les femmes, alors qu'il est guérisseur. Il s'agit de trouver l'autre qui vous fait du bien. Une première fois, l'avance sur recette a rejeté le film à cause du titre qui paraissait mal choisi. Dupeyron l'a donc changé mais c'est surtout de rester vivant entre l'écriture et la réalisation qui lui importe.

Le non réalisme va de pair avec l'ailleurs des images. Dupeyron s'appuie sur du réel mais pas sur de savoir-faire qui lui dirait ce qu'il doit faire. "J'écris à partir de mes rêves depuis 1988, tous les matins, une heure au moins et parfois beaucoup plus (...). Le maitre des rêves au cinéma, c'est Bergman avec Les fraises sauvages. Le rêve colle avec le cinéma. On a bien reçu le cinéma parce qu'on se fait notre cinéma tous les matins.

Les acteurs sont ceux-là parce que d'autres ont dit non. Grégory devait d'abord jouer l'homme à l'hémorragie. Le film était presque à l'eau lorsque Dupeyron a eu l'idée de le reconstruire à partir de lui : "Les scenarios agissent comme des aimants. Il faut être mou : partir d'une idée, un type qui a un don, puis laisser venir, comme un peintre".

Dupeyron ne découpe pas, en relit pas le scenario avant de tourner car il le connait par cœur. Il choisit un décor, d'abord parce qu'il s'y sent bien et laisse aussi les acteurs y trouver leur place et les rapports entre eux. Ce n'est qu'ensuite qu'il tente de trouver la bonne distance pour filmer avec Angelo, le chef opérateur et le quasi double du réalisateur. La caméra n'est jamais sur pied. Il s'agit de regarder, d'essayer puis de faire quelque chose. Autrement, on filme de l'action ce qui n'a pas d'intérêt. "Ce qui m'intéresse c'est ce qui s'échappe de moi, pas le savoir des autres". Les décors sont très marqués : mobil-home et villa baroque mais le sujet du film n'est ni la pauvreté ni la recherche. Il n'a ainsi que peu d'intérêt pour l'efficacité de la guérison par l'apposition des mains. Cela aurait pu être le cas si le héros travaillait dans la recherche mais là, il s'agit juste d'un type qui a un don.

La guérison se fait par l'apposition des mains mais aussi par l'usage des mots qui bouleversent le champ de connaissance des gens. La figure du père est importante, plus apaisée que dans ses premiers films. Il avait pendu le père dans un premier court-métrage puis, dans un film dans une ferme, il avait cette fois employé son père comme acteur... pour le pendre encore.

Le thème de l'enfance avec l'accident, sa fille, la petite à la leucémie, les enfants de Janette, le sourire d'enfant est plus important et peut-être plus basique encore le jeu avec le trou, le vide et ce par quoi on le remplit, la bière par exemple ou l'alcool. Bertrand Blier avec qui on le compare parfois va jusqu'à l'absurde. Lui ne pousse pas trop loin le thème de la femme abandonnée. Lorsqu'il fait entendre Nina Hagen, future is now, il y a bien sur la poésie et la rage contre le monde mais il y a ensuite le silence après le vacarme qui crée un état d'écoute propice au monologue. La question qui compte c'est "Est-ce que tu as reçu le film ?", bien plus importante que "Est-ce tu as vu le film ?"

 

Jean-Luc Lacuve le 6/10/2013.