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Editeur : Carlotta-Films. Octobre 2013. Nouveau master restauré haute définition. Version Originale Sous-titres Français. 17 €. Supplément :
À Shinshu, petit village de montagne au centre du Japon, Otsune, une fileuse de soie élève seule son fils unique, Ryosuke. Bon élève, celui-ci est en âge d’aller au lycée mais la mère s’y oppose car les études sont trop coûteuses. Elle finit néanmoins par accepter, faisant le choix de tout sacrifier pour l’éducation de son fils.Treize années plus tard, Ryosuke s’est installé à Tokyo et sa mère lui rend visite pour la première fois. Malgré les efforts de son fils pour l’accueillir, celle-ci découvre alors qu'il est marié, qu'il a un bébé, qu'il n'a pas réussi et qu'il est très pauvre. Premier film parlant d'Ozu, Le fils unique est aussi le premier à mettre en évidence le lien entre parents et enfants comme structurant la vie entière, c'est à dire lui donnant son sens et son poids. La conclusion est ici particulièrement amère, en phase avec l'implacable pression sociale du Japon des années 1930. Un film parlant pour transmettre Ce n'est que suite au déménagement des studios de la production Shôchiku à Ofuna qu'Ozu adopte tardivement le parlant. Le système Mohara avait permis, cinq ans auparavant, les premiers films parlants japonais. Le film comporte trois extraits de La vie tendre et pathétique, film parlant de l'autrichien de Willi Forst, réalisé en 1933. Une femme de Tokyo (1933) nous faisait déjà assister à une autre séance de cinéma. On y voyait un extrait de Si j'avais un million (1932), le sketch de Lubitsch avec Charles Laughton. Ozu y exprimait ainsi son admiration pour le cinéaste américain. L'extrait choisi ici est en adéquation avec le goût pour la culture germanique dont fait preuve Ryosuke. Il montre aussi la difficulté de transmettre la culture savante (C'est une biographie de Schubert) du fils vers la mère... puisque celle-ci s'endort. Elle préfèrera d'ailleurs toujours l'expérience vécue avec son fils plutôt que les monuments culturels qu'il lui montre.
Le film s'ouvre par un aphorisme d'Akutagawa Ryunosuke (1892-1927) tiré de son recueil Paroles d'un nain (1923-1925) : "Le drame de la vie commence avec le lien entre parents et enfants". Ce drame est illustré par l'histoire de Ryosuke et Otsune mais aussi celle de Tomi et de sa jeune soeur que leur mère élève seule. Mais ce drame est aussi celui, en creux, de Sugiko, la femme de Ryosuke, qui envie son mari d'avoir une telle mère. Dans les scènes clés de la double discussion devant l'incinérateur puis, le soir à la maison, de la mère et du fils, c'est la mère qui, toujours, encourage son fils, déçu par les promesses de la grande ville, à poursuivre sur le cycle de la vie. Pareillement, pour servir d'exemple à son fils encore bébé, Ryosuke se décide à reprendre ses études. Entre le chapeau jeté sur le sol, signe d'une respectabilité qui lui fait encore défaut, et le biberon sur lequel il médite sur les valeurs à transmettre à son fils, se joue le temps et le sens d'une vie. Les opsignes de Ozu, espaces ou paysages vides, sans
personnages et sans mouvements d'appareil sont ici très présents
: linge qui sèche, fumée sortant des incinérateurs.
L'un d'eux, sans doute l'un des plus longs de tout son cinéma,
fait suite à l'explication entre la mère et le fils, avec
la belle-fille qui sanglote cachée derrière le paravent.
C'est un plan fixe de 55 secondes, sans personne dans le cadre avec
sanglots de la femme durant une vingtaine de secondes, le bruit de l'usine
puis la nuit faisant place au jour. Toujours durera l'inquiétude
des parents pour les enfants semble dire ce plan où figure le
dessin accroché à l'envers, offert par Okubo, qui est
censé empêcher les enfants de pleurer. Pur plan de médiation
sur la transmission toujours nécessaire des parents aux enfants,
il atteint à l'absolu d'une identité du mental et du physique,
du réel et de l'imaginaire, du monde et du moi.
Un contexte social oppressant et bouché Cette nécessaire implication des parents se double ici d'un véritable sacrifice. La mère de Tomi se sentira probablement obligée d'offrir le gant de baseball à son fils et la balle à sa petite fille qui la lui réclame en la tirant par la manche dès qu'elle a entendu sa mère, bourrelée -bien à tort- de remords, consentir à la demande de son frère. Face à l'intransigeance des enfants pourra-t-elle faire mieux qu'Okube, obligé de donner un peu d'argent à son fils pour écourter sa crise de larmes ? Ces demandes cruelles sont discrètement traitées par Ozu. Plus terrible est la séquence finale où Otsune, à bout de force, se repose après avoir jeté le lourd seau d'eau sale. Son regard se dirige vers l'horizon que ne lui montre qu'une enceinte close, un portail clos pour elle, condamnée à l'usine jour et nuit maintenant qu'elle n'a plus de maison. Le contraste était déjà grand entre l'usine en pleine nature décrite en 1923 avec une mécanisation modérée et l'usine de 1935 avec les ouvrières en rang, serrées les unes à côté des autres, parquées derrière leur machine. La situation d'Otsune en 1935 était encore montrée comme plutôt privilégiée, à l'écart des machines, en train de coudre avec une autre ouvrière âgée. Le retour en 1936 montre en revanche la dure condition qui est désormais la sienne à laver le sol.
Pareillement, les grandes réalisations de Tokyo, les ponts modernes sur le fleuve, sont évoqués oralement mais laissés hors champ alors que la cité ouvrière, à l'écart du centre où est omniprésent le bruit des machines, est désormais le cadre de vie de Ryosuke... à moins qu'il ne reprenne de possibles études.
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présente
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Le fils
unique de Yasujiro Ozu
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