Editeur : Montparnasse, 2004. Master numérique restauré, Version originale sous-titrée, Son mono restauré et re-mastering digital 5.1. Chapitrage. Film : 2h23

Supplément édition collector :

  • De l’abstrait vers l’humain, analyse de séquences par Olivier Assayas, 45 min
  • Document d’archives : extrait de Storia di un autore, 8 min
  • Entretien avec Michelangelo Antonioni, 11 min
  • Cinéma cinémas : Monica, 9 min
  • Bande-annonce originale
  • Livret sur les conditions de tournage

 

Sandro, architecte qui a sacrifié son talent artistique au profit de l'argent, a une liaison décousue avec Anna, mondaine insatisfaite et irascible. Ils participent à une croisière en yacht au large de la Sicile autour des îles Eoliennes en mer Tyrrhénienne. Anna fait part à Sandro de l'acuité de la crise sentimentale qu'elle traverse : leur amour se dégrade dans la lassitude. Les passagers accostent sur la petite île de Lisca Bianca. Anna s'éloigne et ne reparaît plus. Sandro, Claudia et deux couples amis organisent la recherche. En vain....

Récompensé au festival de Cannes 1960 par le prix spécial du jury "pour sa remarquable contribution à la recherche d'un nouveau langage cinématographique et la beauté de ses images", ce film est un jalon incontournable de l'histoire du cinéma (voir : critique). Le master numérique restauré présenté permet pleinement d'en apprécier l'émotion et la splendeur.

Les suppléments sont tous remarquables et indispensables. Depuis l'analyse subtile et pleine de fougue d'Olivier Assayas jusqu'à l'extravagante bande annonce de l'époque en passant par les témoignages de Monica Vitti en 1966 ou interviewé par Michel Boujut en 1990 ou encore l'émission télévisée consacrée à l'édition du scénario de L'Avventura où Antonioni s'exprime dans un français parfait sur la modernité de son cinéma. On notera dans ce dernier bonus la fascination bien compréhensible du cadreur pour Monica Vitti.

 

De l’abstrait vers l’humain, analyse de séquences par Olivier Assayas

Olivier Assayas analyse trois séquences : L'île, La ville désertée et l'hôtel. Dans la première, il rappelle le coup de force que représente la rupture avec la dramaturgie classique voulue par Antonioni et plus ou moins acceptée par le public d'alors. La disparition d'Anna est une disparition métaphysique. Celle, momentanée, de Sandro dans l'hôtel à la fin est une disparition liée à la condition humaine. Claudia l'accepte. Le trajet du film, d'une disparition à l'autre, est donc un trajet de l'abstrait vers l'humain.

L'île
On ne peut pas vraiment dire qu'il y a perte de sens mais plutôt perte du point de perspective. On ne suit plus le personnage avec lequel on était depuis le début. Le coup de force d'Antonioni est de faire intervenir cette disparition au centre du cinéma : L'avventura est produit par un patron de presse populaire mais qui respectait l'art et se voulait mécène.

Coup de force sur la perte du sens : Anna a disparu et maintenant quoi ? Que va-t-il se passer ? Comment continuer sur une page blanche, sur ce désert minéral, ce vent froid ? Il n'y a plus de décors plus d'horizon, rien que la tornade qui approche sur les rochers. On n'est pas très loin du théâtre de l'absurde, celui de Becket, Adamov ou Pirandello. Ce sont des personnages en quête de sens, des personnages sans but à la recherche de quelque chose qui leur échappe.

C'est un film pour tous public Antonioni avait joué le jeu. Affirmation d'une seule chose : l'actrice Monica Vitti. Elle vient d'autre part, de la modernité, de la lumière.

Dans la dramaturgie classique, la disparition est l'occasion d'un retour juteux en terme de suspens. Jusque là, seul Hitchcock avait réussit à faire disparaître Janet Leigh sans retour sous la douche de Psychose. Mais prenait le relais une véritable enquête sur sa disparition. Alors que là c'est tout autre chose. Il y a certes un contexte psychologique. Sandra, amoureux de Clara n'a pas envie que Anna réapparaisse.

Aujourd'hui cet abandon de la dramaturgie classique serait encore plus scandaleux que cela l'a été en 1961. Nous sommes dans une époque réactionnaire de la dramaturgie qui correspond au même contexte de la politique réactionnaire : simplifier c'est imposer l'idée que le monde est simple et n'a pas à se poser de questions sur les rouages du monde. La dramaturgie ridiculement simplifiée ressort d'un contrôle policier de la fiction. Le choc d'Antonioni est trop violent pour être absorbé par un public de cinéma. C'est un public aliéné qui refuse toute idée abstraite, toute " prise de tête " et qui désire la cage dorée qu'on nous a faite. Certes il est possible de se libérer du carcan dramaturgie si l'on fait du cinéma dans un coin avec très peu d'argent mais plus avec les outils du cinéma. L'appareil psychiatro-judiciaire des conseillers en scénario viennent toujours " arranger " le scénario.

Antonioni propose une construction par strates successives, inarticulées, tenues ensemble non par la dramaturgie mais par le spectateur qui assemble de façon non autoritaire des éléments complexes auquel il donne sens.

La ville désertée
Echange de chemise dans le bateau faire semblant de s'intéresser à Anna pistes extravagantes recherche de témoins visuels. Ville issue de la peinture de Gericho, originaire comme lui de Ferrare, formes abstraites et géométrique sur une terre plate au milieu du désert. L'avancée sur l'église comme si quelqu'un les regardait s'éloigner, rappelle l'église vide des communiants. Bergman pensait toutefois lui que quelque chose peut continuer quand on fait semblant.

L'hôtel
Solitude de deux individus dans le couple naissant. Qu'est ce qui a eu lieu ? Sandro a affirmé sa liberté par le refus de son mariage avec Anna. Claudia prend peur, fuit et accepte la disparition cette fois résolue et surmontée non plus métaphysique mais humaine : de l'abstrait vers l'humain.

 

 

Storia di un autore de Gian Franco Mingozzi (1966, 8 minutes)

Monica Vitti commente les conditions de tournage difficiles de L'avventura en visionant avec Antonioni, chez eux, le film en super 8 sur le tournage.

Scène coupée du "jeu du cordonnier" en Sicile.

Monica raconte son premier festival de Cannes : le public ricanait des choses les plus graves. Monica pleurait en sortant de la salle "tous ces gens riaient dans cette salle mondaine. Le lendemain, ce fut incroyable liste d'écrivains, journalistes critiques et cinéastes défendant le film :" hier soir, nous avons vu le plus beau film jamais projeté dans un festival".

 

Entretien avec Michelangelo Antonioni (1961, 11 min)

Emisson "Lectures pour tous" à l'occasion de la publication de l'ouvrage "L'Avventura - les dialogues et le scénario". Pierre Desgraupes s'y montre particulièrement inconsistant et le cadreur est fasciné par Monica Vitti que l'on entend seulement en toute fin d'émission. Heureusement les interventions d'Antonioni sont lumineuses.

"Vous aimez ce qui est moderne : l'arrivée de l'hélicoptère, c'est un peu une fête".
J'aime ce qui est moderne mais ce n'est pas seulement les hélicoptères ou bien les maisons modernes ou bien les fusées, etc. J'aime ce qui est moderne dans le domaine des sentiments dans le domaine moral même.
Il y a un décalage entre la science qui évolue jour par jour, qui découvre des choses chaque jour et qui est prête à renoncer aux découvertes qu'elle fait pour entreprendre des conquêtes nouvelles et les sentiments, même la morale des hommes, les principes qui sont vieux qui sont les mêmes que ceux que l'on avait du temps de Homère. Je pense que ça gêne un peu même si les hommes ne s'aperçoivent pas de ça.

L'avventura n'est pas un essai, je raconte une histoire et c'est seulement après que j'ai fini le film que j'ai réfléchi sur le film et sur les motifs qui m'ont aidé pour faire le film. Le sud de l'Italie vit les rapports entre les hommes et les femmes presque dans la situation du moyen-âge et puis il y a l'église pour lesquels les principes moraux restent toujours les mêmes.

Les hommes n'ont pas conscience de cela, seuls les intellectuels sont conscients de cette condition de l'homme. Très difficile de renouveler tout cela parce que nous sommes tous un peu des lâches et puis on a peur. On n'a pas peur du vide de l'espace mais on a peur du vide moral.

Sur mon prochain film cette préoccupation est encore présente mais j'ai autre chose à dire. Quand on cherche quelque chose, on sait d'où on est parti mais on ne sait pas ce que l'on cherche.

Je refuse de suivre la technique, la mécanique des histoires qu'on raconte. La cadence du film, qu'on peut trouver très lente, ennuyeuse même, c'est la cadence même de la vie : certaines fois quelque chose se précipite et d'autres fois ellesi restent immobiles et c'est pour ça que je dis "vrai".

Pourquoi un insecte qui bouge ? Dans une gare, il y a toujours de la poussière. Un insecte qui bouge c'est un élément qui fait vrai.


Monica Vitti : les acteurs sont pour lui comme des objets, une partie de l'ensemble. Il y a le paysage puis l'acteur. Il ne faut pas lui demander le sens d'une réplique, il n'y a pas besoin. Il faut rester comme un objet sans chercher à comprendre.

Antonioni : il ne faut pas que les acteurs deviennent les metteurs en scène d'eux-mêmes. Il faut travailler sur leur instinct pas sur leur cerveau. Il faut choisir ce que l'acteur nous donne. Il faut savoir ce que l'on veut.

Cinéma cinémas : Monica (1990, 9 min)

Monica Vitti raconte à Michel Boujut sa première rencontre avec Antonioni. Il remarqua sa nuque. Elle s'inquiéta alors de savoir si elle serait toujours filmée de dos. Idée de L'avventura basée sur un voyage avec des amis sur un yacht. Monica débarque sur l'île pendant une heure et demie après une légère dispute avec Michelangelo. En revenant Michelangelo lui déclare : "Je pense qu'il y a une idée. Il faut que l'on parle : pourquoi y es-tu allé toute seule ?"

Les producteurs refusent l'histoire : il faut que l'on retrouve la fille. Michelangelo refuse sans quoi il ne peut pas faire le film. Un petit producteur donne très peu d'argent pour aller sur l'île.

"Tourne ta tête à droite, tu te promènes, tu viens ici" sont els seuls indications que donne Antonioni. Juste après que le dernier mot du dialogue a été dit, il y a ce passage entre la vie et la profession. Michelangelo profite de ce moment. I ne dit pas tout de suite "stop". Il provoque l'inquiétude de l'acteur qui se demande ce qu'il attend. "Qu'est-ce que je n'ai pas bien dit ?"

Michelangelo pousse Monica Vitti à faire des films comiques car elle est comme ça dans la vie. Elle connaît ainsi ses plus grands succès populaires.

 

Bande-annonce originale américaine

Bande annonce extravagante qui essaie de transformer l'Avventura en film érootique !

"L'avventura, l'aventure érotique de Michelangelo Antonioni née du désir humain, traversé par les passions, merveilleusement racontée dans le cadre de la bourgeoisie européenne.

L'avventura ce sont des images impressionnantes, d'une splendeur et d'une sensualité sans précédent et des gens troublés dans une quête sans fin d'épanouissement physique et spirituel.

Monica Vitti joue Claudia, la femme seule qui trouve le plaisir là où on l'attend le moins et qui découvre en peu de temps les joies du bonheur et le choc de la vérité. Gabriele Ferzetti joue Sandro, un architecte mondain et sophistiqué à la recherche permanente du plaisir. Sandro finit par se noyer dans son amour propre. Lea Massari joue la fiancée renfermée et mystérieuse qu'on n'arrive pas à oublier..."

Les éditions Montparnasse
 
présentent
 
L'avventura de Michelangelo Antonioni