Faute d'amour

Alyosha, douze ans rentre de l'école. Dans le paysage enneigé près de la rivière, il ramasse un vieux ruban de sécurité et l'attache à un bout de bois avant de les lancer tous les deux à la cime d'un arbre s'avançant au-dessus de l'eau.

Rentré chez lui, Alyosha affronte l'hostilité muette de sa mère, Genia, qui divorce et reçoit la visite d'un jeune couple qui pourrait lui permettre de vendre l'appartement familial. Lorsque le père arrive, Boris, le couple reprend ses disputes. Ils préparent déjà leur avenir respectif : Boris, journaliste dans une officine orthodoxe, est en couple avec une jeune femme enceinte et Genia fréquente un homme aisé qui semble prêt à l’épouser... Aucun des deux ne semble avoir d'intérêt pour Alyosha : Boris souhaiterait que Genia le garde mais celle-ci qui travaille dans un institut de beauté n'en a aucune envie. Alyosha surprend la conversation de ses parents et est terrassé par les larmes.

Le lendemain, le couple vaque à ses occupations. Boris craint que son divorce soit incompatible avec ses fonctions dans son entreprise extrêmement rigoureuse sur une morale conventionnelle au point qu'un employé a caché durant des années un divorce. Il se faisait accompagner lors de la réception annuelle par sa nouvelle femme et leur fille sans que personne ne le sache. Genia est, quant à elle, toute à son entreprise de séduction auprès d'Anton.

Genia rentre chez elle au petit matin. Boris reçoit un appel de Genia. Elle a été appelée par l'école car Alyosha n'est pas venu en cours depuis deux jours. Genia a constaté qu'il n'était pas dans sa chambre et n'y a probablement pas dormi. Boris n'a pas plus de nouvelle de son fils. Ils décident d'alerter la police. Celle-ci pense à une fugue et les dirige vers le GRED, le Groupe de Recherche des Enfants Disparus.

Le couple, incapable de s'entendre, se dispute constamment. Interrogée, la mère de Genia croit qu'il s'agit d'une ruse des parents pour lui faire garder l'enfant qu'elle n'aime pas plus qu'eux. Le GRED parvient à convaincre le meilleur ami d'Alyosha de leur indiquer la cachette secrète de l'enfant dans la forêt. Mais les fouilles ne donnent rien. Les recherches dans les hôpitaux n'aboutissent qu'à de fausses pistes.

Les parents sont convoqués à la morgue. Ils refusent de reconnaitre, dans le corps écorché qu'on leur présente, leur fils Alyosha. Pourtant c'était bien lui. Parti le matin précipitamment à l'école sans doute était-il retourné près de l'arbre surplombant l'eau pour revoir son ruban accroché. Déstabilisé par sa mauvaise nuit, il a probablement glissé et ne pas trouvé l'énergie suffisante pour échapper à la noyade. Les arbres noirs de l'hiver recouverts de la neige lui ont servi de linceul.

Terrifiante description d'un amour mort que même l'angoisse d'avoir à retrouver l'enfant disparu ne peut ranimer. Andrei Zvyagintsev ne charge aucun de ses personnages, qui n'ont pourtant presque rien pour eux. Il ne les rend pas même directement responsables de la disparition d'Alyosha. A l'hiver sans espoir des premiers plans, répondent les mêmes plans de la fin avec une contre-plongée terrible interrogeant le ciel.

Jean-Luc Lacuve le 09/09/2017