Editeur : Editions Potemkine. Janvier 2008. Nouveau master restauré. Version originale russe sous-titrée français. Prix public 19.90 €

Suppléments :

  • Interview d’Alexandre Sokourov en cinq tableaux – 21 min
  • Entretien avec l’écrivain Anne-Marie Garat (prix Femina 1992) sur l’héritage littéraire de Sokourov et son lien au cinéma de Tarkovski – 10 min
  • "L’Oeil et le pinceau", Mère et Fils sur la toile, geste créatif et rapprochements peinture-cinéma – 12 min

Un fils veille sur sa mère malade. Ils ont fait le même rêve. La mère veut aller se promener par cette froide et ensoleillée journée de printemps. Le fils la porte sur un banc. Ils regardent de veilles cartes postales. La mère se sent mal. Ils partent se promener longuement. Le fils ramène la mère à la maison fait le feu, la nourrit et part se promener seul....

Après la trilogie Le deuxieme cercle (1990), La pierre (1992) et Pages cachées (1993), Mère et fils (1997), lauréat de plusieurs prix, place définitivement Alexandre Sokourov sur le devant de la scène internationale.

Hors génériques, le film dure à peine plus d'une heure et se compose de 57 plans. Sokourov utilise l'anamorphose et des filtres colorés comme un refus d'un langage de communication unicentrée, perspectiviste, qui pourrait être celui du fils. Ici, mère et fils mais aussi la nature, dont ils semblent faire intégralement partie, parlent ensemble et sont comme à l'unisson de la perte qui se profile.

Le fils va perdre sa mère, celle qui le faisait déjà souffrir enfant lorsqu'il croyait qu'institutrice, elle habitait l'école et ne faisait que passer à la maison. Celle qui le fait souffrir encore en lisant ces cartes qui lui sont adressées et dont il ignore qui les a écrites. Celle qui le fait souffrir à en pleurer car il n'a pas besoin de rentrer à la maison pour savoir qu'elle sera morte à son retour.

La nature semble à l'unisson de cette perte : la fumée d'un train se disperse au-dessus des blés agités par le vent. Le ciel est lourd et orageux. Un papillon chétif, qui lui aussi mourra bientôt, s'est posé sur la main de la mère morte.

Tout n'est pourtant pas désespéré dans cette journée élégiaque. Dehors, la nature fleurit quand même et le fils promet aussi à sa mère qu'à la fin de son cycle de vie, il la retrouvera dans l'au-delà. La mort n'est qu'un passage doit se persuader le fils, perdu au milieu de la forêt et qui voit pourtant mentalement un bateau, pour lui tout petit, perdu au milieu de la mer.

L'éternité est du côté de la mère du fils, de la nature et de l'art. Sokourov compose ses plans avec un sens du portrait et du paysage des maîtres du XIX et l'on retrouve dans chacun d'eux un souvenir de Van der Weyden, Mantegna, Michel-Ange, le Greco, Millet ou Turner.

J.-L. L. le 09/02/2008

Remarquable édition DVD où l'interview dense mais classique de Sokourov est étayée des discours critiques de l'écrivain Anne-Marie Garat et d'un document d'Emmanuel Vernières sur les sources d'inspirations picturales de Sokourov.

 

Interview d’Alexandre Sokourov

Interview d’Alexandre Sokourov en cinq tableaux réalisé en juin 2005.

1/ Cinéma et peinture

Rapprochement possible entre cinéma et peinture si l'image cinématographique porte l'empreinte de l'art. Cinéma et peinture sont des phénomènes plats, sans relief. L'image est projetté sur un écran plat et, avant cela, l'image prend forme sur la surface plane d'un négatif

Il faut s'approcher des images de la peinture pour que le cinéma soit un art. Les cinéastes seront amenés à combattre l'illusion optique et à s'occuper de l'art plastique. L'art plastique, plat, privé de perspective littérale physiologique. Dans l'image plane, il y a quelque chose qui est réservé, non dit, pour notre spectateur. Ce qui distingue l'art, c'est le mystère le non-dit de certaines choses, une limitation de ce que nous pouvons voir et ressentir immédiatement.

 

2/ Les grands maîtres

Les grands maitres de la peinture des 17, 18 et 19ème siècle avaient la maîtrise du métier. Il bénéficiaient d'une stabilité entre la religion et la tradition picturale. Au 20ème siècle, les grands noms sont inexistants. Même s'ils sont très connus et se vendent très chers, ils ne signifient rien par rapport à Rembrandt, Greco ou Turner. Picasso n'est pas à la hauteur. C'est seulement une figure culturelle du XXème, un homme universel mais pas un Rembrandt ou un Greco.

Au 19ème siècle, on portait une grande attention à la peinture de paysage et à l'art du portrait. Il y a aujourd'hui une absence de portraits parfaits et sublimes. L'art fondamental, la peinture fondamentale, c'est plus Turner que les impressionnistes français, plus connus mais qui utilisent trop de couleurs.

 

3/ La musique

Le son, c'est l'âme, l'image c'est les pieds. L'image nous guide, le son nous fait décoller. L'image permet de marcher, et le son de voler. Sans musique pas de grande littérature peut être pas de dramaturgie. Seule la musique fait l'harmonie. La musique ne doit pas faire illustration. L'image et la musique sont des êtres indépendants. Ils peuvent s'unir pour former un duo. On peut écouter la BO de manière indépendante, créer un radio film.

 

4/ Le montage

Moyen d'être du coté de l'art comme le documentariste Igravolkin. Eisenstein a suivi la théorie du montage de Taksionov. La littérature du XIX préparait au montage contre la culture moderne du vidéo clip.

 

5/ L'amour et la mort

Celui qui résiste à la mort m'intéresse. L'art doit apporter la force et l'espérance. Le film parle d'un excès d'amour. En général, on parle de ce qui manque re pas de ce qu'il y a en trop. Troisième deux frères et uen sœur. La mère aime tant son fils qu'elle ne peut vivre sans lui.

Contraire de La pietà : une mère porte son fils dans ses bras. Là, c'est un fils qui porte sa mère dans ses bras. C'est une métaphore à méditer. Cela représente un espoir, une sortie. Purquoi est-ce si beau que quelqu'un te prenne dans ses bras ? Ce sont des personnages de conte.

 

Entretien avec l’écrivain Anne-Marie Garat


Il s'agit d'un récit minimaliste sur les thème d'une séparation tragique et de la filiation. C'est l'agonie d'une mère une journée de printemps et l'accompagnement au tombeau par son fils. Sokourov dénonce l'illusion réaliste et joue de l'artifice de la langue. La langue n'est pas la parole. Le spectateur est remué par ce que la langue produit en lui d'inédit. Le lecteur opère le sens entre deux images qu'il relie à son monde mental, à son imaginaire.

Sokourov a recours à la distorsion perspective, aux filtres. Cet écrasement visuel dénonce le langage de communication. Pas d'utilisation systématique de la métaphore, pas de maniérisme technique. Il ne figure pas, il transfigure. Un discours qui passe par le sensible. Extreme simplicité de ce discours. Comme Tarkovski, L'œuvre de Sokourov empreinte du sens de la mort et d'un indicible de l'au-delà dit que le passé ne passe pas et qu'il est au présent. L'indicible existe.

 

"L’Oeil et le pinceau", Mère et Fils sur la toile

Durant le temps de l'exécution d'une peinture, des rapprochements entre peinture et cinéma très convaincants dus à Emmanuel Vernières. Vierge Pelagonitissa (icône byzantine), Déploration du Christ (Van der Weyden, 1450), Vierge à la grotte, Christ mort (Mantegna,1488-90), Dieu séparant la lumière des ténèbres (Michel Ange 1508-12), Vue de Tolède (El Greco 1600), Le Christ dans la tempête sur le lac de Generaseth (Rembrandt, 1633), Chasseur dans la forêt, Les falaises de craie à Rügen (Friedrich, 1814 1816), Le printemps (Millet), Tempête de neige (Turner, 1842)

 
présentent
 
Mère et fils d'Alexandre Sokourov