Los Robles, ville frontière entre le Mexique et les Etats-Unis. Un homme règle la minuterie d'une bombe sur trois minutes. Il entend le rire d'une femme au bras d'un homme sous une arche commerçante; les aperçoit et file le long d'un mur pour placer la bombe dans le coffre d'une grande limousine blanche. Il s'enfuit. L'homme et la femme prennent place dans la voiture qui s'engage dans la grande rue de Los Robles. Un agent de la circulation les arrête pour laisser passer un couple qui traverse. Ce sont Vargas et sa femme. Ils atteignent le poste frontière américain où les douaniers félicitent Vargas pour avoir arrêté le chef du gang Grandi et pour son tout récent mariage. Puis c'est au tour de la limousine blanche de Linneker de franchir la frontière. Sa compagne se plaint d'entendre un tic-tac dans sa tête. Susan et Mike franchissent la frontière. Ils s'embrassent ; la limousine blanche explose.
Vargas voit immédiatement que le Mexique pourrait être impliqué dans l'explosion car la bombe et la voiture provenaient de son pays. Il s'enquiert des premiers éléments d'enquête et renvoie Susan dans leur hôtel de l'autre côté de la frontière. Susan est repérée par un jeune rocker mexicain qui lui dit être porteur d'un message pour son mari. Susan finit par accepter de le suivre et de passer à nouveau la frontière avec lui.
Le procureur arrive et demande après Quinlan, présenté à Vargas comme leur célébrité locale. Marcia Linneker vient identifier son père. Quinlan s'enquiert du type de bombe utilisé.
Susan, devant l'hôtel Ritz, est piégée par un photographe, neveu de Grandi qui se plaint qu'elle l'ait cavalièrement appelé "Pancho". Susan ne se laisse pas intimider.
Quinlan ordonne la filature de Marcia. Il est certain que c'est de la dynamite qui a été utilisée pour "détruire" Linneker et, dans le même temps, sa maitresse, Zita la strip-teaseuse. L'intuition que lui donne sa jambe malade ne le trompe jamais. Quinlan franchit la frontière et s'en va perquisitionner sans mandat, le "ranch" de Grandi, boite de strip-tease où travaillait Zita. De son côté, Susan rejoint son hôtel où son mari l'attend. Elle lui parle de la tentative d'intimidation dont elle a été victime. Vargas rejoint ensuite le groupe d'enquêteurs américains. Il est interpellé dans la rue et échappe de justesse au flacon d'acide que lui lance un neveu de Grandi. La perquisition du "Grand ranch Grandi" ne donne rien. Quinlan, entendant le son du pianola, rend visite à Tana, une diseuse de bonne aventure qui peine à reconnaître l'homme de jadis sous ses traits bouffis. Il promet de revenir goûter son chili une fois l'enquête finie. "Il sera peut-être trop fort pour toi", répond Tana.
Quinlan, mis au courant de l'acide reçu par Vargas, a l'intuition que le coup vient de Grandi mais se réjouit ouvertement devant le Mexicain de n'avoir pas assez de charges pour interpeller celui qui a importuné sa femme. Vargas rentre à son hôtel.
Alors que Susan se déshabille dans sa chambre d'hôtel, elle est aveuglée par le faisceau d'une lampe torche braquée sur elle depuis une fenêtre opposée. Elle insulte le voyeur et lui lance l'unique ampoule de l'hôtel. Quand son mari rentre, elle est bien décidée à en partir immédiatement.
Un jeune homme vient chercher Risto, qui aveuglait Susan dans son hôtel. C'est le fils de Vic, le chef de la bande mise sous les verrous par Vargas. Joe, le frère de Vic, ne veut pas que ses neveux s'attaquent directement à Vargas ce qui condamnerait son frère à coup sûr. A la réception de l'hôtel, Vargas reçoit un coup de téléphone. De l'autre côté de la rue, Joe demande à un autre neveu de remettre la photo compromettante à Susan qu'il aperçoit s'apprêtant à partir de l'hôtel.
Vargas annonce à sa femme qu'il ne peut prendre avec elle l'avion de Mexico car il vient d'apprendre que Quinlan avait une piste. Susan, que la menace de la photo a fait changer d'avis, renonce à un départ immédiat pour Mexico : elle demande à son mari de rester près de lui et de la conduire, en sécurité, dans un motel américain de l'autre côté de la frontière. Grandi, qui a tout entendu, décide de frapper un grand coup sans toucher Vargas. Il poursuit le couple dans sa voiture.
Vargas explique à Susan, somnolente au petit jour, qu'il ne veut pas compromettre l'image de son pays et veut enquêter avec Quillan. En sens inverse arrive justement la voiture de Quinlan, du procureur et de son adjoint Schwartz qui l'entrainent avec eux. Vargas repart donc, laissant le sergent Mendies conduire Susan à l'abri, à l'hôtel Mirador, à l'écart de la route principale. Tout en racontant à Susan comment Quinlan lui a autrefois sauvé la vie, au prix de sa jambe restée invalide, Menzies repère Grandi qui les suit. Il l'arrête juste devant le motel Mirador. Susan en se réveillant découvre donc le pauvre motel qui l'attend dont elle sera la seule cliente. Elle se désespère de voir encore Grandi mais Menzies conduit celui-ci auprès de Quinlan.
Il est sept heures du matin au motel Mirador et le gardien de nuit, froussard et maladroit, allume inopportunément la radio, refuse de faire le lit et annonce que le gardien de jour, qui devait arriver à six heures, sera remplacé par un nouveau. Il rit quand Susan lui dit que Grandi est en état d'arrestation.
Quinlan a fait une première halte dans la mine de Linneker où a été déclaré un vol de dynamite. Sanchez a été renvoyé pour cela et parce qu'il fricotait avec la fille du patron. Sur le chantier, Schwartz remarque aussi un ancien condamné pour meurtre, Eddie Farnum. Un appel radio les informe que Sanchez est au 5 innes Place chez Marcia Linneker. Ils décident de s'y rendre.
Ils trouvent Marcia Linneker et Manolo Sanchez mais aussi Howard Frantz, l'avocat de Grandi et Linneker. L'avocat emmène sa cliente Marcia et laisse Sanchez face à la police. Sanchez a peur d'être passé à tabac. Vargas le rassure. Pendant qu'il est dans la salle de bain, où il se lave les mains, il fait tomber une boite de chaussures vide, la ramasse et entend Quinlan frapper Sanchez. Il sort téléphoner à Susan alors que Pete ramène Grandi. Vargas parvient à joindre Susan au téléphone pour lui dire qu'il ne pourra la rejoindre avant quelques temps puisque Quinlan a l'intention d'arrêter Sanchez. Susan demande à ne pas être dérangée sans percevoir que le gardien de jour est Risto, le neveu de Grandi.
Quinlan, demande à Pete de fouiller la chambre et la salle de bain. Pete "trouve" deux bâtons de dynamite dans la salle de bain. C'est la preuve attendue. Des dix bâtons de dynamite volés, huit ont été utilisé pour tuer Linneker et les deux retrouvés accusent Sanchez. Vargas est certain que Quinlan les a déposés lui-même car il avait constaté lui-même que cette boite à chaussures, censée cacher les bâtons de dynamite, était vide lorsqu'il l'avait laissé tomber. Il accuse publiquement Quinlan d'avoir piégé le jeune Mexicain sur la seule foi d'une impression non étayée.
Pete et Schwartz, l'assistant du procureur s'inquiètent des accusations portées contre Quinlan. Grandi, qui n'a rien perdu de cette altercation, propose immédiatement ses services à Quinlan et l'entraine dans son bar. Pete réprouve cette alliance qu'il observe de loin.
Au motel, Susan voit débarquer un groupe de jeunes gens motorisés et bruyants.
Al Schwartz accepte d'aider Vargas. Il ira s'enquérir du stock de dynamite de Quinlan dans son ranch pendant que Vargas vérifiera sur les registres légaux combien Quinlan en a acheté.
Au Mirador, Susan demande en vain que l'on baisse la musique et à contacter la police. La bande de Joe Grandi terrorise le gardien de nuit.
Au bar de Grandi, Quinlan s'est laissé convaincre de s'associer à lui pour perdre Vargas en même temps qu'il s'est laissé aller à boire de nouveau. Au motel, la musique est de plus en plus bruyante.
Schwartz a fait venir le commissaire Gould et le procureur Adair pour faire officieusement avancer l'enquête. Vargas détient un document montrant que le 18 juin à la quincaillerie Hills de Los Robles ont été vendus 17 bâtons de dynamite Black Fox à Quinlan pour son ranch. Vargas appelle sa femme au Motel mais le jeune rocker lui refuse la communication prétextant que sa femme dort.
Susan est prévenue par une mystérieuse voix féminine que les garçons vont tenter d'entrer dans sa chambre et qu'ils sont dogués. Deux des jeunes femmes annoncent que la fête ne fait que commencer
Pete vient chercher Quinlan dans un bar mexicain lui enjoignant d'être sobre car dans l'hôtel tout proche de Vargas se tient une réunion qui l'accuse. Hank raconte, ce qu'il ne fait jamais étant sobre, la mort de sa femme par strangulation. Il soupçonnait un métis mais n'a jamais pu le prouver. "Il est mort dans une tranchée en 1917. C'est le dernier tueur qui m'est échappé".
Quinlan retrouve Vargas dans sa chambre d'hôtel. Le Mexicain le prend à parti devant Gould et Adair : "Dans un pays libre la police doit appliquer la loi qui protège innocents et coupables. Métier seulement facile dans un état policier. Qui décide, le flic ou la loi ?" Quinlan demande alors insidieusement à Vargas où se trouve sa femme. Celui-ci élude la question et lui affirme que s'il n'a utilisé que 15 bâtons dans son ranch sur les 17 achetés, il est bien certains que les deux manquants ont servi à accuser Sanchez. Quinlan donne sa démission. Gould et Adair exigent des excusent de Vargas. Vargas demande à Al Schwartz de pouvoir consulter les archives de Quinlan. Gould restitue son insigne à Quinlan. Celui-ci accuse Vargas d'être un drogué qui a perverti sa femme. Son métier lui servirait de couverture.
Vargas cherche dans les affaires classées et Schwartz lui fait observer la démesure de sa tâche : il doit trouver rien moins qu'un coupable et prouver que le meilleur policier américain est un imposteur.
Dans le motel, les garçons entrent dans la chambre de Susan, terrorisée. Pete Menzies appelle Tana pour savoir si Quinlan est chez elle. Garçons et filles agressent Susan qui se débat.
Pete Menzies retrouve Vargas aux archives. Celui-ci lui démontre que Quinlan maquille couramment des preuves pour incriminer des suspects qu'il a toujours été un expert dans la fabrication des preuves (la hache de l'affaire Burger, le dentier de l'affaire Erwell), autant de "preuves" niées par la défense.
Vargas arrive la nuit au motel et le trouve sans lumière. Susan n'y est plus. En inspectant la chambre 7, il trouve ses robes étalées sur le lit et des mégots suspects. Le gardien finit par lâcher que le jeune Grandi est venu et que tous doivent dorénavant être au "Grand Ranch Grandi"
Dans une chambre de l'hôtel Ritz, Susan repose inconsciente. Grandi interroge ses nièces. Elles ont déshabillée Susan et laissé des mégots. Grandi ne veut pas qu'elles aient fumée. Elles ont seulement soufflé de la fumée sur elle et lui ont flanqué la frousse. "Espérons que cela va suffire, conclut Grandi. En se réveillant elle va imaginer le pire". Grandi fait alors entrer Quinlan qui a exigé que Susan soit conduite ici. Grandi ne comprend pas pourquoi Quinlan le braque avec un revolver et l'oblige à appeler Menzies au commissariat où Sanchez nie toujours. Il lui dit que Susan est une droguée et d'appeler la mondaine anonymement afin qu'elle vienne Hôtel Ritz chambre 18. Quinlan étrangle alors Grandi avec une cordelette de tissus. Il quitte la pièce sans voir l'affichette qui indique de ne rien oublier.
Susan se réveille. Horrifiée par la tête de Grandi qui pend à la rambarde de son lit, elle se rue sur le balcon où elle ameute la foule. Vargas arrive à toute allure. Sa voiture doit ralentir devant l'attroupement causé par sa femme au balcon de l'hôtel mais il ne la voit pas et passe le frontière en trombe pour se rendre au ranch Grandi et s'en prend au jeune Grandi et à sa bande. Dans le bar dévasté, Al vient lui annoncer que sa femme a été arrêtée par la mondaine. Elle a été trouvée au Ritz à demi-nue et droguée avec des traces d'héroïne et de marijuana. Un meurtre a aussi été commis conclut Schwartz. A la prison, le procureur confirme ces accusations mais Vargas assure que le Demerol ou le Pentothal produisent les mêmes effets. Menzies avoue à Vargas qu'il a trouvé la canne de Quinlan près du cadavre de Grandi.
Vargas surveille Quinlan affalé près du piano mécanique depuis trois heures et revient brancher un micro sur Menzies, qui a décidé de l'aider. Il lui confirme que le jeune Grandi a avoué qu'il s'agissait d'une mise en scène : Susan n'a été ni violée ni droguée. On lui a juste administré du Penthotal. Schwartz lui ramènera sa femme au matin.
"Dis-moi m'on avenir". "Tu n'en as pas". "Comment ça ?". "Ton avenir est épuisé." s'est entendu dire Quinlan par Tana. Lui-même ironise sur Menzies "T'es devenu copain avec ce mexicain ; c'est pour ça que tu portes ce drôle de truc.... Cette auréole". Le sergent a eu peur d'être découvert : équipé d'un micro relié à Vargas par un magnétophone, le sergent entraîne Quinlan hors de chez Tana et, au fil d'une course-poursuite nocturne entre échafaudages et derricks, lui fait avouer qu'il a maquillé les preuves. Pourtant Quinlan proteste de son honnêteté. La pompe des derricks qui aspire l'argent, lui aussi aurait pu y puiser et devenir riche. Or, il n'a qu'un élevage de dindons et un bout de terrain.
A cause d'un écho qui suit toutes ses paroles, le policier devine ce qui se trame contre lui. Comme Menzies tente de lui confisquer son arme, Quinlan tire sur lui. Vargas dépose le micro sur les détritus près de l'arche du pont pendant que Quinlan se lave les mains du sang de son ami. Vargas vient constater sa victoire sur Quinlan qui pleure. Mais celui-ci trouve encore la force de faire croire à Vargas qui le toise, affalé dans les détritus que c'est lui qui sera accusé du meurtre de Menzies puisque c'est son arme qui l'a tué. Il tire une première balle pour qu'il se retourne. Vargas le regarde. Il va l'abattre quand Menziès, mourant, tire sur son ami laissant le temps à Vargas de fuir vers la voiture de Schwartz qui arrive. Il court rejoindre sa femme pendant que Schwartz écoute l'enregistrement qui accuse Quinlan. Celui-ci l'écoute aussi mais, comme de si rien n'était, s'en va dérisoirement dire à Menziès, mort, que c'est la deuxième fois qu'il intercepte une balle pour lui.
Alors que Tana accoure, que l'enregistrement accusateur se termine, Quinlan tombe à la renverse dans l'eau croupie. "Tout ceci pour rien, explique Schwartz, car Sanchez a avoué son crime. Quinlan avait vu juste". Schwartz demande à Tana si elle l'aimait beaucoup. Elle lui réplique que c'est celui qu'il a tué qui l'aimait. "Hank était un grand enquêteur poursuit Schwartz... et un mauvais flic, conclut Tana. Rien d'autre à en dire ? demande Schwartz. "He was some kind of a man (C'était un sacré bonhomme)" dit-elle enfin en guise d'oraison funèbre mais se rétracte à nouveau : "Quelle importance ce qu'on dit des gens ?". "Goodbye Tana" dit Schwartz à Tana qui s'enfonce dans la nuit. "Adios" conclut-elle alors que s'élève la musique du pianola.
Le film décrit la lente désagrégation d'un personnage dépassé par sa compromission grandissante avec le mal. Le titre américain imposé à Welles, A touch of evil, est bien plus subtil que La soif du mal, sauf si on entend que c'est le mal qui a soif, soif de corrompre un individu dès qu'il l'a effleuré. Hank Quinlan n'a en effet aucune soif du mal. En revanche, colosse au pied d'argile, sa corruption est allé grandissante depuis l'assassinat non résolu de sa femme, depuis une blessure reçue jusqu'au crime en passant par la fabrication de fausses preuves. Face à lui, se dresse le nouveau pouvoir, ironiquement incarné par un mexicain, qui se prétend incorruptible mais ne saurait certainement pas réagir si le mal l'effleurait.
Un plan séquence d'anthologie pour une destruction annoncée
Le plan-séquence qui ouvre le film est l'un des plus virtuoses qui soient. Jacques Lourcelles en fait un élément à charge contre le film : "Welles utilise le plan-séquence dans une optique opposée à celle de Preminger qui voulait par là faire oublier le découpage et le montage, dans ce rêve idéalement classique d'un film qui serait composé d'un seul plan. Le plan-séquence de Welles se revendique comme tel dans chacune de ses secondes. Le plan-séquence (le premier notamment) est une prouesse destinée à couper le souffle et à engendrer un suspens interne qui concerne moins l'action proprement dite que la virtuosité du metteur en scène."
Lourcelles refuse en effet d'en faire une sorte de métaphore du film dont il goute peu le sens : "Le scénario de Touch of evil, plein de conventions, de complaisances et d'invraisemblance est l'un des plus médiocres qu'on ait vu dans un policier d'après guerre.... Le baroque dont Borges a donné une définition brève et radicale ("j'appellerais baroque, l'étape finale de tout art lorsqu'il exhibe et dilapide ses moyens") convient parfaitement à Welles pour décrire un monde usé, pourrissant, parvenu au stade ultime de sa décomposition. Il exécute lui-même une composition saisissante d'épave boursouflée et à la dérive qui fait complètement oublier que l'acteur n'avait à l'époque que quarante-deux ans. Pour le reste, c'est à dire l'usage des courtes focales et des cadrages insolites (plongées et contre-plongées), recréent un espace crépusculaire. "
Et pourtant c'est bien cet espace sans cesse menacé de corruption, d'explosion, de morts innocentes (Zita plus encore que Linneker dont le seul tort est d'être un père autoritaire) que traverse la voiture porteuse de bombe qui est décrit dans ce grand plan séquence initial. En lieu et place du baiser du couple aura lieu l'explosion empêchant, pour un temps du moins, le moderne couple américano-mexicain d'aller vers le monde positif auquel il est promis.
Un couple miraculeusement préservé de la soif du mal
L'antipathie entre Vargas et Quinlan se révèle dès leur première rencontre. Vargas instruit ses dossiers avec patience et opiniâtreté, Quinlan ne fait confiance qu'à son intuition. L'un et l'autre sont néanmoins de grands policiers... et de grands séducteurs. Comme Vargas a pu séduire sa jolie femme, Quinlan aussi fut assez séduisant pour plaire à sa femme, morte tragiquement, et à la belle Tana. Quinlan meurtri par l'assassinat de sa femme resté non résolu, blessé dans son corps par la balle reçue, souffre depuis d'un mal qui l'oblige sans doute à davantage de raccourcis dans les enquêtes pour rester le maitre du jeu. Ainsi a-t-il pris l'habitude de maquiller les preuves espérant l'aveu des coupables ou, parfois, s'en passant. Sa dégradation physique, son passage du sexe au sucre le condamne de plus en plus surement.
A l'opposé, se trouve Vargas, l'incorruptible, ironiquement mexicain alors qu'il est aussi porteur des valeurs de l'Amérique moderne. S'il reste debout c'est sans doute parce qu'il est sur de ses méthodes. Quinlan pressent les événements, quand Vargas ne présume à aucun moment le danger qui menace sa femme. Emporté par la colère, il n'entend pas même sa femme crier et l'appeler à l'aide du haut du balcon du Ritz.
Le mal qui agresse Susan pourrait être bien plus violent. Joe Grandi pourrait envoyer ses neveux et nièces violer et droguer la jeune femme. Ils s'en tiendront finalement à un simulacre qui permet in fine à Vargas de triompher. Il s'agit sans doute là d'une invraisemblance que soulignait Lourcelles.
La Soif du mal permet à Welles de revenir travailler une dernière fois dans les studios américains. De ce qui n'était qu'une commande sans ambition, Welles fait un film complexe et personnel. Loin de constituer le nouveau départ espéré aux États-Unis, le film est un échec public, envenimé encore par les relations tumultueuses du cinéaste avec le studio. C'est le point final de sa carrière américaine de réalisateur de films.
Il existait deux versions sensiblement différentes, toutes deux désavouées par Welles qui s'en est vu rapidement retirer le contrôle dans le second cas. La différence entre les deux versions est d'un quart d'heure. La version restaurée proposée par Arte est celle de 110 minutes, l'initiale et la plus longue.
Jean-Luc Lacuve le 10/01/2012
Bibliographie :