Entre 1959 et 1984, trois cents entretiens avec François Truffaut ont paru dans la presse française et anglo-saxonne. C'est l'ensemble de ces textes qu'Anne Gillain, professeur à l'université de Boston et auteur de l'excellent : François Truffaut le secret perdu, a réunis dans ce volume.
Les sources sont indiquées en fin de volume mais Anne Gillain découpe les entretiens pour les présenter par film et en regroupant tous les entretiens d'une même année sans mentionner alors l'origine.
Domicile conjugal
p. 268 : Depuis quelques années, je suis influencé par Lubitsch dont je regarde les films de très près, étant passionné par cette forme d'esprit très particulière qui se perd après avoir eu extrêmement d'importance à l'époque sur Leo McCarey notamment et Hitchcock. Cela consiste à arriver aux choses de manière extrêmement détournée et à se demander : étant donné que l'on a telle situation à faire comprendre au public, quelle sera la manière la plus indirecte, la plus détournée de la présenter ? (Entretien de 1970)
p. 274 : J'ai voulu faire La peau douce pour monter que l'amour est quelque chose de beaucoup moins euphorique, exaltant. Mais l'échec de ce film avait de nouveau créé chez Truffaut "une insatisfaction et Domicile conjugal a été une réponse à La peau douce. Le second est comme il l'explique, un remake gai du premier "Et puis finalement Domicile conjugal a été terminé et, à ce moment là, j'ai trouvé qu'il était triste lui aussi… Quand on touche à l'adultère, ce n'est pas gai et, pour faire une chose gaie, il faut mentir comme dans certaines comédies américaines. (Entretien de 1974)
p. 275 : J'avais une fin heureuse, mais l'on voit que Jean-Pierre Leaud se comporte comme se comportait avant le chanteur d'opéra, c'est à dire qu'il prend le manteau et le sac à main de sa femme et les jette dans l'escalier ; il est devenu un mari comme celui-ci. Mais je veux contrebalancer ça, monter que ce n'est pas très grave, alors je fais dire à la voisine, le femme du chanteur : "Tu vois chéri, ils sont comme nous, maintenant ils s'aiment vraiment" mais je ne veux pas non plus finir là-dessus, je montre le chanteur qui fait la grimace, qui dément ce que dit sa femme, c'est-à-dire que chaque plan contredit celui d'avant dans cette fin où l'on monter successivement deux indices heureux et deux indices malheureux. (Entretien de 1974)
p. 321 : Lubitsch ne cherche pas à ce que l'on croit à l'histoire. Il nous prend par la main et démonte systématiquement tous les mécanismes qu'il met en branle. Il nous raconte une histoire et fait une blague toutes les deux minutes pour nous montre' qu'il nous raconte une histoire.
Editeur : Flammarion. Collection : Cinémas. 454 pages. 25 €.