DVD Jacques Rozier

Editeur : Potemkine et Agnès B. en Novembre 2008. Coffret 5DVD avec deux courts métrages, Rentrée des classes et Blue Jeans et les quatre longs métrages de Jacques Rozier : Adieu Philippine, Du côté d'Orouët, Les naufragés de l'île de la tortue et Maine-Océan. 50 €

Suppléments :

  • Entretien avec Jean Douchet (2001, 18 min)
  • Entretien avec Jean-François Stevenin (2008, 20 min)
  • Supplément au voyage en terre "philippine" par Jacques Rozier (12 min).
  • Bande annonce de Adieu Philippine avec François Truffaut
  • Jean-François Stevenin à propos de Du côté d'Orouët (8 min)
  • Entretien avec Jacques Villeret (7 min)
  • Entretien avec Bernard Menez (20 min)

 

Deux courts et quatre longs métrages, de Rentrée des classes (1955) à Maine Océan (1985) pour des personnages drôles, magiques et touchants en quête d'un rôle plus grand que celui que la vie leur donne.

 

Les cinq beaux et élégants coffrets réalisés par Agnès B. autour des DVD édités par Potemkine offrent la presque totalité de l'oeuvre de Jacques Rozier. Ils permettent de rendre justice à ce cinéaste rare, l'un des plus importants de l'impressionnisme français.

Rentrée des classes et Blue Jeans , les deux courts-métrages de 1956 et 1958, montrent l'importance des déplacements dans son oeuvre, déplacement au fil de l'eau pour le premier, au fil de la côte cannoise pour le second.

Adieu Philippine est le grand film social et politique des débuts de la Vème république. D'abord parce qu'il est l'un des rares au sein de la production classique avec Le petit soldat de Godard et Muriel de Resnais à se révolter contre la guerre d'Algérie . Ensuite parce qu'il devient l'emblème de la nouvelle vague lorsqu'une photo du film fait la couverture du numéro que Les Cahiers du cinéma consacrent au mouvement... Et enfin et surtout parce qu'il s'agit d'une initiation amoureuse aussi cruelle que romanesque.

Du côté d'Orouët, Les naufragés de l'île de la tortue et Maine-Océan sont emplis de cette liberté, de ce souffle mais aussi de légèreté et d'humour qui font tant défaut aux années 70 et 80. Ils poussent chacun des personnages à chercher un rôle plus grand que celui que la vie lui donne en s'abandonnant aux rencontres improbables entre milieux sociaux et métiers différents... Du fil de l'eau aux fils des rencontres, le plaisir pris à voir les films de Rozier ne se dément jamais.

Qualité des films, qualité des coffrets et aussi qualité des bonus qui aident à mieux comprendre la singularité de l'oeuvre de Rozier :

Entretien avec Jean-François Stévenin (2008)


Stévenin a approché le cinéma en rencontrant dans la queue du concert à l'Olympia pour Jimmy Hendrix, la sœur de Jean-Paul Rappeneau. Comme réalisateur, Jean-François Stévenin doit tout à Jacques Rozier. Il a été son premier assistant sur Du côté d'Orouët puis l'a toujours suivi et écouté. Il dispose de plus de 50 heures d'entretiens réalisés avec lui sur un petit magnétophone.

Godard est une machine de guerre à faire du cinéma alors que Rozier est un épicurien comme Monti Hellman ou John Cassavetes.

Epicurien ne veut pas dire dilettante. Cassavetes répugnait à traverser tout Los Angeles pour se retrouver à monter ses films dans une toute petite salle. Il préfère avoir le matériel chez lui et monter dans sa maison et décider que dans deux heures, on mangera un gros plat de pattes. Ainsi le film ne s'arrête pas. La pauvreté est largement compensée par la richesse de cœur.

Si Rozier avait eut toutes les cases, il aurait eu les studios avec lui. Mais à un moment, il sort de la route. Il laisse sa voiture au parking de l'aéroport, laisse la table de montage chez un garde-meuble. Rozier aurait pu tourner Winch que Jean-Pierre Rassam était tout disposer à produire avec Jeanne Moreau d'accord pour un tournage de huit semaines mais il s'obstine à refuser Gérard Depardieu débutant et surtout à creuser une piscine dans un immeuble en plein Paris et à exiger un bateau d'accompagnement.

La vie privée compliquée de Rozier n'a pas contribué à ce qui réalise une carrière pleine. Contrairement à Rochant avec sa femme au montage et ses deux enfants ou Pialat avec Sylvie aussi au montage et Cassavetes avec Gina Rowlands ou Godard avec Anna Karina. Rozier, comme Monti Helleman, passe de fille en fille et reste solitaire.

"Quand on fait un film, on aime charnellement toute l'équipe" confie Stévenin à Benoît Dalle et Niels Biouzaziz. "On admire le cuisinier s'il fait bien la bouffe. Il y a peut-être des metteurs en scène qui font autrement mais pas moi".

 

Entretien avec Jean- Douchet (2001)

Ce qui a fait la réussite des cinéastes de la nouvelle vague c'est le respect du budget qui leur permet de garder leur indépendance et leur liberté de création sans obéir au système commercial.

Pour faire un film dans les années 60, il n'y avait que trois solutions, l'assistanat qui permettait de faire un premier film à quarante ans en ayant bien prouvé son professionnalisme à la profession, et le documentaire et le court-métrage. Ces deux dernières voies permettaient de faire plus rapidement des films.

Blue jeans présente un lien évident avec Zéro de conduite ou Les mistons. Godard présente Rozier à Beauregard. Douchet critique dans Arts. Adieu Philippine parle de la guerre d'Algérie, de politique et de société avec liberté insolence et regard exact.

Dans un film de Rozier le réel se transforme car le personnage joue la comédie et pour s'en sortir, se donnent un rôle dans le monde que le monde ne lui donne pas. Il accède ainsi à une autre forme de réalité. Rozier comme Renoir s'intéresse aux personnages. Pialat, Eustache et Rozier ne s'inscrivent pas dans une recherche esthétique aussi systématique que Godard.

 

Supplément au voyage en terre "Philippine" par Jacques Rozier (12 min)

Histoire d'un film que des bonnes langues disaient interminable avant que Godard à Cannes en 1962 ne décrète que "Quiconque n'aura pas vu Yveline Céry danser un cha-cha-cha les yeux dans la caméra ne pourra plus se permettre de parler cinéma sur la croisette". Puis ce sera, devant le palais du festival, Truffaut qui interviewe les interprètes.

Le film est tourné en août 1960, deux ans avant la proclamation de l'indépendance de l'Algérie. Le départ de Calvi est une métaphore du départ pour l'Algérie. La censure interdisait de montrer un bateau d'appelés partant pour l'Algérie.

Eric Rohmer, rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, choisit une photo d'Adieu philippine comme couverture du numéro spécial sur la nouvelle vague.

Thème musical corse "U lio di roccapina", le rocher du Lion de Roccapine vers Sartène chant ancien du sud de la corse évoquant le départ au régiment. Sono de la compagnie générale transatlantique. Tourné en muet donc enregistré en son sol et re-synchronisé au montage repris de façon orchestrale lorsque le Cyrnos s'en va et prend son cap vers le large.

Quand les deux filles courent, ça ne fonctionne plus : le tempo visuel des deux filles qui courent ne correspond plus au tempo de la musique. Au montage, la chanteuse corse, engagée pour la chanson "il monta la fronta" lorsque les voitures passent au-dessus de Porto, propose d'utiliser un couplet du thème en mineur et en récitatif et se met à improviser.


Bande annonce de Adieu Philippine (10 min)

Après un début de bande annonce classique, Truffaut interviewe les acteurs sur la façon dont ils ont été engagés. Des séquences de reportage reconstruisent ces séances de photos et d'entretiens improvisés dans les rues de Paris.

 

Entretien avec Jean-François Stévenin, assistant de Rozier (2008- 10 mn)

Le lendemain où il a vu Adieu Philippine à la cinémathèque, Jean-François Stévenin est appelé au téléphone par Vincent Malle, le producteur, pour être assistant sur Du côté d'Orouët. Stévenin est d'abord reçu comme l'espion de la production. mais il marque un point en trouvant une projection à Nantes un dimanche dans les studios de FR3 pour voir les rushs. L'amitié entre les deux hommes ne se démentira plus jamais. La séquence en bateau a été tournée avec des pellicules achetées à la FNAC par Rozier parti trois jours alors que la production avait coupé les vivres.

 

Entretien avec Bernard Menez (2008- 20 mn)

En 1973, Bernard Menez partageait son temps entre l'enseignement et le théâtre. Ses essais infructueux au cinéma et la T.V. le conduisent à prendre un billet pour le Canada. Rozier après trois entretiens l'engage. "Je ne me suis pas rendu compte que je tournais un film qui pourrait devenir un film de référence pour les cinéphiles". C'est lors de la présentation à la cinémathèque par Henri Langlois de Adieu Philippine que Bernard Menez entendant "cette figure énorme de la cinéphilie" faire un panégyrique de Rozier qu'il s'est dit : "J'ai dû faire un film important"

Bernard Menez tournera ensuite avec Rozier sur Nono et Nenesse et Joséphine en tournée avec Maurice Rish et Henri Guibet qui passera à la télévision en deux fois une heure trente. Il tourne ensuite Maine-Océan où Luis Rego lui dit :"Mon pauvre Bernard, avec Rozier, on est condamné à faire un chef-d'œuvre". C'est son film préféré du cinéaste, traitant de la difficulté des rencontres entre des gens de pays, de langues ou de métiers différents.

 
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