Le 47e festival international du film documentaire, Cinéma du réel, se tient à Paris du 22 au 29 mars 2025. L’occasion de voir de nombreux documentaires reflétant la diversité des genres et des formes d’approches cinématographiques. 

Affiche
 
47e festival du Cinéma du réel, du 22 au 29 mars 2025
site officiel

 

Palmarès décerné par le jury des longs-métrages :

Grand Prix : Little boy de James Benning
Prix international : In the Manner of Smoke d’Armand Yervant Tufenkian et Monólogo Colectivo de Jessica Sarah Rinland
Prix Cnap du film français : Lumière de mes yeux de Sophie Bredier
Prix Sacem : Evidence de Lee Anne Schmitt Musique originale composée par Jeff Parker

Little boy de James Benning

Dans la très riche programmation proposée par cette édition, nos critiques accrédités, Milann Baupin et Nino Nativel, sont prioritairement allé à la rencontre des cinéastes des programmes : : Sélection internationale; Quatre cinéastes en réaction (Ryusuke Hamaguchi, Wang Bing, Julia Loktev, Ghassan Salhab) et quelques Séances spéciales

1 - Sélection internationale

De 10 à 119 minutes, de la Chine au Canada et de la France au Suriname, les 37 films de la Compétition mettront à l’honneur, cette année encore, la création documentaire contemporaine dans toute sa diversité, en première mondiale, internationale ou française.


1 RUE ANGARSKAIA de Rostislav Kirpicenko, France, Ukraine | 69’ | Première mondiale

© Rostislav Kirpicenko_Makta Films

"Le 24 février 2022, je me suis réveillé dans mon appartement parisien : l’Ukraine est envahie à grande échelle par la Russie. Dix mois plus tard, je traverse l’Ukraine jusqu’à Dnipro, la ville où j’ai grandi, à une centaine de kilomètres du front, pour essayer de retrouver les souvenirs de ma vie passée."

ABOUT THE PINK COCOON de Wang Bin-yu, Chine | 30’ | Première mondiale

© Wang Bin-yu

Alors que ma sœur aînée Jiao attend son accouchement dans une maternité toute rose, les interrogations et les attentes des femmes de quatre générations de ma famille se mêlent et se confrontent à leurs souffrances physiques et à leurs souvenirs obsédants.

 

ADNAN BEING AND TIME de Marie Valentine Regan, France, États-Unis | 70’ | Première mondiale

Un portrait expressionniste d’Etel Adnan, immergée dans son art et dans le monde. Travaillant sans ego, Adnan s’interroge sur ce que signifie être en vie, vivre une catastrophe, expérimenter le temps.

AIR BASE de Luo Li Canada | 101’ | Première mondiale

Le titre fait référence à un étang de Wuhan, en Chine, que les pêcheurs locaux fréquentent, mais où ils ne peuvent attraper aucun poisson. Le film traite des comportements étranges d’individus dans les espaces publics et de leurs luttes internes.

ARCHIPELAGO OF EARTHEN BONES – TO BUNYA de Malena Szlam Canada, Australie, Chili | 20’ | Première française

© Malena Szlam

La flore lumineuse, les reliefs volcaniques et les horizons verticaux de la forêt tropicale de Gondwana, dans les chaînes orientales de l’Australie, se métamorphosent en un paysage imaginaire.

BAĦAR BISS de Franziska von Stenglin Malte, Allemagne | 25’ | Première française

Salvo, pêcheur expérimenté, raconte une histoire mélancolique qui a pour toile de fond les falaises vertigineuses de l’île de Gozo, à Malte. Se dégage un sentiment de perte, la perte de la mer et de la vie sous ses vagues. L’abondance de la nature n’est plus qu’un souvenir.

BALANE 3 d’Ico Costa Portugal, France | 97’ | Première française

Balane 3 est un quartier d’Inhambane. Inhambane est une ville du Mozambique. Le Mozambique est un pays d’Afrique. L’Afrique n’est pas seulement ce que l’on voit à la télévision.

BEING JOHN SMITH de John Smith Royaume-Uni | 27’ | Première française

Après avoir enduré de nombreuses décennies de contrariétés, John Smith admet enfin que posséder le nom le plus commun du monde anglophone a eu un impact négatif sur sa perception de lui-même.

EVIDENCE de Lee Anne Schmitt États-Unis | 75’ | Première française

À la croisée de la politique américaine, de ses idées sur la famille et des assauts délibérés de la droite contre l’autonomie, je me fonde sur mon expérience familiale pour examiner la manière dont nous vivons dans l’idéologie et comment les conceptions de la famille façonnent et limitent l’idée du care.

FIRST LIGHT de Phuong Thao Nguyen France | 26’ | Première mondiale

Mon oncle et sa famille habitent en Allemagne. Leur maison, maintenue constamment chaude, regorge de plantes exotiques, de vieilles photos qui s’effritent, de lettres manuscrites, de caméras de surveillance, de scanners et de musique. De Berlin, il observe chaque nuit le lever du soleil dans son village natal au Vietnam où sa mère dort.

LE GRAND TOUT d’Aminatou Echard France, Belgique, Niger | 119’ | Première mondiale

Comment va le Grand Tout ? Demande Garba à Nicole. Le Grand Tout pour eux deux, c’est la famille, l’Histoire, le quotidien, les étoiles, les bricoles, le temps qui passe comme le vent. En plongeant dans la mémoire de Nicole et de Garba au début de l’indépendance du Niger, nous nous confrontons à la complexité du présent.

LES HABITANTS de Maureen Fazendeiro Portugal, France | 42’ | Première mondiale

Une ville de la grande banlieue parisienne, ses lotissements, ses serres de roses et de légumes, ses habitants. C’est l’hiver et un camp de Roms s’est installé. Alors que la plupart des riverains s’indigne et demande l’expulsion de ces nouveaux voisins, quelques femmes vont tenter de les aider à habiter le terrain qu’ils occupent.

IN THE MANNER OF SMOKE d’Armand Yervant Tufenkian États-Unis, Royaume-Uni | 90’ | Première mondiale

La rêverie et l’observation tissent des liens entre un guetteur d’incendie en Californie et un peintre paysagiste à Londres. Une réflexion à propos de l’impact de la technologie des médias sur les représentations des incendies de forêt ainsi que sur l’expérience de l’observation par ses propres yeux.>

INVENTORY d’Ivan Marković Serbie | 21′ | Première mondiale

Autrefois symbole du progrès yougoslave, Sava Centar a été laissé à l’abandon depuis l’éclatement du pays. Peu à peu, ce centre de congrès des années 70 est débarrassé de ses aménagements intérieurs. Comme beaucoup de jeunes ouvriers sur le chantier, Nenad est ici pour la première fois.

JE SUIS DÉJÀ MORT TROIS FOIS de Maxence Vassilyevitch France | 64’ | Première mondiale

L’acteur et réalisateur Jacques Nolot nous livre, le temps d’une journée, ses récits de désirs, de doutes, de terreur, de ce qui emplit la vie comme ce qui le lie à la mort. La frontière entre le souvenir et le rêve se délite peu à peu.

JE SUIS LA NUIT EN PLEIN MIDI de Gaspard Hirschi France | 81’ | Première mondiale

Les Ensembles Résidentiels Fermés prolifèrent à Marseille, illustration d’un phénomène de repli et d’entre soi. A cette folie on rêverait d’opposer celle de Don Quichotte. Et s’il lui venait l’idée, flanqué bien sûr d’un fidèle écuyer, de traverser cette ville dérobée dans un geste chevaleresque qui restaure son imaginaire ?

LITTLE BOY de James Benning, États-Unis | 74’ | Première française

Écouter le passé pour prévenir l’avenir… du point de vue d’un petit garçon.

« Maybe I’m still a little boy » répondait James Benning, soixante-sept ans à l’époque, à une spectatrice parisienne qui l’interrogeait en 2009 sur la raison de l’obsession ferroviaire manifestée par RR, composé de dizaines de plans de trains traversant des paysages nord-américains. Il l’est toujours à quatre-vingt trois ans, même si ce nouveau film ne montre ni wagons ni locomotives. Des dix maquettes qui le composent, des modèles peu onéreux et disponibles dans le commerce, la plupart sont des éléments de décors destinés à agrémenter des circuits de train miniatures. Dans sa manière de faire écho aux passe-temps de l’enfance, little boy est le compagnon d’American Dreams (lost and found) (1984), dont il reprend la structure en recto-verso jadis appliquée à des cartes de collection sur le baseball. Ici, nous voyons consécutivement la construction d’un élément de maquette, puis une image fixe de l’objet fini – soit, comme toujours, la structure avant l’image. Sur le recto, les mains affairées à leur minutieux labeur travaillent en musique ; sur le verso, un discours historique accompagne la présentation du modèle réduit. Le tout s’ordonne chronologiquement, évoquant le travail autobiographique apocryphe dans lequel le cinéaste s’est récemment lancé, autant que les questions politiques qui l’animent depuis toujours. Car tous ces éléments de décor révèlent les chambres et les antichambres qui les produisent. En rendant visibles les conditions de production, Benning joue avec l’idée de la guerre comme commerce et comme passe-temps. Dans les deux maquettes qui enserrent cette série, on ne sera ainsi pas surpris de reconnaître un autre little boy, largué peu de temps après la naissance du cinéaste avec les conséquences que l’on connaît. Antoine Thirion

LOIN DE MOI LA COLÈRE de Joël Akafou Côte d’Ivoire, Burkina Faso, France | 83’ | Première française

Il y a eu de nombreux morts au village de Ziglo, dans l’ouest de la Côte d’Ivoire, pendant la guerre civile de 2011. Ayant trop attendu la justice d’État, Josiane, dite Maman Jo, une femme autochtone qui a perdu plusieurs membres de sa famille, a décidé de prendre en main le destin du village en créant un espace de parole pour les femmes.

LUMIÈRE DE MES YEUX de Sophie Bredier France | 90’ | Première mondiale

En 2012 alors que j’étais en tournage à l’hôpital Saint-Louis, j’ai rencontré Mahmoud, un blessé de la révolution égyptienne, aveugle et défiguré, venu se faire soigner en France grâce à une association humanitaire. Je l’ai filmé pendant plusieurs mois. Puis il a disparu.


MANAL ISSA, 2024 d’Elisabeth Subrin États-Unis, Liban | 10’ | Première internationale

A Beyrouth le 22 septembre 2024, quelques heures seulement avant l’escalade de bombardements dans tout le pays, l’actrice franco-libanaise Manal Issa interroge le rôle des acteurs pendant le conflit mondial en cours.

MILLS OF TIME de Pauline Rigal France | 46′ | Première mondiale

Sur les bords sauvages d’une rivière des Cévennes, Philip et Tristan restaurent les systèmes d’irrigation d’un ancien moulin à eau du XVIIe siècle. Suspendus au passage de l’eau, ils travaillent ensemble, s’arrêtent, se reposent, partagent des moments d’accalmie.

MONIKONDEE de Lonnie Van Brummelen, Siebren De Haan & Tolin Erwin Alexander Suriname, Pays-Bas | 99’ | Première mondiale

Un homme livre avec son bateau des marchandises aux communautés indigènes et marronnes le long du fleuve Maroni, qui sépare le Suriname de la Guyane française. Son voyage offre un aperçu du défi que représente le maintien des coutumes locales face à l’exploitation de l’or, aux entreprises multinationales et au changement climatique.

MONÓLOGO COLECTIVO de Jessica Sarah Rinland Argentine, Royaume-Uni | 104’ | Première française

Au sein d’une communauté de zoos et de centres de soins pour animaux à travers l’Argentine, alors que l’histoire de ces institutions est mise au jour, des travailleurs dévoués s’engagent jour et nuit pour prendre soin des animaux toujours enfermés, favorisant un lien mutuel qui transcende les frontières imaginées entre le monde humain et animal.


NOTES OF A CROCODILE de Daphne Xu Cambodge, Chine, Canada | 18’ | Première française

La nouvelle d’un immeuble à moitié achevé et rempli de crocodiles amène une Chinoise à Phnom Penh. Elle marche le long du Mékong à la recherche d’une amie perdue.

THE OTHER QUEEN OF MEMPHIS de Luna Mahoux France | 22’ | Première mondiale

Memphis, Tennessee. La rappeuse Lachat (Chastity Daniels) nous emmène à travers différents récits, les siens, pour nous guider dans cette ville peuplée de fantômes et de rêves.

PAUL de Denis Côté Canada | 87’ | Première française

Sujet à la dépression et à l’anxiété sociale, Paul a trouvé refuge auprès de femmes qui l’invitent à faire le ménage chez elles. En partageant ses habitudes gentiment excentriques sur les médias sociaux, il lutte contre la solitude et vit au jour le jour.

POSTSCRIPT de Parastoo Anoushahpour, Faraz Anoushahpour & Ryan Ferko Canada | 30’ | Première française

Les images englouties récupérées au barrage de Karaj en Iran – où le cinéaste français Albert Lamorisse s’est écrasé en 1970 – refont surface. Lors d’une conversation téléphonique, un archiviste iranien spécule sur la mort de Lamorisse et sur la restauration et la diffusion de ses dernières images.

RECHERCHE MÉDÉE de Mathilde Girard France | 57’ | Première mondiale

Je cherche Médée. Je mène l’enquête sur ce qu’on sait d’elle, ce qu’on ne dit pas, et ce qu’elle nous apprend de nous-mêmes. Un texte surgit : Médée-matériau, de Heiner Müller. On prête nos voix à ce personnage – peut-être cette fois saura-t-on l’entendre.

REGARDE AVEC MES YEUX ET DONNE-MOI LES TIENS de Noëlle Pujol
France | 31’ | Première mondiale

Tournée dans l’atelier de Georges Braque en Normandie, aujourd’hui envahi par la nature, l’histoire de ma rencontre avec un oiseau tout droit sorti de la magie du conte.

ROBERT TASCHEN de Léo Bizeul France | 9’ | Première mondiale

Une maison, quelque part. En France, probablement à la campagne : quelques indices nous renseignent, comme l’âge et le style des meubles, ou la présence d’un lapin. C’est maigre, et devant la sécheresse radicale de ce court film pas vraiment hospitalier, on comprendrait que le spectateur s’offusque d’être traité avec si peu d’égards. Robert Taschen ne lui apprendra rien, n’a rien à lui dire. Le portrait qu’il fait à peine est celui de l’homme qui habite la maison. Seul, de toute évidence, tout comme il est évident que ce n’est pas une solitude ordinaire, et qu’une longue dérive a fait de lui un naufragé, très loin des côtes de la vie normale

SA RAFALE de Maxime Garault France | 41’ | Première mondiale

En 2020, Maxime fait un séjour en hôpital psychiatrique. Très vite, des rencontres avec d’autres patient.e.s adviennent, douces, surprenantes. À l’issue de ce séjour, Maxime propose à son ami Guillaume, peintre, et schizophrène, de convoquer leurs figures. L’un raconte, l’autre peint.

LES SANGLIÈRES d’Elsa Brès France | 69’ | Première mondiale

Au début du XVIe siècle, dans une forêt cévenole, des paysannes de différentes régions se regroupent pour lutter contre la privatisation des Communs. Quelques siècles plus tard, la forêt en plein chantier est sous la surveillance d’Annie, gardienne solitaire de 75 ans. Une nuit, le paysage se retourne.

SELEGNA SOL d’Anouk Moyaux France | 50’ | Première mondiale

Après plusieurs années d’absence, Gibran revient à Los Angeles, avec pour objectif d’acquérir un terrain à Tecate, son village natal au Mexique. C’est alors qu’il organise les conditions pratiques de son départ qu’il redécouvre les liens émotionnels et historiques qui le lient aux États-Unis.

SIX KNOTS d’Ali Vanderkruyk Canada | 29’ | Première française

Pour réduire le bruit ambiant à l’approche d’un cétacé, un navire ne doit pas dépasser six nœuds. Symbole de longue date de la distance entre l’homme et l’animal, la baleine est un objet de mystère, de fascination et d’exploitation.

STREAM-STORY d’Amit Dutta Inde | 32’ | Première mondiale

Dans la vallée de Kangra, dans l’Himachal Pradesh, un ancien réseau de kuhls, des canaux construits à la main, acheminent les eaux. Les kohlis, les « maîtres de l’eau », luttent pour protéger ce patrimoine, gardiens d’un mode de vie où l’eau coule en même temps que les contes populaires, les mythes et les arts locaux.

TIN CITY de Feargal Ward Irlande | 20’ | Première française

Dans une forêt isolée du nord-ouest de l’Allemagne, un camp de combat urbain appelé « Tin City » est utilisé pour entraîner les soldats britanniques avant leur déploiement en Irlande du Nord. Un bar, une banque, un magasin – chaque lieu révèle une nouvelle variante du même dispositif macabre.

YVON de Marie Tavernier France | 77’ | Première mondiale

Yvon nettoie des poussières invisibles, compte pour se rassurer, parle beaucoup, hurle de colère et écrit pour se calmer. Sa retraite est imminente et avant de quitter son logement de fonction, il revisite sa vie de décontamineur dans les centrales nucléaires. Yvon commence à écrire son histoire.

2 - Quatre cinéastes en réaction

Face au chaos du monde, que peut le cinéma sinon créer des images à regarder sans être aveuglé ni par la peur ni par la fascination et ainsi faire que malgré tout ce monde nous appartienne !Mais quand le présent nous attaque, nous affecte, nous absorbe, qu’il est tout entier ce réel sur lequel il n’y a plus de prise, et que l’inefficacité de l’Art pour agir sur le monde devient alors si criante… que faire ?

Catherine Bizern et l'équipe du cinéma du réel ont convié quatre cinéastes dont les films, et la manière, entrent en résonance avec notre désarroi, tentent d’y donner une forme. Et ainsi peut-être d’y apporter une réponse.

"En 2011, Ryusuke Hamaguchi, alors jeune cinéaste, a vu à la télévision les images du tsunami déferlant sur les villages. Il a vu les maisons détruites, les gravats, la désolation. Face à la catastrophe, il entreprend avec son camarade Ko Sakai un voyage à la rencontre des survivants pour faire œuvre de mémoire et répondre à la question qu’est-ce qu’il s’est passé ? La trilogie de Tohoku serait d’abord un recueil de témoignages mais elle s’avère être bien plus que cela. Le cinéaste crée un dispositif qui est tout autant un espace d’écoute qu’un espace de parole et qui transforme chaque témoignage en un récit performatif. En construisant avec chaque rescapé un récit de soi, il permet que sous nos yeux la parole qui s’écoule de la blessure soit la source d’un nouveau cycle de vie et participe à la reconstruction de la communauté.

Samedi 22 mars: Christian Borghino (Adjoint à la direction artistique et animateur), Ryusuke Hamaguchi et Léa Le Dimna (traductrice) à l'occasion de la projection de Sound of the Waves, premier opus de la trilogie consacrée au séisme de 2011

Wang Bing de son côté part en 2015 dans la région de Shanghaï au cœur de l’industrie de la confection textile en Chine. Pour ce nouveau film, il lui faut se plonger pleinement dans une réalité qui lui est étrangère afin de comprendre le mode de vie, la mentalité et le dialecte des habitants. 5 ans de tournage à plusieurs caméras, 2600 heures de rushes pour rendre compte de la violence d’un capitalisme d’État sans règles sinon celle de l’exploitation forcenée d’une jeunesse originaire des zones rurales. C’est à cette nouvelle classe ouvrière que Wang Bing consacre son triptyque Jeunesse. Monument qui, une fois de plus, dévoile dans toute sa crudité la terrible réalité d’une Chine où servitude et aliénation laissent peu d’espace aux destins individuels auxquels, pourtant, aspire cette jeunesse chinoise.

Autre jeunesse que celle filmée par Julia Loktev, celle d’une génération émergente de journalistes indépendants opposée au régime russe. Lorsqu’elle les rencontre, ils sont tous déjà très menacés par le régime et classifiés, les uns après les autres, « agents de l’étranger ». Pourtant ils veulent rester, travailler, ne pas fuir, surtout ne pas se taire. La parole et les mots sont leurs armes, leur jeunesse et leur conviction sont leur force. C’est cette intensité à dire, à analyser, à expliciter mais aussi à commenter leur situation avec humour que Julia Loktev va filmer au quotidien, téléphone à la main, comme une traversée trépidante, de situation en situation, dans l’urgence et l’incertitude de leur vie. Au déclenchement de la guerre contre l’Ukraine la tension s’exacerbe et peu à peu il n’y aura, pour la plupart, pas d’autres choix que de quitter le pays. « Le monde que vous allez voir n’existe plus », prévient Julia Loktev au début du film.

Ghassan Salhab, cinéaste libanais, appartient à un monde où depuis des décennies le chaos succède à la destruction et inversement. Tandis que l’armée israélienne bombardait Gaza, le Sud Liban et le plateau du Golan et que la Palestine vivait une fois de plus un véritable désastre humain, nous lui demandions : comment vas-tu ? Je suis défait mais pas résigné. Avec lui nous nous poserons la question du faire, en adoptant une approche politique par les textes, les idées, les gestes et les images avec à l’esprit cette idée toute godardienne que faire, c’est simultanément avouer notre déception de l’inefficacité de l’Art et tenter tout de même d’apporter
quelques éléments de réponses. Car tout ne peut-il pas, tout de même, renaître des ruines ?"

Dimanche 23 mars: Christian Borghino (Adjoint à la direction artistique et animateur), Ryusuke Hamaguchi et Léa Le Dimna (traductrice) à l'occasion de la projection de Voices From the Waves: Shinchimachi et Voices From the Waves: Kesennuma, deuxième et troisième opus de la trilogie consacrée au séisme de 2011

3 - Séances spéciales

Outre la traditionnelle séance d’ouverture, Cinéma du réel propose plusieurs séances spéciales, autour d’une sélection de films récents de l’année écoulée : avant-premières précédant la sortie en salles, premières françaises de films français salués dans les festivals de classe A, inédits, performances, et autres rendez-vous privilégiés avec des cinéastes, jeunes ou expérimentés, proches de l’esprit du festival. Ces séances spéciales sont conçues comme des événements, elles sont des rampes de lancement pour les films avant leur sortie en salle ou leur diffusion à la télévision et rassemblent le public du festival, ses invités et ses partenaires.



Ancestral Visions of the Future de Lemohang Jeremiah Mosese
2025 | France, Allemagne, Lesotho | 90′
Des routes de gravier poussiéreuses où il jouait avec des voitures en fil de fer à l’âge de sept ans aux rues austères de l’exil où il a sombré dans l’anonymat, le cinéaste se confronte aux moments qui l’ont brisé et façonné et réalise aussi une élégie pour une ville et un peuple pris entre le fardeau de la mémoire et la fatalité de la perte.

Le cinquième plan de La Jetée de Dominique Cabrera
Prod. Ad Libitum (Edmée Doroszlai) | 2024 | France | 97'
Pendant l’exposition Marker à la Cinémathèque, mon cousin Jean-Henri s’est reconnu dans La Jetée. Il était de dos avec ses parents sur la terrasse d’Orly dans le cinquième plan du film. Orly où nous sommes arrivés en 1962, pieds-noirs rapatriés d’Algérie. 1962, l’année du tournage du film de Marker…

Bogancloch de Ben Rivers 2024 | Royaume-Uni, Allemagne, Islande | 86′
Bogancloch est la maison de Jake Williams, nichée dans une vaste forêt écossaise. Le film, suite de Two Years at Sea (2011), dépeint la vie solitaire de Jake, traversée occasionnellement par d’autres personnes au fil des saisons. 

Projection de Bogancloch en présence de Ben Rivers et Antoine Thirion (critique)

Loin de vous j’ai grandi de Marie Dumora 2020 | France | 102′

Green Line de Sylvie Ballyot 2024 | France, Liban, Qatar | 151′
Fida a grandi à Beyrouth dans les années 80 pendant la guerre, plongée dans cet « enfer rouge » dont lui parlait sa grand-mère. La banalisation de la mort lui faisait douter de la valeur de la vie, et du sens de cette interminable guerre. Elle va à la rencontre de miliciens et confronte sa vision d’enfant avec la leur.

Jimmy de Yashaddai Owens | 1998 | États-Unis, France, Turquie | 67′
En novembre 1948, James Baldwin quitte New York et, grâce à une bourse, s’installe à Paris. L’écrivain de vingt-quatre ans y passera la majeure partie de la décennie suivante. Jimmy est le portrait d’un artiste qui renoue avec le monde.

Partition de Diana Allan | 2025 | Liban, Canada, Palestine | 61'
Partition fusionne des images d’archives de la Palestine sous occupation britannique avec des sons enregistrés auprès de réfugiés palestiniens au Liban. Les films muets regorgent d’histoires qui n’ont que très peu été racontées et témoignent du regard colonial qui perdure dans le présent.

Gen_ de Gianluca Matarrese | 2025 | France, Italie, Suisse | 103′

Au cœur d’un hôpital public de Milan, le Dr Bini embrasse la diversité humaine, entre affirmation de genre et rêves de parentalité. À la frontière de la médecine et de la légalité, il écoute, conseille et agit, car ce qui est juste pour le patient ne coïncide pas toujours avec la loi.

Les Mille et un jours du Hajj Edmond de Simone Bitton 2024 | Maroc, France | 93′

Cette lettre cinématographique s’adresse à l’ancien dirigeant communiste et militant pour l’indépendance du Maroc, Edmond Amran Elmaleh, qui a laissé une œuvre littéraire foisonnante habitée par les tragédies, comme celles du départ des juifs du Maroc et de l’exode des Palestiniens arrachés à leur terre.

 

Hommage à la Catalogne de Frédéric Goldbronn 2025 | France | 69′
Dans Hommage à la Catalogne, George Orwell fait le récit de son engagement dans la révolution et la guerre d’Espagne. C’est un livre hanté par des images, que l’on retrouve dans les reportages des opérateurs anarchistes de la CNT. Le film se propose de faire partager son expérience en Espagne à travers une expérience nouvelle de cinéma.

Notre Dame de la Croisette de Daniel Schmid 1981 | Suisse | 53′


Dani, Michi, Renato et Max de Richard Dindo 1987 | Suisse | 138'
Dani, Michi, Renato et Max est sans doute l’un des films les plus incisifs de Richard Dindo, qui aimait se présenter comme un documentariste impur.  À la nouvelle de son décès, c’est ce film-là que nous avons ardemment voulu revoir. Un film qui advient dans le frottement entre mécanisme de la fiction et force du documentaire, entre la mémoire, le présent du tournage et l’ici et maintenant du spectateur. 

Israël Palestine on Swedish TV (1958-1989) de Göran Hugo Olsson
2024 | Suède, Finlande, Danemark | 206'
Entre 1958 et 1989, les reportages de la chaîne publique suédoise SVT sur Israël et la Palestine étaient sans équivalent. Ses reporters étaient constamment présents dans la région touchée par la guerre, documentant tout, de la vie quotidienne aux crises internationales.

Sleep #2 de Radu Jude 2024 | Roumanie | 62'
Un pétale tombé / Remonte à sa branche/ Ah ! C’est un papillon !/ (Moritake)

 

3 - Front(s) Populaire(s)

Front(s) populaire(s) est un rendez-vous quotidien, tous les soirs à 19h30 autour d’un film récent, voire en première mondiale, suivi d’une rencontre avec le réalisateur et une personnalité pour nourrir la réflexion des festivaliers autour de la forme, de la pensée du film et du rapport entre le cinéma et notre capacité d’action.

Mardi 25 mars : de gauche a droite : Stefan Le Courant, anthropologue et chargé de recherches au CNRS, Gilles Vandaele et Martijn De Meleneire (réalisateurs de from afar), Annick Redolfi (réalisatrice de Devant – contrechamp de la rétention) et Eugénie Barbezat, du journal L’Humanité. puis tout a droite c'est Christian Borghino (Adjoint à la direction artistique et animateur)

Avec la conviction que le cinéma nous rend clairvoyant, Front(s) populaire(s) explore chaque année une partie de notre réalité contemporaine, de notre questionnement, à partir de films qui témoignent de l’engagement de citoyens et des cinéastes qui les filment. Cette année le choix des films proposés se fera dans le prolongement du questionnement partagé par nombre de cinéastes et de nos invités, quant à notre capacité d’agir. Chaque film comme une réponse possible à la question : quel horizon, en l’absence de perspective ?

Les salles :

L’Arlequin
76, rue de Rennes, Paris 6e

Reflet Médicis
3, rue Champollion, Paris 5e

Saint-André des Arts
Achat de billets public :
30, rue Saint-André des Arts, Paris 6e
Accès à la salle et retrait des billets accrédités et invités :
12, rue Gît-le-Coeur, Paris 6e

Christine Cinéma Club
4, rue Christine, Paris 6e

LIEU ASSOCIÉ

: La BULAC, 65, rue des Grands Moulins, Paris 13e

 

Milann Baupin et Ryusuke Hamaguchi devant le Saint-André des Arts le 22 mars 2025
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