Table des matières :
Les mystères du « grand Momo » (p. 7 à 10)
1 . Jeunesse de Maurice Schérer 1920-1945 (p.11 à 32)
2 . De Schérer à Rohmer 1945-1957 (p. 33 à 96)
3 . Signe du Lion 1959-1962 (p97 à 112)
4 . Sous le signe des Cahiers 1957-1963 (p113 à 154)
5 . Le temps du laboratoire 1963-1970 (p. 155 à 194)
6 . Quatre contes moraux 1966-1972 (p. 195 à 234)
7 . De l'Allemagne et du goût d'enseigner 1969-1994 (p. 235 à 276)
8 . Sur les traces de Perceval 1978-1979 (p. 277 à 288)
9 . Six comédies et proverbes 1980-1986 (p. 289 à 338)
10. Rohmer des villes et Rohmer des champs 1973-1995 (p. 339 à 384)
11. Au rythme des saisons 1989-1998 (p. 385 à420)
12. Filmer l'histoire 1998-2004 (p. 421 à 458)
13. Un conte d'hiver 2006-2007 (p. 459 à 478)
14. En souffrance 2001-2010 (p. 479 à 490)
Notes (491 à 542), Filmographie (543 à 566), Bibliographie sélective (567 à 584), Index (585 à 602), Remerciements (603-604).
Prises de Notes
(p.289) Six comédies et proverbes
C'est aussi un cadre rassurant pour lui et d'éventuels financeurs. Ces nouveaux contes sont au théâtre ce que les Contes étaient à la littérature. Plus de récit à la première personne, de commentaire off, mais un dialogue qui semble pris sur le vif, écrit spécialement pour de très jeunes comédiens.
Fini donc, le commentaire en voix off qui maintenait avec les figures des contes moraux une certaine distance littéraire. Dépassé le dédoublement (parfois un peu systématique) entre un langage analytique et une image qui ne cessait de la faire mentir. Les protagonistes des comédies et proverbes seront montrés à la fois en situation et en représentation. Tour à tour auteurs, acteurs et spectateurs de leur vie sans que le vrai se laisse distinguer du faux aussi aisément que naguère; Il refuse d'annoncer le nombre et le thème des films en chantier comme il le fit pour les contes moreaux. Aux intellectuels discoureux et dominateurs que mettent en scène la collectionneuse ou le genou de Claire se substitueront des jeunes gens en devenir ou des femmes en mal d'amour au profit d'une humanité nettement moins flamboyante mais beaucoup plus attachante.
Sur Les nuits de la pleine Lune (p.317 à p.324)
Thème de la rêverie qui est la réponse de l'adolescence à cette angoisse du choix qu'implique l'âge adulte
Le rêverie se développe selon trois stades qui se complètent. Rêver à une autre vie que la sienne: c'est l'état où cherche à se maintenir le personnage féminin en se créant un jardin secret parisien ou elle peut songer à des rencontres encore possibles, au son d'une douce rengaine de Lucienne Boyer (L'étoile d'amour). Et en revenant à la conjugalité délaissée, pour peu que la garçonnière se referme sur un banal adultère (c'était déjà la conclusion de l'amour l'après-midi). Rêver également, aux images de l'autre qui émergent dans le lointain. Elle se fait tout un cinéma à partir d'une silhouette entrevue, celle de son compagnon croisé possiblement avec sa meilleure amie au hasard d'un bistrot. Dans cette seconde étape de la rêverie, elle est assistée d'un confident, dont les hypothèses tendancieuses achèvent d'orchestrer le délire d'interprétation.
La troisième étape est la plus passionnante: c'est celle qui consiste à mettre en scène la vie d'autrui, toute en ayant l'air de s'inscrire en retrait. "Tu peux trouver mieux : une personne, par exemple, qui ait envie d'être ave toi tout le temps. Et, si tu la trouves, si tu l'aimes, je te jure, je saurai m'effacer. Mais j'aurai beaucoup de chagrin beaucoup." Pour que cette prédiction s'accomplisse à la lettre, il faudra que son auteur elle-même puisse l'oublier. Et qu'elle vive comme un coup du sort ce qui n'est qu'un effet de sa volonté.
Pascal Ogier choisit la décoration dont les Mondrian et la colonne antique ainsi que les costumes. Elle a choisi son prénom et s'est totalement identifié au personnage au point, qu'à la fin, elle pleure naturellement. Elle meurt le 25 octobre 1984; depuis deux mois le nuage d'euphorie où le succès des Nuits de la pleine lune. La vielle lors d'une fête au Palace, elle aurait consommé des stupéfiants alors qu'elle avait décroché depuis quelques temps. Dans la nuit, un malaise cardiaque et son partenaire qui tarde à appeler le Samu. Rohmer est dévasté par cette disparition. Il conduit les obsèques comme s'il était le veuf et le père de Pascale. Avec la mort de Paul Gégauff, assassiné à coups de couteau par sa femme, et la mort de François Truffaut, c'est une période qui se ferme pour Rohmer qui recrute alors une équipe rajeunie
Karyo forme à la discipline de l'actor studio
Eléments biographies de sa vie d'avant de turbo-prof et son amour hautement proclamé des belles phrases et des jolies femmes. Sa lancinante frustration de n'être perçu par elles que comme un bel esprit; Lucchini passe de l'ombre à la lumière. D'une image d'intello ennuyeux qui lui collait aux basques depuis Perceval à une image d'intello brillant et drôle, qui assurera sa durable popularité. Pascale Ogier qui à la faveur de nombreuses interviews (et d'un prix interprétation à la Mostra de Venise) s'impose comme l'archétype absolu de la parisienne de 1984, avide de multiplier les expériences tout en poursuivant un certain romantisme. S'en inspirera Virginie Thévenet dans La nuit porte jarretelles
A Venise, le film est chaleureusement applaudi, y compris en cours de projection. Rohmer reçoit des lettres enthousiastes de Nicolas Seydoux (PDG de Gaumont) de Daniel Toscan du Plantier (directeur général de Gaumont, qui, cinq ans après Perceval, ouvre la porte à un nouveau film en commun) ou du ministre de la culture, Jack Lang, qui le félicite pour l'obtention du prix Méliès.
Sur Triple agent :
p. 452 : Rohmer demande également à l'une de ses actrices, Charlotte Very, de peindre des tableaux pour le personnage d'Arsinoé, qui est une artiste plutôt traditionnelle, travaillant dans un genre figuratif qu'on pourrait rapprocher du style de Tamara de Lempicka. Rohmer repère avec Charlotte Véry, dans des galeries parisiennes de peinture russe ou ukrainienne, des tableaux des années 1930-1940, des scènes de genre, et la jeune femme s'en inspire pour un portrait d'enfant, un manège aux chevaux de bois, un chat sur un toit, des fleurs et des oignons, une sortie de métro, une femme et des enfants allongés sur l'herbe, ou des baigneuses sur la plage en costume de bain, au total quatorze toiles commandées et sélectionnés par le cinéaste.
Sur Les amours d'Astrée et de Céladon
p. 459 : Il ne s'agirait pas tant d'adapter l'Astrée que d'adapter une adaptation, ou plutôt de la réaliser avec la plus grande loyauté possible. Cette adaptation est due à pierre Zucca, auteur de films que Rohmer tient en haute estime. Comme al plupart des éditeurs moderne de l'Astrée, Zucca a choisi de resserrer le récit autour de son thème central : les amours de la bergère Astrée et du berger Céladon(..) Ila conservé un épisode célèbre à l'intérieur de ces épisodes celui de la fontaine d'amour qui permet à Astrée de revoir par magie l'élu de son cœur (...) Rohmer va aussi condenser des situations ou des dialogues, ou supprimer des protagonistes : Sylvaner, par exemple dont le plaidoyer pour la fidélité amoureuse est replacé dans la bouche de Lycidas.
p. 462 : A sa directrice de la photo, il donne des références (moins flamboyantes que Véronèse) les toiles mythologiques de Simon Vouet et notamment un Amour et Psyché qui figurera au sein du film. Pour autant , il n'est pas question de composer une image picturale, comme a pu le faire Almendros dans La marquise d'O. Pas question non plus de 35 mm (comme l'a d'abord proposé Anne Baratier) ni d'un format numérique (ce qui nécessiterait l'appoint d'un groupe électrogène). Le filmage se fera en super 16, qui sera gonflé par la suite. Et pour la première fois, on tournera à deux caméras, la seconde étant tenue par Françoise Etchegaray qui saisit à la volée d'heureux imprévus ce dispositif plus souple permet de gagner du temps, en évitant les variations lumineuses entre un champ et un contrechamp. Le temps est en effet compté, lors d'un tournage où Rohmer, cassé end eux par al scoliose, ne se déplace que péniblement
C'est pourquoi il va vite abandonner l'idée de la Haute-Loire, berceau historique de l'Eden décrit dans le livre, aujourd'hui peuplé d'espèces d'arbres qui n'existaient pas au XVIIe... C'est Françoise Etchegaray qui part en tous sens sillonner les routes de France... Peu avant le tournage, elle découvre enfin l'endroit rêvé : la vallée de la Sioule, en Auvergne, qui offre des paysages miraculeusement protégés et surtout une rivière assez profonde (à la différence de la Haute-Loire) pour accueillir le suicide de Céladon.
En revanche le torrent est si impétueux qu'il faudra signifier ce suicide par une ellipse, procédé assez peu habituel chez Rohmer mais dont il s'amuse comme un cinéaste débutant (...) C'est au bord d'une autre rivière (le Beuvron) que les nymphes retrouveront le corps échoué du garçon. Quant aux châteaux, ce seront ceux de Fougères et celui de Chaumont (...) on se replie sur un troisième château, dont les jardins sont configurés à la manière d'un labyrinthe.