Vendredi 17 septembre à 21h00, place de l'hôtel de ville, le cinéma Lux projetait sur un écran géant le Psychose d'Alfred Hitchcock (1960) sur la partie gauche et sa relecture par Gus Van Sant, Psycho (1998), sur la partie droite. Lorsque l'on entend la bande-son de l'une des versions, l'autre est muette.
Cette projection en parallèle était une "deuxième
mondiale" après la première effectuée par
le Lux dans sa salle en 1999.
En choisissant de démarrer le Psycho Gus Van Sant avec 35 secondes de retard et de stopper sa projection durant deux minutes après le meurtre de Marion, pour permettre à la version d'Hitchcock de rattraper son retard de mi-parcourt, le projectionniste du Lux a opéré le meilleur choix possible pour la mise en parallèle de deux versions dont l'une, celle d'Hitchcock, dure 1h49 et l'autre, celle de Gus van Sant, 1h44.
La version de Gus van Sant dure officiellement cinq minutes de moins que celle d'Hitchcock. Le décalage atteint néanmoins plus de neuf minutes au début du dernier plan qui dure quelques secondes chez Hitchcock contre plus de quatre minutes chez Gus van Sant. Le tableau ci-après fait le compte des décalages sur quelques séquences clés (minutage DVD à 25 images /seconde contre 24 images au cinéma) :
Hitchcock
|
Van Sant
|
écart
|
|
fin du générique | 0h1m47 | 0h1m47 | 0m00 |
fenêtre | 2m37 | 2m50 | -0m13 |
sandwich | 2m47 | 3m17 | -0m30 |
store levé | 5m08 | 5m12 | -0m04 |
Bureau | 6m20 | 5m44 | 0m36 |
Chez elle | 10m10 | 9m24 | 0m51 |
En voiture | 12m03 | 10m48 | 1m20 |
matin policier | 13m00 | 11m40 | 1m24 |
sortie garage | 22m17 | 19m18 | 3m02 |
le mère motel | 26m05 | 22m48 | 3m24 |
oeil voyeur | 42m25 | 39m10 | 3m20 |
entrée sdb douche | 44m15 | 41m28 | 2m52 |
fin douche | 47m00 | 44m36 | 2m30 |
voiture engloutie | 54m20 | 54m18 | 2m06 |
Arbogast téléphone | 1h09m07 | 1h06m00 | 3m12 |
Arbogast monte escaliers | 1h13m27 | 1h09m44 | 3m48 |
Arbogast tué | 1h14m00 | 1h10m18 | 3m46 |
fin sherif | 1h21m05 | 1h16m06 | 5m04 |
fin mère transportée | 1h22m50 | 1h17m44 | 5m10 |
en voiture | 1h24m13 | ||
Lila seule | 1h30m45 | 1h23m56 | 6m54 |
Sam frappé | 1h35m30 | 1h27m48 | 7m48 |
fin momie | 1h37m10 | 1h29m44 | 7m32 |
"Pas de mal à une Mouche" | 1h43m38 | 1h34m26 | 9m12 |
voiture tractée | 1h43m50 | 1h34m38 | 9m12 |
Fin | 1h38m36 | 5m18 |
La relecture de Gus van Sant rend hommage sur le fond et sur la forme au film de Hitchcock. Non seulement Psycho reprend très exactement 95 % des plans de Psychose mais Gus van Sant s'attache à magnifier, en les modifiant très légèrement, les séquences les plus célèbres de Hitchcock.
Hitchcock doit ainsi utiliser cinq plans avec fondu-enchainé et trucage pour atteindre la fenêtre de l'hôtel où Sam et Marion se retrouvent au début contre un seul pour Gus van Sant. La fenêtre de l'hôtel est atteinte avec 13 secondes de retard. Le sixième plan de Hitchcock, sur les sandwichs, est atteint avec 30 secondes de retard par Gus van sant qui présente là son second plan. Le plan initial virtuose de Gus vans Sant, avec approche en continu sur la fenêtre, est en effet plus lent... mais tellement plus beau que les cinq de Hitchcock.
Le projectionniste du Lux, en utilisant le logo Universal
et celui de Imagine qui durent quarante secondes, alors que le
vieux logo Paramount Release ne dure que cinq secondes a ainsi
décidé de commencer en avance le film de Hitchcock (Si
l'on veut bien admettre que le vrai début commence avec le début
du générique de Saul Bass et la musique de Hermann). Le
film de Gus Van Sant allant ensuite plus vite (le retard est repris
des l'ouverture du store dans la chambre), il rattrape son handicap
de 35 secondes sur l'arrivée au bureau de Marion, soit presque
exactement au moment de l'apparition d'Hitchcock à la devanture.
Bravo !!!
Le film de Gus van Sant va de plus en plus vite par rapport au Hitchcock et, après la voiture de Marion engloutie dans le marais, le projectionniste a stoppé cette version pendant deux minutes pour permettre au Hitchcock de revenir à la hauteur du Gus Van Sant. C'est ainsi le cas lorsque Arbogast vient interroger Norman.
La projection exactement synchrone ne présente guère d'intérêt sauf pour les séquences de la douche et du meurtre d'Arbogast où Gus Van Sant rajoute six plans subliminaux et mystiques (voir : critique). Il était bien plus intéressant, ce 17 septembre, de voir d'abord la version de Gus van Sant à droite et de vérifier ensuite les détails qui choquent sur la version d'Hitchcock, en retard, à gauche : y a t il un clin d'oeil aguicheur de Leila vers Norman ? Celui-ci lit-il des revues érotiques ? Le disque qu'il écoute s'appelle-t-il World needs a melody ?
Au final, une excellente soirée pour le millier de spectateurs venu assister par un temps radieux (mais un peu froid) à cette séance gratuite en l'honneur des cinquante ans du cinéma Lux.
Jean-Luc Lacuve le 20/09/2010