Quinze chapitres illustrés de photos de film et de tournage, de nombreux dessins inédits de Tim Burton qui donnent au lecteur les clefs de son univers féerique et coloré. Antoine de Baecque retrace la genèse, les conditions de tournage et la réception publique des films de Tim Burton. Il s'attache aussi et surtout à définir la mise en scène du réalisateur.

L'envers de la normalité

Jeune dessinateur de chez Walt Disney, s'acharnant à animer les séquences les plus "mignonnes" de Rox et Rouky, Tim Burton va devenir l'une des révélations majeures du cinéma contemporain. Inventeur d'Edward aux mains d'argent, de Beetlejuice, de l'Etrange Noël de Mister Jack, réalisateur d'Ed Wood, Mars Attacks, Sleepy Hollow, Big Fish, ou encore Charlie et la chocolaterie, Les Noces funèbres et Sweeney Todd, Tim Burton a su faire coïncider son univers personnel avec quelques-unes des figures majeures du cinéma américain récent, créateur de la série des Batman. L'excentricité du talent n'est pas incompatible avec les responsabilités quasi industrielles des budgets hollywoodiens d'aujourd'hui.

C'est ce paradoxe qui fonde le cinéma de Tim Burton. Car voici un cinéaste chez qui les émotions sont le moteur de la création : un projet, même passé par des dizaines de scénaristes de studio, ne peut l'intéresser que s'il offre des liens émotionnels forts avec sa propre personnalité, avec son univers, sa vie ou sa psyché intime. Les succès de Tim Burton n'ont pas compromis la personnalité du cinéaste, confirmant au contraire sa stratégie de contrebandier : il demeure l'un des rares cinéastes hollywoodiens à pouvoir concilier tous les publics, des adolescents à la critique, des movies fans aux artistes les plus conceptuels.

Burton a mis sa puissance visionnaire au service d'un univers excentrique, poétique : il filme l'envers, morbide, fantastique, et néanmoins magique de la normalité occidentale, forge son univers à partir de ses visions graphiques, ses décors gothiques, ses masques de terreur, ses grimages sensuels. Il déborde l'espace traditionnel de la mise en scène. Tim Burton est une sorte de voyant au pays du film industriel, un artiste qui regarde autant vers la poésie que vers le cinéma.

 

Une fabrique plus qu'une mise en scène

Pour Antoine de Baecque, le cinéaste préfère les personnages aux histoires et la composition d'un univers à la mise en scène. Ce n'est pas le récit chez Burton qui entraîne les personnages, ce sont ces derniers qui, par leurs croisements, leurs oppositions, leurs alliances, leurs jeux communs ou contradictoires, déterminent une narration qui tient entièrement à ce qui leur arrive. De même la caméra burtonnienne n'organise pas le monde selon ses déplacements précis, rigoureux ou virtuoses mais c'est bien davantage l'univers créé de toutes pièces par le cinéaste qui ordonnance une mise en scène souvent réduite à un simple enregistrement des affects de l'imagination (...) Par provocation, on pourrait dire que Tim Burton est davantage accessoiriste que metteur en scène, maquilleur que dramaturge... Son rapport au monde n'est pas celui d'un metteur en scène qui recréer son propre réalisme par la composition des plans, l'ordonnancement de la mobilité de la caméra ou sa fixité (...) Tim Burton déplace en quelque sorte le travail décisif vers l'étape créatrice précédente, clé de la conception des personnages, des lieux, des fables, ce que l'on pourrait appeler la fabrication du film et de son atmosphère (...) Si bien qu'au terme de mise en scène, qui peut définir classiquement le travail essentiel du cinéaste, on préférera celui de fabrication : c'est la fabrique de Tim Burton (p. 37).

 

Un cinéaste mental

Cette préparation avant la mise en scène suffirait à classer Tim Burton dans les cinéastes mentaux. Ce que vient confirmer l'importance des génériques : le rôle du carnaval et les relations entre personnages. Batman et le Joker sont deux énergies mentales complémentaires. Le joker est la lumière folle du film alors que Batman est son ombre mélancolique .

 

Retour à la page d'accueil

Tim Burton
Editions Cahiers du Cinéma : collection Albums (2005, augmentée en 2008). 208 pages au format : 19,5 x 22 . 350 photos. 35 euros.
Antoine de Baecque