Mon homme Godfrey
Gregory La Cava
(1936)
Illusions perdues
Ernst Lubitsch
(1941)
Le banni
Howard Hughes
(1943)

Captives à Bornéo
Jean Negulesco
(1950)

La vengeance aux deux visages. Marlon Brando
(1961)

Editeur : Wild Side Video, janvier 2011. Master restauré. V. O. avec sous-titres français. 10 € chacun.

Deux grandes comédies classiques, deux westerns et un film de guerre pour la série 6 de Vintage classics

 


Mon homme Godfrey de Gregory La Cava (1936)
Godfrey, un clochard est engagé comme maître d'hôtel chez les Bullock, une famille de milliardaires. Grâce à ses compétences, Godfrey devient vite indispensable dans la maison. Il sauve les affaires de son patron, au bord de la faillite, organise la vie mouvementée de sa patronne et fait l'éducation des deux filles de la maison...

Le panoramique initial du générique, qui part des immeubles illuminés aux noms des acteurs et techniciens pour aboutir à la décharge fumante de New York, met crûment en lumière la cœxistence d'une grande bourgeoise désoeuvrée avec des hommes et des femmes ayant de plus en plus de mal à survivre dans un New York vidé de ses emplois.

La décharge de New York où survivent les clochards est située au pied du Queensboro Bridge, le long de l'East River qui relie l'île de Manhattan et le Queens. C'est la première occurrence de ce célèbre pont dans le cinéma avant Manhattan (Woody Allen, 1979) et Spiderman (Sam Raimi 2001). La grande bourgeoisie se donne, elle, rendez-vous au Waldorf-Ritz et la famille Bullock habite au 1011 dans la 5eme avenue de Manhattan.

Godfrey Smith aurait pu dire comme son contemporain Deeds : "Les gens d'ici sont bizarres : ils s'efforcent tant de vivre qu'ils oublient comment vivre… Je me suis promené en regardant les grands immeubles et j'ai pensé à ce que Thoreau a dit : "Ils ont créé des palaces grandioses, mais ils ont oublié de créer les nobles pour les habiter". Dans Mr. Deeds goes to town (Frank Capra, 1936), l'extravagant monsieur Deeds distribuait sa fortune aux chômeurs. Ici, Godfrey Smith pratique de même et utilise l'agent du collier pour loger et fournir un travail aux cinquante chômeurs qui habitaient la décharge. Celle-ci, une fois remblayée (coût 5 800 dollars), devient une boite de nuit branchée.

Il n'est évidemment pas question pour La Cava d'en appeler à la lutte des classes mais, en exposant crûment la totale inconscience des riches, il fait rire ("Pourquoi vivez-vous dans ce dépotoir alors que c'est plus joli ailleurs ?") tout en faisant prendre conscience de ce qu'a d'inacceptable une telle situation.

La Cava montre dans cette comédie brillantissime, que même la bourgeoise n'a rien à gagner à sa vautrer dans son désoeuvrement et que c'est vivre bien plus intensément que d'être responsable de soi-même et des autres... ce que même la tête de linotte d'Irene finira par découvrir.

 

 

Illusions perdues de Ernst Lubitsch
Vous imaginiez que Jill et Larry Baker constituaient le couple idéal ? Vous aviez raison, jusqu'au jour où Jill part consulter un psychanalyste pour guérir un hoquet… Un extravagant pianiste se trouve dans la salle d'attente. Jill va s'en éprendre et demander le divorce d'un mari pour le coup loin, très loin de rendre les armes…

Le film comporte deux séquences emblématiques de l'art de Lubitsch avec un indice de manque et un indice d'équivocité.

La scène dans la chambre à coucher de Jill et Larry débute par un bel indice d'équivocité. Au lieu de commencer banalement la scène, Lubitsch cadre le chien en gros plan qui leve la tête de son panier. Jill entre, regarde son mari dormir, vient se coucher à côté de lui après avoir caressé le chien et fait "ouah" pour le reveiller. Larry, dans un demi-someil, se leve et porte le chien dehors. Dépitée, Jill lui dit que c'est elle qui a aboyé. Mais on entend alors le chien aboyer dehors et Lary se retourne vers se femme en lui intimant l'ordre de se taire par un "chutt". L'indice du chien est que Larry est devenu tellement indiffèrent à sa femme qu'il la confond avec son chien. Ce n'est pas une image rassurante du bonheur conjugal mais au contraire l'indice que plus rien ne va dans le couple.

Lorsque Jill se rend chez Alexander, le panoramique qui saisit la bouteille puis le sac sur le canapé alors que s'élève off une musique qui se revèle être Alexander jouant au piano, signifie que les discusisons d'usage ont déjà eut lieu. Jill ecoute et regarde Alexander qui veut prendre un baiser. Elle se refuse. Elle sort du champ. Il sort du champ. Le cadre reste vide durant une dizaine de secondes. Il revient et se met à jouer du piano dans tous les sens. Ce cadre, resté vide une dizaine de secondes puis qui se remplit avec Alexander jouant joyeusement, est le signe qu'hors-champ le baiser a eu lieu.

 


Le banni de Howard Hughes
Billy le Kid et Doc Holliday sont à Lincoln Nouveau Mexique. Pat Garrett traque Billy et le blesse. Billy est alors sauvé par Rio dont il tombe tellement amoureux qu'il l'épouse. Mais Pat Garrett est toujours à ses trousses et Billy, encore soutenu par Doc Holliday, doit fuir une nouvelle fois..…

Après Les anges de l'enfer une dizaine d'années plus tôt, ce western, à la réputation sulfureuse et à la totale inauthenticité historique, est le deuxième et dernier film réalisé par l'extravagant Howard Hughes. Le tournage se révèle aussi imprévisible que son metteur en scène qui ne tourne que l'après-midi et surtout la nuit, qui consacre 103 prises à la scène de Billy près de la tombe, qui fait grimper le budget de 400 000 à 3 400 000 dollars mais s'en fiche car il est riche et que c'est son argent.

Le film met en vedettes deux parfaits inconnus aux destins divergents. La campagne de presse transforme Jane Russell en star (on écrit que les techniciens de l'aéronautique ont mis au point, pour elle, un nouveau type de soutien-gorge, qu'elle ne porte en fait jamais dans le film). A l'inverse Jack Buetel (orthographié " Beutel " au générique) finira dans les poubelles de l'histoire du cinéma, bel et bien à cause d'Howard Hughes qui, pour de mystérieuses raisons, ne voudra ni le libérer de son contrat ni le prêter.

 

 


Captives à Borneo de Jean Negulesco
Début de l'année 1942, une célèbre romancière américaine se trouve à Bornéo quand les Japonais envahissent l'île. Séparée de son mari, elle est emprisonnée dans un camp dans des conditions cruelles. D'un côté elle subit tortures et tentatives de viol, de l'autre elle bénéficie de la bienveillance du Colonel Suga en charge du camp…

Le film est adapté du best-seller d'Agnes Newton Keith, publié en 1947 qui retranscrit son expérience. Elle apparaît d'ailleurs en personne le temps d'une scène dans le film, sur l'embarcadère, dans le camp de Berthala derrière Claudette Colbert. Agnes Newton Keith accompagne aussi la deuxième équipe partie filmer des extérieurs à Bornéo pendant un mois. Le carton d'ouverture sur la véracité des décors est ainsi tout à fait justifié.

 


La vengeance aux deux visages de Marlon Brando
Rio et Dad pillent une banque et s'enfuient. Dad part chercher des chevaux, mais ne revient pas car il a conservé l'or. Rio est emprisonné et s'évade au bout de cinq ans. Il se voit proposer d'attaquer une nouvelle banque dans une ville dont Dad est devenu le shérif. Rio retrouve Dad qui le fait arrêter puis torturer. Rio jure de se venger en séduisant la fille de Dad puis en l'abandonnant..

Profitant du déclin des studios, de nombreux acteurs passent alors à la réalisation comme James Cagney, Burt Lancaster ou John Wayne. Marlon Brando décide de franchir le pas à son tour en filmant un roman vaguement inspiré de l'histoire de Pat Garrett et Billy the Kid. Stanley Kubrick aurait dû réaliser le film mais se fait virer par Brando pour avoir refusé d'intégrer un personnage asiatique dans l'histoire (mais aussi pour avoir demandé que Spencer Tracy remplace Karl Malden quui avant déjà joué dans Un Tramway nommé désir et Sur les Quais avec Brando). Sam Peckinpah, scénariste avait lui été débarqué par Kubrick. Il ne reste dit-il que deux scènes de lui dans le résultat final.

Le tournage qui doit durer 6 semaines prend 6 mois car Brando se révèle aussi indécis comme réalisateur qu'il pouvait être compliqué en jouant, attendant des heures que les vagues de l'océan s'adaptent à la scène. Le budget de 1,8 Millions de dollars grimpe à 6 Millions et le premier montage dure 4h42.

 

 
présente
 
Vintage Classics, 6e série